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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
10 février 2018 6 10 /02 /février /2018 10:47

Le colonialisme s'est heurté, on n'en a trop peu conscience, à la résistance des peuples. Elle a pris des formes diverses, toujours minorées: on parle d’événements, de révoltes, et même de barbarie de ces peuples. Ce qui a permis aux puissances coloniales de masquer la réalité des guerres qu'elles menaient et la violence de la répression qu'elles infligeaient à ceux qui se levaient contre l'accaparement des richesses, des terres, de la force de travail. La guerre menée par les Hereros contre la puissance coloniale allemande en est un exemple comme on peut le lire dans l'article suivant à consulter sur le site histoirecoloniale.net.

Extrait de la brochure de Junius, Rosa Luxemburg à lire sur le site Smolny

http://www.collectif-smolny.org/article.php3?id_article=2056

 

L’actuelle guerre mondiale est un tournant dans le parcours de l’impérialisme. Pour la première fois, les bêtes férocesque l’Europe capitaliste avait lâchées sur tous les autres continents ont fait irruption d’un seul bond en plein milieu de l’Europe. Un cri d’effroi parcourut le monde lorsque la Belgique, ce précieux petit bijou de la civilisation européenne, ainsi que les plus vénérables monuments culturels du Nord de la France, volèrent en éclats sous le choc d’une force de destruction aveugle. Le « monde civilisé » qui avait observé avec flegme ce même impérialisme lorsqu’il vouait des dizaines de milliers de Héréros à la fin la plus atroce, et qu’il remplissait le désert du Kalahari des cris déments d’hommes assoiffés et des râles de moribonds lorsqu’il torturait jusqu’à la mort, en l’espace de dix ans, quarante mille hommes sur le Putumayo par l’entremise d’une bande de chevaliers d’industrie européens et que le reste du peuple fut battu à en être infirme ; lorsqu’en Chine, il abandonnait une civilisation vieille comme le monde à la soldatesque européenne pour qu’elle soit mise à feu et à sang et subisse toutes les horreurs de la destruction et de l’anarchie ; lorsqu’il étranglait la Perse, impuissante, avec le nœud coulant toujours plus resserré de la tyrannie étrangère ; lorsqu’à Tripoli il a courbé les Arabes sous le joug du capital par le feu et par l’épée tandis que leur civilisation et leurs habitations étaient laminées - ce « monde civilisé » prend seulement conscience aujourd’hui que la morsure des fauves impérialistes est mortelle, que leur souffle est infâme. Il ne l’a remarqué que lorsque les fauves ont enfoncé leurs griffes acérées dans le sein de leur propre mère, la civilisation bourgeoise européenne. Et encore, cette découverte perce-t-elle avec réticence sous la forme distordue de l’hypocrisie bourgeoise, qui veut que chaque peuple ne reconnaisse l’infamie que dans l’uniforme national de son adversaire. « Les barbares allemands ! » - comme si tout peuple qui se prépare au meurtre organisé ne se transformait pas à l’instant même en une horde de barbares. « Les horreurs des cosaques ! » - comme si la guerre n’était pas en soi la plus grande des horreurs, comme si l’exaltation de la boucherie humaine présentée comme un héroïsme dans un journal socialiste à destination de la jeunesse n’était pas un bouillon de culture d’esprit cosaque !

Pour situer l'action de Rosa Luxemburg contre le colonialisme. Le massacre des Hereros (1904-1908), article sur le site histoirecoloniale.net

Des Hereros, on connaît surtout les coiffes exubérantes de leurs femmes et les couleurs vives des vêtements qu’elles arborent lors des fêtes. Mais peu de gens savent que ce peuple a subi un massacre au début du XX-ème siècle. Ce massacre est d’ailleurs considéré, à juste titre, comme « le premier génocide du siècle ». [1]

 

Le 14 août 2004, lors d’une cérémonie marquant le centième anniversaire du soulèvement des Hereros contre leurs colons allemands, une ministre a présenté les excuses du gouvernement allemand pour ce massacre.

[Première publication le 27 janvier 2005, mise à jour le 12 avril 2007]
 

La Namibie est un territoire semi-désertique, grand comme presque deux fois la France, situé au Nord-Ouest de l’Afrique du Sud. Après la première guerre mondiale, le territoire a été placé par la SDN [2] sous mandat sud-africain. Il est devenu indépendant en novembre 1989.

 

Avant l’arrivée des Européens, la Namibie n’était habitée que par des groupes clairsemés : les premiers occupants, Hottentots et Khoisans ou Bochimans, et des Bantous - Ovambos et Hereros.

 

Au début des années 1880 une poignée de colons allemands s’y installe. L’Allemagne prend possession du territoire qu’elle gouvernera jusqu’en 1915. Le premier gouverneur de la colonie (Südwest-Afrika en allemand) est un certain Dr Heinrich Goering, dont le fils Hermann s’illustrera d’une façon tristement célèbre aux côtés d’Adolf Hitler.

 

En janvier 1894, sont découverts de fantastiques gisements de diamants en Namibie.
Au cours de la même année, une politique de déplacement et de confiscation systématique des terres est mise en oeuvre dans le Hereroland (Région centrale namibienne où vivent les Hereros).


Les colons développent de vastes plantations en employant les indigènes à des travaux forcés, en volant leur bétail et à l’occasion leurs femmes (d’où l’apparition, rapidement, d’une communauté métissée). Violences, exécutions sommaires ...

 

Révolte et massacres

 

Le 12 janvier 1904, éclate la révolte des Hereros. Un groupe de guerriers conduit par le chef Samuel Maharero attaque les colons du poste d’Okahandja. En trois jours de sang et de fureur, près de deux cents civils allemands sont massacrés.

 

La riposte allemande est terrible.

 

L’empereur Guillaume II limoge le gouverneur Theodor Leutwein pour lui substituer un homme résolu, le général Lothar Von Trotha.


Il a mission de chasser les Hereros du territoire ou de les exterminer.

 

Le 11 août 1904, les troupes allemandes conduites par Lothar von Trotha encerclent 7500 Hereros et leur chef Maharero sur le plateau de Waterberg. Leurs armes puissantes ont facilement raison des assiégés. Les survivants sont chassés vers le désert d’Omeheke (l’actuel désert de Khalahari)
 [3].

 
prisonniers hereros enchaînés

Pour ceux qui survécurent, esclavage et camps. Des milliers de femmes Hereros furent transformées en femmes de réconfort pour les troupes coloniales allemandes.

 

Le 2 octobre, un ordre du jour de Von Trotha enlève aux Hereros tout espoir de retour. Cet ordre d’extermination (Vernichtungsbefehl) est ainsi rédigé :

 

“Le général des troupes allemandes [en Namibie] envoie cette lettre au peuple Herero.

Les Hereros ne sont dorénavant plus sujets allemands [...] Tous les Hereros doivent partir ou mourir. S’ils n’acceptent pas, ils y seront contraints par les armes. Tout Herero aperçu à l’intérieur des frontières [namibiennes] avec ou sans arme, sera exécuté. Femmes et enfants seront reconduits hors d’ici - ou seront fusillés [...] Nous ne ferons pas de prisonnier mâle ; ils seront fusillés.

Telle est ma décision prise pour le peuple Herero”

Signé : le grand général du tout puissant Kaiser [Guillaume II],
Lieutenant général Lothar Von Trotha.
le 2 octobre 1904

 

Le 11 décembre de la même année, le chancelier allemand Bülow ordonne d’enfermer les Hereros survivants dans des camps de travail forcé - des Konzentrationslagern - et, peu après, les dernières terres indigènes sont confisquées et mises à la disposition des colons allemands.

 

Au cours des trois années qui suivent, des dizaines de milliers de Hereros succombent à la répression, aux combats, à la famine et aux camps. De près d’une centaine de milliers, leur population tombe à 15.000.

 

Vers une reconnaissance du génocide

 

Ce massacre d’un peuple reflète les horreurs dont a été entachée l’expansion coloniale européenne à la fin du XIX-ème siècle.

 

Il donne aussi un avant-goût des génocides du siècle suivant.

 

On y trouve les éléments constitutifs de certains génocides du XX-ème siècle :

 

• la volonté politique délibérée : il ne s’agit pas d’un accident,
• les critères raciaux ou ethniques choisis : éliminer les Hereros, afin de libérer les terres pour les colons allemands,
• le nombre massif des victimes, civiles pour l’essentiel, avec femmes et enfants,
• l’organisation « rationnelle » et planifiée du massacre,
• la documentation disponible en archives, par le biais des compte-rendus détaillés des opérations, rédigés par von Trotha, et ses subordonnés.

 

Au début de l’année 2 000 des champs impressionnants de squelettes ont été révélés par les vents dans le désert namibien près de Luderitz. Le cimetière sauvage est celui des Hereros exterminés un siècle plus tôt.

 

Au cours de sa visite officielle en mars 1 998, le président allemand Roman Herzog est interpellé par des représentants Hereros qui demande que l’Allemagne reconnaisse le génocide dont leur peuple a été victime. Le président Herzog exprime son sentiment de culpabilité sans accepter de responsabilités.

 

Début octobre 2 000. Première rencontre officielle entre les Hereros et le Commissariat aux Droits de l’homme des Nations Unies à Genève.

 

Dimanche 11 janvier 2 004, à Okahandja, ancienne capitale des Hereros, 600 personnes entouraient l’ambassadeur allemand et le chef suprême des Hereros, Kuaima Riruako, alors qu’ils déposaient une gerbe de fleurs sur la tombe de l’ancien chef Maharero. « Nous allons donner aux descendants Hereros victimes du génocide, leur dignité », a déclaré l’ambassadeur allemand Wolfgang Massing.


L’Allemagne présente ses excuses pour le massacre de la tribu des Hereros en Namibie il y a 100 ans

OKOKARARA, Namibie [AP - dimanche 15 août 2004] - Pour la première fois, l’Allemagne a présenté samedi ses excuses officielles pour le massacre par des colons allemands de la tribu des Hereros en Namibie (Afrique australe), qui fit 65.000 morts de 1904 à 1907.

« Nous, Allemands, acceptons notre responsabilité morale et historique » pour les crimes commis à l’époque par des Allemands, a déclaré la ministre allemande de l’Aide au développement Heidemarie Wieczorek-Zeul.

Elle s’exprimait lors d’une cérémonie à Okokarara (250 km au nord de la capitale Windhoek) marquant le centième anniversaire du soulèvement des Hereros contre leurs colons allemands, en août 1904.

Suite à ce soulèvement, les insurgés furent pourchassés et massacrés. « Les atrocités perpétrées alors auraient dû être qualifiées de génocide », a déclaré la ministre, premier responsable allemand à participer aux cérémonies. Tout en excluant des indemnisations pour les descendants des victimes, elle a promis la poursuite de l’aide économique à la Namibie.

« Tout ce que j’ai dit constitue des excuses du gouvernement allemand », a-t-elle conclu sous les applaudissements du millier de personnes rassemblées pour la cérémonie.

L’Allemagne a colonisé la Namibie, semi-désertique mais diamantifère, en 1884. Après la défaite de l’Allemagne en 1918, l’Afrique du Sud a occupé la Namibie pendant plus de 70 ans, jusqu’à l’indépendance du pays en 1990. C’est aujourd’hui le principal destinataire de l’aide allemande, recevant environ 11,5 millions d’euros par an.


Voir en ligne : l’Allemagne reconnait le génocide des Nama et des Herero


[1Un article de Joël Kotek, intitulé "le génocide oublié des Hereros", est paru dans le numéro 261 (Janvier 2002) de la revue L’Histoire.

[2SDN : Société des Nations, organisation internationale qui préfigurait l’ONU.

[3À Berlin, le chef d’état-major allemand, le comte Alfred von Schlieffen, peut écrire : « L’aride désert Omeheke finira ce que l’armée allemande a commencé : l’extermination de la nation Herero ».

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7 novembre 2016 1 07 /11 /novembre /2016 14:13
Extrait de la Critique des critiques de Rosa Luxemburg :" ... il touche le fait dominant de la vie publique actuelle, l'impérialisme"

Documents pour une rencontre : Rosa Luxemburg et le colonialisme, à Lyon le 11 novembre. Pour une compréhension de la "conquête" coloniale comme élément central de l'impérialisme : extrait de la "Critique des critiques" (Antikritik)

Cet ouvrage écrit en 1915, en prison, est une réponse aux critiques social-démocrates adressées à son livre " L'accumulation du capital". On peut considérer donc qu'il représente la forme achevée de ses analyses et en particulier de son analyse de l'impérialisme mais aussi de son expérience puisqu'il est écrit après l'éclatement de la guerre et l'effondrement de la social-démocratie.

" Voici, résumés brièvement, le problème et sa solution tels que je les envisage. Il peut sembler au premier coup d'œil qu'on ait affaire à des élucubrations purement théoriques. Et pourtant l'importance pratique de ce problème est évidente : il touche le fait dominant de la vie publique actuelle, l'impérialisme. Les phénomènes extérieurs typiques de la période impérialiste : la lutte des États capitalistes pour les colonies et les sphères d'influence qui permettent l'investissement du capital européen; le système des emprunts internationaux ; le militarisme, le protectionnisme, la prépondérance du capital bancaire et de l'industrie cartellisée dans la politique mondiale sont aujourd'hui universellement connus. La liaison de ces phénomènes avec la dernière phase de l'évolution capitaliste et leur importance pour l'accumulation du capital sont si évidentes que les partisans et les adversaires de l'impérialisme sont unanimes à les reconnaître. La social-démocratie ne peut cependant se contenter de cette connaissance empirique. Elle doit rechercher avec précision les lois économiques de cet ensemble de phénomènes variés qui constituent l'impérialisme et en mettre à nu les causes profondes.

Car, comme toujours dans un tel cas, seule la compréhension théorique exacte du problème pris à la racine peut donner à notre lutte pratique contre l'impérialisme. cette sûreté de but et cette force indispensables à la politique du prolétariat. Les faits de l'exploitation, du surtravail, du profit étaient connus avant la publication du Capital. Mais ce n'est que par la connaissance exacte des lois de la plus-value et de sa formation, de la loi des salaires et de l'armée industrielle de réserve telles que Marx les a établies dans sa théorie de la valeur que la lutte des classes a pu acquérir dans la pratique la base ferme à partir de laquelle se sont développés le mouvement ouvrier allemand et, à sa suite, le mouvement international jusqu'à la guerre mondiale. Certes la théorie seule ne suffit pas, la meilleure théorie du monde peut s'accompagner d'une pratique tout à fait déficiente : l'effondrement actuel de la social-démocratie allemande le prouve assez. Mais cet effondrement ne s'est pas produit à cause de la théorie de Marx, mais malgré elle, et le mouvement ouvrier ne retrouvera sa vigueur que dans la mesure où il mettra la pratique en accord avec la théorie. Ici comme sur tous les points importants de la lutte des classes notre position n'aura d'assises solides que si elle se fonde sur la théorie de Marx, sur les nombreuses richesses non encore exploitées que recèlent ses œuvres fondamentales. Il est hors de doute que l'explication des racines économiques de l'impérialisme découle des lois de l'accumulation capitaliste, auxquelles elle doit être rattachée ; en effet, d'après toutes les observations empiriques, l'impérialisme dans son ensemble n'est pas autre chose qu'une méthode spécifique de l'accumulation. Mais il est impossible d'admettre cette explication si l'on s'en tient aveuglément à l'hypothèse, évoquée par Marx dans le deuxième livre du Capital, d'une société dominée exclusivement par la production capitaliste et composée uniquement de capitalistes et d'ouvriers. On peut certes diverger quant à une définition plus précise des ressorts économiques internes de l'impérialisme. Mais il y a au moins une chose claire et universellement reconnue : l'impérialisme consiste précisément dans l'expansion du capitalisme vers de nouveaux territoires et dans la lutte économique et politique que se livrent les vieux pays capitalistes pour se disputer ces territoires. Or, dans le deuxième livre du Capital, Marx imaginait le monde entier comme une « nation capitaliste », et supposait que toutes les autres formations économiques et sociales avaient déjà disparu. Comment expliquer alors l'impérialisme dans une telle société, puisqu'il ne disposerait plus d'aucun espace libre ?

C'est ici qu'intervient ma critique. L'hypothèse théorique d'une société composée exclusivement de capitalistes et d'ouvriers est parfaitement justifiée pour faciliter l'étude de certaines questions, par exemple dans le premier livre du Capital, lorsque Marx analyse le capital individuel et ses méthodes d'exploitation à l'usine ; mais elle me semble inutile et gênante lorsqu'il s'agit de l'accumulation du capital social total. L'accumulation, qui est le processus historique réel du développement capitaliste, reste incompréhensible si l'on fait abstraction de toutes les conditions de cette réalité historique. Depuis son origine jusqu'à nos jours, l'accumulation du capital comme processus historique se fraie une voie à travers un milieu de formations précapitalistes diverses, au prix d'une lutte politique constante et grâce à des échanges économiques continus avec ces formations. Comment explique-t-on ce processus et ses lois dynamiques internes à partir d'une fiction théorique abstraite qui ne tient pas compte de ce milieu, de cette lutte et de ces échanges ? Il me semble nécessaire et conforme à l'esprit de la doctrine de Marx d'abandonner à présent cette hypothèse, qui a prouvé son utilité dans le premier volume du Capital, nous étudierons désormais l'accumulation comme processus total à partir de la base concrète de l'échange entre le capital et son milieu historique. Si l'on adopte cette méthode, les théories fondamentales de Marx nous fourniront l'explication de ce processus, qui s'accorde parfaitement alors avec toutes les autres parties de son œuvre économique."

 

1881, Il y a 135 ans, le Code de L'indigénat étendu en 1887 à toutes les colonies. Source : Alger républicain.

1881, Il y a 135 ans, le Code de L'indigénat étendu en 1887 à toutes les colonies. Source : Alger républicain.

Les "élucubration théoriques" concernent son analyse de l'état du capitalisme à savoir les relations entre pays capitalistes et non capitalistes. Voici pour la compréhension le passage qui précède :

En réalité dans tous les pays capitalistes, et même dans ceux où la grande industrie est très développée, il existe, à côté des entreprises capitalistes, de nombreuses entreprises industrielles et agricoles de caractère artisanal et paysan, où règne une économie marchande simple. A côté des vieux pays capitalistes il existe, même en Europe, des pays où la production paysanne et artisanale domine encore aujourd'hui de loin l'économie, par exemple la Russie, les pays balkaniques, la Scandinavie, l'Espagne. Enfin, à côté de l'Europe capitaliste et de l'Amérique du Nord, il existe d'immenses continents où la production capitaliste ne s'est installée qu'en certains points peu nombreux et isolés, tandis que par ailleurs les territoires de ces continents présentent toutes les structures économiques possibles, depuis le communisme primitif jusqu'à la société féodale, paysanne et artisanale. Non seulement toutes ces formes de sociétés et de production subsistent et ont subsisté à côté du capitalisme sur le mode d'une tranquille coexistence, mais, depuis le début de l'ère capitaliste, on a vu se développer entre elles et le capital européen des relations d'échange très intenses d'un ordre particulier. Le capitalisme comme production massive est nécessairement dépendant d'acheteurs issus des couches paysannes et artisanales dans les vieux pays industriels ainsi que de consommateurs de pays arriérés ; de son côté il ne peut techniquement se passer des produits de ces pays et de ces couches non capitalistes - qu'il s'agisse de moyens de production ou de moyens de subsistance. C'est ainsi que s'est développé dès le début, entre la production capitaliste et le milieu non capitaliste qui l'entoure, un ensemble de rapports grâce auxquels le capital a pu à la fois réaliser sa propre plus-value en argent pour poursuivre la capitalisation, se procurer toutes les marchandises nécessaires à l'extension de sa propre production, et enfin, en détruisant les formes de production non capitalistes, s'assurer un apport constant de forces de travail qu'il transforme en prolétaires.

Voilà, dans sa sécheresse, le contenu économique de ces relations.

Dans leur forme concrète, elles offrent toute la variété du drame historique du développement du capitalisme sur la scène mondiale.

L'échange du capital avec son milieu non capitaliste se heurte en effet d'abord aux barrières de l'économie naturelle, à la sécurité et à la stabilité des rapports sociaux, aux besoins limités de l'économie paysanne patriarcale ainsi que de l'artisanat. Ici le capital a recours aux « moyens héroïques », autrement dit à la violence politique. En Europe, son premier geste fut l'abolition par la révolution de l'économie naturelle féodale. Dans les pays d'outre-mer, le capital marqua son entrée sur la scène mondiale en soumettant et en détruisant les communes traditionnelles ; depuis lors ces actes accompagnent constamment l'accumulation. C'est en ruinant l'économie naturelle paysanne et patriarcale de ces pays que le capital européen ouvre la voie à l'échange et à la production de marchandises ; c'est ainsi qu'il transforme les habitants en acheteurs de marchandises capitalistes et qu'il accélère en même temps sa propre accumulation, en pillant directement les trésors et les richesses naturelles entassées par les peuples soumis. A ces méthodes s'ajoutent depuis le début du XIX° siècle, l'exportation hors d'Europe du capital accumulé et l'investissement dans les pays non capitalistes d'outre-mer; le capital trouve là, sur les ruines de la production indigène, de nouveaux acheteurs pour ses marchandises et de ce fait même un nouveau champ d'accumulation. Ainsi le capitalisme ne cesse de croître grâce à ses relations avec les couches sociales et les pays non capitalistes, poursuivant l'accumulation à leurs dépens mais en même temps les décomposant et les refoulant pour s'implanter à leur place. Mais à mesure qu'augmente le nombre des pays capitalistes participant à la chasse aux territoires d'accumulation et à mesure que se rétrécissent les territoires encore disponibles pour l'expansion capitaliste la lutte du capital pour ses territoires d'accumulation devient de plus en plus acharnée et ses campagnes engendrent à travers le monde une série de catastrophes économiques et politiques : crises mondiales, guerres, révolutions.

Par ce processus, le capital prépare doublement son propre effondrement : d'une part en s'étendant aux dépens des formes de production non capitalistes, il fait avancer le moment où l'humanité tout entière ne se composera plus effectivement que de capitalistes et de prolétaires et où l'expansion ultérieure, donc l'accumulation. deviendront impossibles. D'autre part, à mesure qu'il avance, il exaspère les antagonismes de classe et l'anarchie économique et politique internationale à tel point qu'il provoquera contre sa domination la rébellion du prolétariat international bien avant que l'évolution économique ait abouti à sa dernière conséquence : la domination absolue et exclusive de la production capitaliste dans le monde.

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29 octobre 2016 6 29 /10 /octobre /2016 18:28
Quelques semaines d'absence pour cause de recherches. Sur le colonialisme justement. Alors pour notre plaisir à tous, et pour reprendre nos publications, une petite vidéo!

 

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16 septembre 2016 5 16 /09 /septembre /2016 23:23
Algérie : Système foncier ancestral et conséquences de la colonisation française (Marx) - lundi 25 juillet 2016, article repris de : http://www.gauchemip.org/spip.php?article8089

 

C’est l’Algérie qui conserve les traces les plus importantes – après l’Inde-de la forme archaïque de la propriété foncière. La propriété tribale et familiale indivise y était la forme la plus répandue. Des siècles de domination arabe, turque et enfin française ont été impuissants – sauf dans la toute dernière période, officiellement depuis la loi de 1873 – à briser l’organisation fondée sur le sang et les principes qui en découlent : l’indivisibilité et l’inaliénabilité de la propriété foncière.


En Algérie propriété foncière individuelle et collective ; la première surgit vraisemblablement sous l’influence du droit romain ; elle domine encore aujourd’hui parmi les Berbères autochtones ainsi que chez les Maures et les Hébreux qui constituent le contingent principal de la population urbaine. Parmi les Berbères, certains, nommés Kabyles, habitant au nord de la côte de la Méditerranée, gardent beaucoup de traces de la propriété tribale et communautaire ; ils vivent encore actuellement par familles indivises, observant strictement la règle d’inaliénabilité de la propriété familiale. La plus grande partie des Berbères a emprunté aux Arabes la langue, le mode de vie, les particularités du régime foncier. Les formes collectives de propriété, et en tête la forme tribale, furent sans aucun doute introduites par les Arabes.

 

Dans la première moitié du VIIe siècle, irruptions des Arabes en Algérie, mais sans colonisation, donc sans influence sur les institutions locales ; mais :

 

Au milieu du XIe siècle, soumission volontaire de l’un des chefs berbères au Kalifat de Bagdad ; les premiers Arabes fixés dans le nord de l’Algérie furent les Hilal et les Solaïm. L’absence de rapports amicaux de la part des Berbères autochtones donna à la conquête arabe, provisoirement arrêtée à la fin du XIe siècle par la fondation d’un empire maure unique, la possibilité de se soumettre progressivement tous les pays de la côte nord d’Afrique parmi lesquels l’Algérie. Dans leurs différends intérieurs, les principicules berbères se tournèrent souvent vers les milices arabes et les récompensèrent de leur appui par la cession, en toute propriété, de territoires importants, à la condition qu’elles se soumettent désormais à l’obligation militaire à leur profit. C’est ainsi que dès la fin du XIIe siècle, on trouvait de nombreux colons arabes dans la partie côtière de l’Algérie actuelle, que l’on nomme le Tell. A la fin du XIVe siècle, les migrations des tribus arabes, aussi bien partielles que générales, cessèrent complètement. C’est pourquoi elles vivent encore aux mêmes endroits qu’il y a cinq siècles. Se mêlant largement aux autochtones, les Arabes occupèrent dès cette époque toute la côte nord de l’Afrique, où ils se trouvent encore. La vie pastorale, qu’ils avaient apportée d’Arabie, trouva dans les caractéristiques physiques du pays qu’ils occupaient la possibilité d’un nouveau développement. Le plateau nord-africiain, que ne coupe aucune grande montagne, est riche en vastes pâturages.

 

Ceux-ci restèrent, du peuplement arabe initial à nos jours, la possession indivise des tribus nomades qui les parcouraient ; la propriété tribale est transmise chez ces Arabes de génération en génération. Elle ne se modifia qu’à la suite des changements suivants : 1. Fractionnement (graduel) de la tribu en plusieurs branches ; 2. Inclusion de membres appartenant à des tribus étrangères. Donc : détachement des pâturages tribaux de parcelles d’importance secondaire (par la superficie) et en certains endroits remplacement de la propriété tribale par la propriété de voisinage, autrement dit, communautaire.

 

Le système foncier développé chez les Kabyles sous l’influence arabe se distingue du système arabe en ce qu’il s’est éloigné davantage du type primitif de la propriété tribale. Certes, chez eux également:la responsabilité collective pour les droits et prestations en nature ; il n’est pas rare de trouver l’achat, sur les fonds de la communauté, de bœufs, chèvres et moutons, dont la viande est ensuite répartie entre les familles composantes. L’autonomie judiciaire et administrative des tribus leur était également connue ; on voit apparaître chez eux comme arbitres dans des procès de succession les conseils tribaux ; les autorités tribales peuvent seules accorder à quelqu’un la permission de s’établir parmi les Kabyles ; aucune personne étrangère à la tribu n’est admise sans leur autorisation à acquérir de la propriété ; ce sont les mêmes dirigeants qui répartissent les terres en friche en propriété entre des personnes qui les avaient rendues cultivables et les avaient travaillées trois années de suite. De plus : pâturages et forêts sont chez les Kabyles sous régime d’exploitation communautaire ; en ce qui concerne la terre arable, il existe encore le droit de préemption des parents et alliés, l’achat tribal ou communautaire, le droit d’héritage de toute la communauté sur les biens laissés par l’un de ses membres ; ce dernier droit est réglé différemment selon les "kanoun" – règlements coutumiers – des différentes branches familiales. Chez certains, la subdivision tribale – le village – est appelée à hériter concurremment aux frères du défunt ; chez d’autres, cela n’est possible qu’en l’absence de tout autre parent jusqu’au sixième degré. D’autre part, seule la famille et la famille indivise, apparaît encore chez les Kabyles comme sujet de droit pour ce qui touche les terres arables, donc la famille indivise est propriétaire de la terre ; elle comprend le père, la mère, les fils, leurs femmes, enfants et enfants des enfants (petits-enfants), les oncles, tantes, neveux et cousins. Ordinairement, les biens de la famille sont gérés par le plus âgé, après élection par tous les membres de la famille. Il achète et vend, afferme des terres, préside à l’ensemencement et à la récolte des céréales, conclut des accords commerciaux, paie pour la famille et encaisse les paiements qui lui sont dus ; ses pouvoirs ne sont nullement illimités ; pour tous les cas importants, en particulier pour l’achat et la vente de biens immeubles, il est tenu de consulter tous les membres de la famille. A part cela, il peut disposer sans entrave des biens familiaux. Si sa gestion paraît préjudiciable aux intérêts de la famille, elle a le droit de le destituer et de nommer à sa place un nouvel administrateur. Le ménage de la famille indivise est entièrement entre les mains de la femme la plus âgée (Cf chez les Croates) ou de la plus qualifiée pour le diriger, chaque fois élue par tous les membres de la famille ; il n’est pas rare non plus que les femmes se succèdent dans cette fonction.

 

La famille fournit à chacun de ses membres les instruments de travail, une arme à feu, les capitaux nécessaires au commerce ou à l’artisanat. Chacun de ces membres doit consacrer son travail à la famille, c’est-à-dire qu’il doit remettre tous les revenus tirés de ce travail entre les mains du chef de famille, sous peine d’expulsion de la famille. Pour ce qui est de la propriété INDIVIDUELLE, elle se limite pour les hommes – en ce qui concerne les biens meubles – aux habits ; pour les femmes aux vêtements de tous les jours et à la parure qu’elles reçoivent en DOT (OU PLUTOT en cadeau) le jour du mariage ; exception seulement pour les vêtements de luxe et les colliers de prix : ceux-ci demeurent propriété commune de la famille et ne peuvent faire l’objet que d’un usufruit de la part de l’une ou l’autre des femmes (cf CHEZ LES SLAVES DU SUD). En ce qui concerne les biens immeubles reçus par l’un des membres, en donation ou héritage, ils sont considérés comme sa propriété INDIVIDUELLE, mais c’est la famille entière qui en a la jouissance. Si la famille n’a que peu de membres, les repas sont pris à une table commune et la fonction de cuisinière revient à tour de rôle à tous les membres féminins. Les mets une fois prêts sont servis à chaque membre par la maîtresse de maison (le chef de famille FEMME).

 

Lorsque les effectifs sont nombreux, on partage chaque mois les provisions, à l’exception de la viande, répartie crue entre les membres de la famille, à intervalle indéterminés, après chaque achat et abattage de bétail. Lors de la répartition des provisions, le père de famille observe une stricte égalité entre les membres. Ensuite : existence de la vendetta comme institution : chacun peut être rendu responsable, c’est-à-dire payer de sa vie, le meurtre perpétré par un autre membre de la famille. La famille indivise chez les Kabyles étant une union à la fois des personnes et des biens, reste phénomène bien vivant. A leur mort, les pères de famille enjoignent à leurs enfants de demeurer sous le régime de l’indivision.

 

Cependant, dans la pratique, la séparation et le partage ne sont pas rares ; à en croire la sagesse populaire, ce sont les femmes qui en seraient les principales responsables ; dicton kabyle : "Trop parler au lit mène les familles au partage". Le partage des biens de famille est régi habituellement par les mêmes règles que le partage des héritages. On prend souvent en considération non seulement le degré de parenté, mais l’importance du bien apporté au patrimoine commun par une personne privée. L’égalité des parts n’est observée que pour le partage des provisions annuelles, du grain, de l’huile d’olive, etc. Plus courante que le partage est la sortie de la communauté, qu’aux termes du droit coutumier tout membre peut revendiquer. Dans ce cas, il lui est attribué la part qui lui serait revenue par héritage légal, idem pour l’ensemble du bien individuel qu’il a mis à la disposition de la famille. Après le départ d’un de ses membres, la communauté familiale continue à vivre comme avant, à l’état indivis.

 

Donc, si la propriété individuelle du sol est connue des Kabyles, ce n’est qu’à titre d’exception. Là comme partout, elle apparaît comme le produit du lent processus de décomposition de la propriété tribale, communautaire et familiale.

 

La dégradation des formes collectives du statut foncier, résultant ici comme partout ailleurs, de causes internes, fut considérablement accélérée, chez les Arabes et les Kabyles d’Algérie, par la conquête turque de la fin du XVIe siècle. Conformément à ses lois, le Turc laissa en règle générale le pays aux mains des tribus qui l’avaient ; mais une partie importante des terres non cultivées, qui appartenaient jusque-là aux tribus devint propriété domaniale. Ces terres – nommées haouch ou azib-el-beylik (terres du bey, ou "Beg") – furent cultivées aux frais du gouvernement turc. Les beys locaux reçurent à cet effet, sur les fonds des caisses d’Etat, du bétail de trait et des instruments agricoles, et la population autochtone fournit la main-d’œuvre nécessaire à la récolte. Cependant, la plus grande partie des terres domaniales ne resta pas sous l’administration directe du gouvernement ; elle passa entre les mains de fermiers dont une partie était tenue chaque année de verser une certaine somme d’impôts en argent aux caisses d’Etat, et l’autre de fournir certains droits et prestations en nature au profit de l’administration domaniale. Donc, deux catégories de terres affermées : 1. L’ "azel" qui paie une rente en argent ; 2. Le "touizza", qui n’est tenu qu’à des droits et prestations en nature. Les fermiers des deux sortes ne sont admis qu’à la condition qu’ils cultivent le sol. Si cela n’était pas fait pendant trois ans, on leur retirait leurs arpents, qui étaient remis par le fisc à des tiers.

 

Pour se protéger des émeutes, outre les milices locales, qui existaient encore, les Turcs fondèrent des colonies militaires (que Kowalevski qualifie à tort de "féodales" sous le mauvais prétexte qu’elles auraient pu donner quelque chose de comparable – toutes proportions gardées – aux jaghirs indous) ; elles se nommaient des zmalas (54). Donc implantées au milieu de la population autochtone, des colonies militaires turques complétées peu à peu par des cavaliers arabes et kabyles. Chaque colon recevait du gouvernement, avec sa parcelle, le grain nécessaire à l’ensemencement, un cheval et un fusil ; en retour, il était astreint au service militaire à vie à l’intérieur des limites du district – du caïdat ; ce service dispensait sa terre de l’impôt. La grandeur de la parcelle variait avec les obligations de son propriétaire ; une parcelle entière obligeait à se présenter au premier appel de troupe dans les rangs de la cavalerie turque ; une demi-parcelle n’obligeait qu’au service dans l’infanterie.

 

Une zoudja (55) de terre arable équivalait à une parcelle entière ; les membres de la zmala était appelés "makhzen" (56).

 

La superficie du territoire occupé par le domaine et les colonies militaires grandit avec chaque génération, à la suite des confiscations de biens appartenant à des tribus rebelles, ou simplement suspectées de rébellion. La majeure partie des terres confisquées était vendue par les autorités sur le marché public par l’intermédiaire des begs (alias beys). D’où essor (commencé par les Romains)de la propriété privée du sol. Les acheteurs étaient le plus souvent des personnes privées appartenant à la population turque. Ainsi naquit peu à peu une catégorie importante de propriétaires fonciers privés ; leur titre de propriété consistait uniquement en une quittance de l’administration des impôts, laquelle quittance constatait le fait de l’achat de la parcelle au marché public et la remise à l’autorité de la somme due pour cela par l’acheteur ; ces quittances se nommaient "beil-el-mal" (57), elles étaient reconnues juridiquement au même titre que les autres documents fonciers (d’achat, de donation, de mise en gage). En même temps, le gouvernement turc favorisa grandement la concentration de la propriété privée entre les mains d’institutions religieuses ou de bienfaisance. Le poids des impôts et la facilité avec laquelle le gouvernement procédait à la confiscation incitèrent souvent les propriétaires privés à céder leurs titres de propriété à des institutions de ce genre, c’est-à-dire à fonder des "wakuf" ou "habous". [Sidi Halil, une des plus grandes autorités d’Algérie dans l’exégèse de la doctrine malékite, admet la possibilité de la cession par des personnes privées de telle ou telle terre, de tel ou tel revenu, non seulement en propriété héréditaire, mais aussi en usufruit temporaire à vie.] Ces biens devenaient par là même libres d’impôts et soustraits à la confiscation ; la cession se faisait sous la condition que l’ancien propriétaire de la terre donnée en "wakuf" en aurait l’usage à vie, mais le plus souvent à titre héréditaire, en revanche, il devait les prestations en argent et en nature (Robotzahlung)à la fondation (...)

 

La domination turque ne conduisit nullement à une féodalisation à la manière hindoustane (à l’époque de la décadence de l’administration des Grands Mogols). Ce qui l’empêcha, c’est la forte centralisation de l’administration civile et militaire d’Algérie ; celle-ci excluait la possibilié d’un accaparemnt héréditaire des fonctions locales et de la transformation de leurs titulaires en grands propriétaires terriens quasi indépendants des Deys. Tous les deys et caïds locaux, qui habituellement affermaient la perception des redevances dans leur district respectif, ne restaient que trois ans en fonction. Ce roulement était strictement prescrit par la loi, et il se faisait encore plus rapidement dans la pratique. C’est donc seulement chez les Arabes que le gouvernement turc favorisa le développement de la propriété privée aux dépens de la propriété "communautaire". D’après des renseignements statistiques recueillis par le député Warnier à l’Assemblée nationale (corps législatif, 1873), la situation foncière à la conquête française était la suivante dans le Tell, c’est-à-dire la région côtière :

 

Propriété domaniale : un million et demi d’hectares ; ditto à la disposition de l’Etat, à titre de biens communs (Bled-el-Islam)à tous les vrais croyants : trois millions d’hectares de terres en friche ;

 

Mulk (propriété privée):trois millions d’hectares, parmi lesquels un million et demi d’hectares partagées entre les Berbères de l’époque romaine et un million et demi d’hectares qui s’y étaient ajoutés par appropriation privée sous la domination turque.

 

En jouissance indivise des tribus arabes (arch) : cinq millions d’hectares.

 

En ce qui concerne le Sahara, seulement trois millions d’hectares situés à l’intérieur des oasis, en partie propriété familiale indivise, en partie propriété privée ;

 

le reste du Sahara, vingt-trois millions d’hectares, étant constitué uniquement par un désert de sable.

 

B. L’administration française et son influence sur la décadence de la propriété collective des terres chez les autochtones

 

L’institution de la propriété foncière privée était (aux yeux du bourgeois français)la condition indispensable de tout progrès dans les domaines politique et social. Le maintien de la propriété communautaire, "forme qui encourage dans les esprits les tendances communistes" (débats de l’Assemblée nationale, 1873)est dangereux aussi bien pour la colonie que pour la métropole ; on pousse au partage des propriétés familiales, on le prescrit même ; premièrement comme moyen d’affaiblir les tribus soumises, toujours au bord de la révolte ; deuxièmement comme unique voie pour faire passer ultérieurement la terre des mains des autochtones dans celles des colons européens. Politique qui fut suivie par les Français à travers tous les changements successifs de régime de 1830 à nos jours.

 

Les moyens ont souvent varié, le but est resté toujours le même : anéantissement de la propriété collective autochtone par la liberté d’achat et de vente, ce qui facilite son passage final aux mains des colons français (loc.cit.). Le député Humbert déclarait à la séance du 30 juin 1873 à l’occasion de la discussion d’un projet de loi : "Cette loi n’est que le couronnement d’une série d’ordonnances, de décrets, de lois et de senatus-consultes, ayant tous pour objet de préparer l’organisation de la propriété individuelle sur les terres arabes de l’Algérie" (loc.cit.).

 

Le premier souci des Français, après avoir conquis une partie de l’Algérie, fut de déclarer la majeure partie du territoire conquis propriété du gouvernement (français). Prétexte : la doctrine, courante chez les musulmans, selon laquelle l’imam possède le droit de déclarer le territoire des autochtones "wakuf" national ; ce qui est en effet le dominium eminens (pouvoir suprême)de l’imam, reconnu aussi bien par le droit malékite que par le droit hanefitique. Mais ce droit[...]ne lui permet que de lever des impôts (capitation)sur la population soumise. Et ce, dit Khalil, "pour conserver des moyens de satisfaire les besoins des descendants du Prophète et de toute la communauté musulmane". Louis-Philippe, en qualité de successeur de l’imam, ou plutôt des deys soumis, met la main, bien entendu, non seulement sur la propriété domaniale, mais aussi sur toutes les terres non travaillées – y compris celles de la commune : pâturages, forêts et friches.

 

Lorsqu’un droit étranger, extra-européen, leur est "profitable", les européens – comme c’est le cas ici pour le droit musulman – non seulement le reconnaissent – immédiatement ! – mais "se trompent dans son interprétation" à leur seul bénéfice, comme dans le cas présent. La rapacité française saute aux yeux : si le gouvernement était et reste le propriétaire initial de tout le pays, on n’est pas obligé de reconnaître les prétentions des tribus arabes et kabyles sur telle ou telle parcelle de terre, dès lors qu’elles ne pouvaient justifier leurs titres par des documents écrits. Ainsi : d’une part les propriétaires communaux antérieurs réduits à l’état d’occupants temporaires d’un domaine gouvernemental ; d’autre part, pillage par la force des parties considérables du territoire occupées par les tribus et implantation sur elles de colons européens. Arrêtés du 8 septembre 1830, 10 juin 1831 dans ce sens, etc. D’où le système du cantonnement, c’est-à-dire la division du territoire tribal en deux parties : l’une laissée aux membres des tribus, l’autre conservée par le gouvernement, aux fins d’y installer des colons européens. Les terres communales furent laissées – sous Louis-Philippe – à la libre disposition de l’administration civile-militaire établie dans la colonie. Par des ordonnances du 21 juillet 1846, dans le district d’Alger, dans les communes de Blida, d’Oran, Mostaganem et Bône, la propriété foncière privée fut au contraire déclarée inviolable ; mais là aussi le gouvernement français se réserva le droit d’expropriation, non seulement pour les cas prévus par le Code civil, mais chaque fois que cela était nécessaire pour l’extension d’anciennes colonies ou la fondation de nouvelles, pour la défense militaire ou si les intérêts du fisc souffraient de ce que des propriétaires ne cultivaient pas leurs parcelles [arrêtés du 8 septembre 1830, 10 juin et 11 juillet 1831, 1er et 3 décembre 1840 ; ordonnances royales des 31 octobre et 28 novembre 1845, 1er octobre 1844, 21 juillet 1846].

 

La plupart des acquéreurs de terre français (privés) ne songeaient nullement à cultiver ; ils spéculaient sur la revente au détail des terres ; acheter à des prix ridiculement bas, revendre à des prix relativement élevés, cela leur semblait un placement rentable de leurs capitaux. Ces Messieurs, sans tenir compte de l’inaliénabilité des possessions tribales, se hâtaient de conclure en série des contrats d’achat avec des familles isolées. Exploitant la fièvre de spéculation montée subitement avec l’arrivée des chacals français, et comptant que le gouvernement français ne pourrait tenir le pays bien longtemps, les autochtones aliénaient complaisamment, souvent à deux ou trois acheteurs simultanément telle ou telle parcelle de terre, ou totalement inexistante ou encore faisant partie des possessions collectives de la tribu. Quand on entreprit la vérification des titres de propriété devant les tribunaux, il apparut que plus des trois quarts des terrains vendus appartenaient en même temps à différentes personnes (...). Que fit le gouvernement français ? L’infame ! Il commença par sanctionner la violation du droit coutumier en légitimant toutes les cessions et aliénations, effectuées illégalement ! Dans la loi du 1er octobre 1844,[ce même gouvernement bourgeois qui s’était déclaré propriétaire exclusif du sol algérien en vertu d’une fausse interprétation du droit musulman], déclare : "Aucun acte translatif de propriété d’immeuble consenti par un indigène (même quand il vendait ce qui ne lui appartenait pas ! K.M.) au profit d’un européen ne pourra être attaqué par le motif que les immeubles étaient inaliénables aux termes de la loi musulmane". Outre l’intérêt des colons, le gouvernement avait en vue l’affaiblissement de la population soumise par la dégradation de l’organisation tribale communautaire (c’est ainsi que le député Didier déclare en 1851 dans un rapport à l’Assemblée nationale : "Nous devons activer la destruction des communautés fondées sur le sang : c’est là que se trouvent les chefs de l’opposition contre notre domination". Par ailleurs, la crainte de soulever la population contre lui et le désir d’assurer à l’avenir le marché monétaire contre les ébranlements entraînés inévitablement par les spéculations sur des titres de propriétés fictifs, ont conduit le gouvernement français à renoncer à l’utilisation ultérieure de son système de colonisation. A cela s’ajoute : les Arabes réussirent dans la majorité des cas à racheter, pour partie aux colons européens et pour partie au gouvernement lui-même, toutes les terres qui avaient été aliénées ou qui leur avaient été arrachées. C’est ainsi que le système des cantonnements finit par un fiasco retentissant. C’est précisément cette tentative qui fit mettre le nez sur la réalité du mode de propriété foncière tribo-communautaire très vivace ; il ne suffisait plus de l’ignorer, il fallut passer à des mesures concrètes pour le liquider. C’est à quoi visait le senatus-consulte du 22 avril 1863 ; il reconnaît la légitimité du droit à la propriété des tribus en ce qui concerne les portions occupées par elles, mais cette propriété collective devait être partagée non seulement entre les familles, mais aussi entre les membres de chaque famille. Le général Allard, chargé par le Conseil d’Etat de défendre le projet de loi déclara entre autre au Sénat : "Le gouvernement ne perdra pas de vue que la tendance de sa politique doit en général être l’amoindrissement de l’influence des chefs, et la désagrégation de la tribu. C’est ainsi qu’il dissipera ce fantôme de féodalité que les adversaires du sénatus-consulte semblent vouloir lui opposer...La constitution de la propriété individuelle, l’immixtion des européens dans la tribu... seront un des plus puissants moyens de désagrégation". L’article 11 du senatus-consulte de 1863 prévoit, dans un proche avenir, par décret impérial : 1°délimitation des territoires des tribus ; 2°répartition entre les différents douars de chaque tribu du Tell et des autres pays de culture, avec réserve des terres qui devront conserver le caractère de biens communaux ; 3°l’établissement de la propriété individuelle entre les membres de ces douars, partout où cette mesure sera reconnue possible et opportune. Napoléon III lui-même était contre ce troisième point : voir sa lettre au maréchal Mac-Mahon (58), 1865. Par ukase gouvernemental, promulgué avec l’assentiment du Conseil d’Etat, Badinguet ordonna la création de commissions spéciales pour procéder aux partages ; chaque commission comprenait un général de brigade ou un colonel comme président, un sous-préfet ou un conseiller de préfecture, un fonctionnaire d’un bureau départemental ou militaire arabe et un fonctionnaire de l’administration des domaines. La nomination des membres de la commission était confiée au général-gouverneur d’Alger ; seuls les présidents étaient directement ratifiés par l’Empereur ; les sous-commissions comprenaient des fonctionnaires de l’administration locale d’Algérie (Règlement d’administration publique du 23 mai 1863). La sous-commission était chargée de tous les travaux préparatoires : recueillir les données pour la fixation exacte des frontières des tribus, de chacune de ces fractions, des terres arables et des pâturages à l’intérieur de ces dernières, enfin des posssessions privées et domaniales comprises dans le rayon du district tribal. Ensuite intervient la commission : définition sur place, en présence de délégués des tribus voisines, des frontières des terres familiales soumises au partage ; d’autre part : confirmation des accords à l’amiable entre les possesseurs privés de terres (comprises à l’intérieur des limites du domaine tribal) et la tribu ; enfin : décisions judiciaires en cas de plaintes des tribus voisines au sujet de la fixation injuste des frontières des possessions qui leur étaient attribuées. La commission doit rendre compte de toutes les mesures qu’elle adoptait au gouverneur général d’Algérie, qui décide en dernier ressort (...).

D’après le rapport Warnier, président de la commission d’élaboration du projet de loi sur la "propriété privée" en Algérie, à l’Assemblée nationale de 1873 (voir Annales de l’Assemblée nationale, t XVII, Annexe n°1770), sur un total = 700 de possessions, 400 furent déjà partagés de 1863 à 1873 entre les unions consanguines entrant dans la composition des tribus – c’est-à-dire parmi les alliés proches (par le sang) dont chacun recevait un domaine bien délimité [la propriété domaniale et privée entrant déjà à l’époque dans leurs limites étaient aussi reconnues par l’autorité publique]. Cette partie du règlement de 1863 fut facile à appliquer parce que ce morcellement – semblable au processus par lequel se sont détachées de l’ancienne Marche germanique des communautés libres, semi-libres ou serves – avait débuté longtemps avant les Français, du temps de la domination turque en Algérie.

 

Eugène Robe : Les lois de la propriété foncière en Algérie, page 77, fait observer à ce sujet : "Mais bientôt le chef ne fut plus un patriarche ; il dégénéra en caïd ; l’autorité paternelle devint une autorité légale, politique, officielle ; un travail de dislocation commença peu à peu, et se fit insensiblement, d’abord dans les idées, puis dans les faits ; le sentiment de la consanguinité s’affaiblit et se retrécit ; les rameaux se détachèrent du tronc ; on se cantonna (villages) par groupes de parents ; chaque tente devint le centre d’un intérêt spécial, d’une famille particulière qui eut naturellement ses besoins propres, ses aspirations égoïstes et des tendances plus étroites. C’est ainsi que la tribu cessa d’être une grande famille, une communauté, pour n’être plus qu’un centre de population, qu’une confédération de tentes avec un caractère politique et officiel plus déterminé". La commission se trouva ainsi, pour l’application de ce point du règlement du 23 mai 1863, en présence de tribus déjà fragmentées d’elles-mêmes en leurs subdivisions ; elle n’eut qu’à donner force de loi à ce qui existait déjà en fait depuis longtemps.

 

Il en alla bien autrement de ses autres tâches : l’instauration de la propriété privée à l’intérieur des frontières de ces subdivisions. Ceci devait se faire, d’après le titre V, article 26 du Règlement, en tenant compte des différents types de droits coutumiers historiques, donc seulement après leur constatation préalable. Il n’en fut rien. Ce point fut abandonné sous Badinguet.

 

Il faut mentionner ici dans le rapport Warnier : que la difficulté des partages en Algérie résulta entre autres des conditions économiques extrêmement différentes des membres des tribus. Dans 142 tribus, il y avait de 1 à 4 hectares par personne ; dans 143, il y en avait de 4 à 8 ; dans 8, de 8 à 16 ; dans 30, de 16 à 185[le partage crée en même temps de grands et de petits propriétaires fonciers, les uns à peine capables de s’assurer leur subsistance par l’agriculture, les autres hors d’état d’utiliser entièrement les terres qui leur revenaient en propriété]. Ainsi, il ne résulta pratiquement rien de ces mesures d’expropriation des tribus arabes au profit des colons européens. Entre 1863 et 1871, les colons européens n’achetèrent aux indigènes qu’en tout et pour tout même pas 20.000 hectares de plus qu’ils ne leur en vendirent ; annuellement, en fait, seulement 2 170 hectars, 29 ares et 22 centiares, même pas assez de terrain pour y établir un seul village, comme le note Warnier. 1873. La première préoccupation de l’ "Assemblée des ruraux" (59) de 1873 fut donc d’adopter des mesures plus efficaces pour enlever la terre aux Arabes.[Les débats de cette honteuse assemblée sur le projet "d’introduction de la propriété privée" en Algérie, cherchent à masquer les filouteries commises sous le couvert de prétendues lois éternelles de l’économie politique. Il en résulte de ces débats de la "Rurale" que tous sont unanimes, sur l’objectif à atteindre : la destruction de la propriété collective ; le débat ne porte que sur les moyens d’en finir avec elle. Le député Clapier, par exemple, veut y arriver en appliquant les modalités du senatus-consulte de 1863, selon lesquelles la propriété privée ne doit être indroduite que dans les communes dont les parcelles sont déjà détachées du bien tribal ; la commission des "ruraux", dont le président et rapporteur est Warnier, insiste au contraire, pour commencer cette opération par la fin, c’est-à-dire par les déterminations du lot individuel de chaque membre de la communauté, et simultanément dans les 700 tribus.]

 

Les artifices esthétiques par lesquels le sieur Warnier veut farder une mesure dont le but est l’expropriation des Arabes sont notamment les suivants :

 

1° Les Arabes eux-mêmes ont souvent émis le vœu de passer au partage de leurs terres communautaires. Or, ceci est un mensonge éhonté. C’est le député Clapier qui lui répond (séance du 30 juin 1873) : "Mais, en définitive, cette constitution de la propriété privée que vous voulez faire, sont-ce les Arabes qui la demandent ? Nous a-t-on apporté les vœux émis par les tribus, par les djemma (60) ? Non, ils sont satisfaits de leur situation, de leur législation, leurs coutumes leur suffisent. Ce sont les spéculateurs et les prêteurs qui vous demandent le projet de loi".

 

2° Le système de la libre disposition par chaque Arabe de la terre lui appartenant par droit de propriété lui donnerait à la rigueur la possibilité de se procurer le capital qui lui manque par l’aliénation ou la mise en gage : cela n’était-il pas souhaitable dans l’intérêt même des algériens ? Comme si on ne rencontrait pas, dans tous les pays à système de production non capitaliste, l’exploitation la plus ignominieuse de la population rurale par de petits usuriers et des propriétaites terriens voisins disposant de capitaux disponibles. Voir l’Inde, voir la Russie où le paysan emprunte au "koulak", à des intérêts de 20, 30 et souvent 100%, la somme qu’il lui faut pour payer l’impôt d’Etat. Par ailleurs, le gros propriétaire terrien profite des circonstances qui accablent le paysan pour le lier par contrat au cours de l’hiver, pour toute la période des foins et de la moisson, pour le tiers ou la moitié du salaire habituel, qu’il lui paye d’avance, l’argent allant remplir encore une fois les caisses sans fond de l’Etat russe. Le gouvernement anglais travaille, dans les provinces nord-ouest de l’Inde et au Pendjab, grâce à l’ "aliénation" et la "mise en gage" – sanctionnées par la loi – à la dissolution de la propriété collective paysanne, à l’expropriation finale des paysans, à faire de la terre communautaire la propriété privée des usuriers – lettre de Badinguet à Mac-Mahon de 1865 – porte témoignage d’une activité analogue d’un usurier d’Alger dont la charge des impôts d’Etat sert d’instrument pour passer à l’attaque (lettre citée par Clapier dans son discours à l’Assemblée du 30 juin 1873).

 

Au moins, sous le gouvernement musulman, le paysan ne pouvait pas être exproprié par les usuriers spéculateurs. On n’en reconnaisssait pas la mise en gage de la terre (hypothèque), puisque la propriété communale (conformément à la propriété familiale indivise) était reconnue indivisible et inaliénable. [Cependant, il reconnaissait le "rhène", celui-ci donnait au prêteur d’argent un droit préférentiel sur les autres créanciers ; il obtenait d’être remboursé avant eux sur les revenus de la fortune meuble et immeuble du débiteur : ce qui ouvrait un champ d’action relatif à l’usure, comme en Russie, etc. Le senatus-consulte de 1863, article 6, reconnaît tout d’abord le droit de libre aliénation aussi bien pour la propriété privée de la terre, tout Arabe peut maintenant disposer librement du terrain qui lui était attribué en toute propriété ; le résultat sera : l’expropriation des terres des populations autochtones par les colons et spéculateurs européens. Mais c’était là le but conscient de la "loi" de 1873.

 

3° L’introduction de la propriété privée de la terre chez une population qui n’y est pas préparée et qui éprouve de l’antipathie à son égard devait être la panacée infaillible pour améliorer le travail de la terre et, par conséquent pour élever la productivité de l’agriculture. C’était là la cri général de l’économie politique de l’Europe occidentale, mais aussi des soi-disant "classes cultivées" de l’Europe orientale ! Mais pas un seul fait de l’histoire de la colonisation n’a été évoqué à l’appui de cette thèse au cours des débats de l’Assemblée des ruraux. Warnier se réfère à l’amélioration des moyens de culture des domaines de colons européens, de peu de superficie mais bien situés pour l’écoulement de la production. Le chiffre de toutes les terres appartenant aux colons européens en Algérie = 400.000 hectares, dont 120.000 appartiennent à deux compagnies, celle d’Alger et celle de Sétif, ces vastes domaines, situés loin des marchés comme Warnier lui-même le reconnaît – étaient travaillés par des fermiers arabes avec leurs méthodes anciennes et traditionnelles, celles qui existaient avant l’arrivée des Français "porteurs de lumières". Les 280.0000 hectares restants étaient émiettés de façon fort inégale entre 122.000 Français, dont 35.000 fonctionnaires et citadins ne s’occupant pas d’agriculture. Restent 87.000 colons français agriculteurs ; mais même chez eux, pas de culture intensive, qui ne paye pas là où l’étendue du sol inculte est grande et la population relativement réduite (cf débat du 30 juin 1873).

 

L’expropriation des Arabes par la loi poursuivait deux buts : 1) fournir aux colons français le maximum de terre ; 2) en arrachant les Arabes à leurs liens naturels avec la terre, briser ce qui restait de la puissance des liens tribaux déjà en décomposition, et éliminer ainsi tout danger de rébellion. Warnier démontre que les terres mises à la disposition des colons ne suffisent pas à la satisfaction des besoins de ceux qui affluent chaque année de France. Il était donc impossible de multiplier le nombre de colons tout en conservant le système de propriété foncière arabe. Pour accélérer le processus de passage des anciennes terres tribales aux mains des colons, la loi (1873)prescrit, sinon d’abroger entièrement le droit d’achat par chaque membre de la "ferka" (fraction de tribu) d’une terre vendue par tel ou tel membre de la ferka (cf discours du député Humbert, séance du 30 juin 1843, Annales de l’Assemblée nationale, tome XVIII, page 336), droit exactement semblable à celui qui subsiste encore aujourd’hui dans certaines parties du canton des Grisons],du moins de le limiter aux degrés de parenté auxquels le Code civil français reconnaît le droit de préemption. Enfin, pour agrandir les domaines du gouvernement, le projet de loi de 1873 déclara propriétés gouvernementales les friches, en en laissant l’usage communataire aux tribus arabes, mais en ne les partageant pas entre leurs territoires. Brigandage pur et simple ! C’est bien pour cette raison que l’Assemblée des ruraux, par ailleurs si tendre pour la sacro-sainte "propriété" adopta ce projet de loi violant la propriété communale sans la moindre modification et devait le faire entrer en vigueur dans le courant même de l’année 1873 (troisième délibération de la séance du 26 juillet 1873, Annales de l’Assemblée nationale, tome XIX, page 230). Le maréchal Niel remarqua à juste titre au cours des débats de l’Assemblée nationale de 1879 : "La société algérienne est fondée surle sang [c’est-à-dire sur la parenté]". Ainsi, par l’individualisation de la propriété foncière, on atteint du même coup l’objectif politique : anéantir les bases mêmes de cette société.

 

Source : Source en note

NOTE SUR LA SOURCE

Ce texte est un extrait du cahier de Karl Marx comprenant des notes prises lors de sa lecture du livre de M. M. Kovalevski : Le système foncier communautaire ; causes, déroulement et conséquences de sa décomposition, paru à Moscou en 1879.

Une traduction française a été réalisée par l’institut du marxisme léninisme de Moscou et publiée par La nouvelle critique (n°109) en 1959

Ce texte a ensuite été repris par le Centre d’Etudes et de Recherches Marxistes sous le titre "Sur les sociétés précapitalistes Textes de Marx et Engels" publié aux Editions Sociales en 1970.

 

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9 septembre 2016 5 09 /09 /septembre /2016 09:59

Rosa Luxemburg raisonne et combat sur ces bases du marxisme originel: dans la compréhension de la colonisation elle ne franchit guère non plus ces limites que l'économisme de la social-démocratie allemande a encore durcies. Mais sa prise en compte de l'impérialisme d'une part et son intrépidité révolutionnaire face au révisionnisme, puis à la droite et au centre même de la social-démocratie, face à Kautsky en le disant ou sans le dire, face à la trahison dans la guerre, la conduisent d'abord à radicaliser la dénonciation de la colonisation, puis à fondre l'opposition à la colonisation tant dans les métropoles que celle des colonisés eux-mêmes, dans la lutte mondiale du prolétariat. Son originalité se situe donc dans cette conjonction. Elle est politique et non point spécifiquement économique comme on le croit au vu de l'argumentation de L'Accumulation du Capital. Elle relève d'une stratégie anti-impérialiste. Elle n'est même que la nouvelle formulation de la lutte de classes, pour elle la seule ligne révolutionnaire, en réponse à l'impérialisme.

Extrait de Rosa Luxemburg et la colonisation, article de René Gallissot paru dans l'Homme et la société en 1974. Lire l'article complet sur ce blog : http://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2016/09/rosa-luxemburg-et-l-algerie-l-un-des-articles-majeurs-sur-ce-theme-rosa-luxemburg-et-la-colonisation-de-r-gallissot.html

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30 août 2016 2 30 /08 /août /2016 22:25
Publié en 1976 chez 10/18, il s’agit d’un ouvrage de R. Gallissot écrit en collaboration avec Gilbert Badia. C'est l'un des rares livres sur le sujet. Il propose des textes de Marx et Engels et s'attache à analyser les positions marxistes sur l'Algérie, dont celle de Rosa Luxemburg.
A propos de Rosa Luxemburg et l'Algérie, plan de l'ouvrage de R. Gallissot "Marxisme et Algérie"

Il est composé de  trois parties.

 

La première partie « Conquête et colonisation » présente trois textes d’Engels :

  • « Conquête coloniale et civilisation » (janvier 1848), article du Nothern Star,
  • La biographie de Bugeaud dans l’Encyclopédie américaine (1857)
  • L’article L’ALGERIE de 1857.
  • Elle aborde aussi la dimension militaire chère à Engels (l’Algérie, école militaire).

 

La deuxième partie nous concerne plus directement puisqu’elle s’intitule de Marx à Rosa Luxemburg : la réflexion marxiste sur le régime foncier en Algérie.

 

Ele s’attache tout d’abord à l’analyse de la communauté première chez Marx jeune, puis à la recherche historique sur les communautés de Maurer à Morgan et aux positions de Kowalewski. Elle analyse en dernier lieu ce que Gallissot nomme « L’infléchissement du marxisme d’Engels à Rosa Luxemburg » puis les thèses défendues par Rosa Luxemburg dans l’Accumulation du capital

 

La dernière partie s’intitule « Le séjour de Marx à Alger en 1882 ».

 

Dans sa conclusion « Marxisme, communisme et Algérie, Gallissot aborde « le marxisme après Marx » et expose ce qu'il définit come « le rachat politique de l’économisme par Rosa Luxemburg".

 

Ce sont donc aux pages 247 – 287 et dans la conclusion que l’on trouve les indications les plus précises sur les positions selon Gallissot de Rosa Luxemburg par rapport à l’Algérie.

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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 11:33
Rosa Luxemburg en 1907 au Congrès de Stuttgart

Rosa Luxemburg en 1907 au Congrès de Stuttgart

L'ouvrage de Jacques Le Gall est bref, mais précis et d'une grande utilité. Ansi, son chapitre sur la Deuxième Internationale montre bien les deux grandes tendances qui se sont développées en son sein, le réformisme qui défend un colonialisme socialiste (bien dans la lignée de ce que nous avons vécu dernièrement avec la théorie des bienfaits du colonialisme et la position qui l'emporte au Congrès de Stuttgart avec la résolution défendue par Rosa Luxemburg. Le choix des citations est des plus efficaces :

Bernstein : Nous avons le devoir de pratiquer une politique coloniale positive. Nous devons abandonner l'idée utopique de rendre les colonies. La conséquence extrême de cette attitude aboutirait à rendre les Etats-Unis d'Amérique aux Indiens. Les colonies sont là, il faut accepter le fait. Les socialistes aussi doivent reconnaître la nécessité pour les peuples civilisés d'exercer une certaine tutelle sur les peuples non-civilisés .

Rosa Luxemburg :Guerre et paix, le Maroc en échange du Congo ou le Togo pour Tahiti, ce sont là des questions où il y va de la vie de millions de personnes, du bonheur ou du malheur de peuples entiers. Une douzaine de chevaliers de l'industrie racistes laissent de fins commis politiciens réfléchir et marchander sur ces questions comme on le fait pour la viande ou les oignons, et les peuples attendent la décision avec angoisse tels des troupeaux de moutons conduits à l'abattoir"

Le combat de la Deuxième Internationale. Extrait de La question coloniale dans le mouvement ouvrier en France (1830 - 1962) de Jacques Le Gall. Aux Editions, Les belles Lettres, 2013, P 26 - 29

 

"Quel que soit le prétexte religieux ou soi-disant civilisateur de la politique coloniale, elle n'est que l'extension du champ d'exploitation dans l'intérêt exclusif de la classe capitaliste": c'est ainsi que la Deuxième Internationale dénonce la colonisation et en désigne le capitalisme comme l'origine, lors de son congrès de Londres en 1896. Fondée en 1889, elle regroupe des partis ouvriers marxistes défendant l'idée qu'on ne peut instaurer le socialisme que par le renversement révolutionnaire du capitalisme par la classe ouvrière.

L'opposition des socialistes aux conquêtes et aux massacres s'exprime dans les réunions, les banquets et surtout, les résolutions parlementaires. La question coloniale ne prend pourtant que peu de place, au début, dans ses débats internationaux. Comme sur les autres sujets, elle laisse la plupart du temps ses partis membres choisir leur orientation en fonction de leur situation. La guerre des Boers en Afrique du Sud, face à la Grande-Bretagne, et celle des Boxers en Chine, face aux puissances occidentales et japonaises qui occupent une partie de ce pays, poussent l'Internationale à inscrire la question coloniale à inscrire la question coloniale à l'ordre du jour du congrès de Paris en 1900. La résolution finale condamne fermement l'expansion coloniale présentée comme un agent de l'impérialisme, c'est-à-dire de la nouvelle étape de développement du capitalisme. Mais cette condamnation est ambiguë en ce qu'elle laisse entendre qu'il pourrait y avoir une politique coloniale socialiste. Le congrès suggère par ailleurs aux partis socialistes d'organiser des commissions pour l'étude des questions coloniales et, si possible, de former des partis socialistes dans les colonies, ce qui restera à quelques exceptions près, lettre morte.

Quatre ans plus tard, les débats sur la question sont plus fournis au congrès d'Amsterdam. Mais si le Britannique Hyndman expose les crimes de son pays en Inde ("Nous fabriquons délibérément la famine pour nourrir l'avidité de nos classes privilégiées en Angleterre") et y condamne toute forme de colonisation, d'autres veulent une colonisation "moins cruelle" ou sous contrôle parlementaire. Il faut attendre trois ans de plus pour que le débat soit, formellement, tranché, au congrès de Stuttgart en 1907, Bernstein, délégué allemand, chef de file du révisionnisme, courant de la social-démocratie allemande qui, reniant les fondements révolutionnaires du marxisme, met en avant la lutte pour les réformes dans le cadre parlementaire ou syndical, prône l'adaptation des socialistes à la société capitaliste. Il argumente crûment : "Nous avons le devoir de pratiquer une politique coloniale positive. Nous devons abandonner l'idée utopique de rendre les colonies. La conséquence extrême de cette attitude aboutirait à rendre les Etats-Unis d'Amérique aux Indiens. Les colonies sont là, il faut accepter le fait. Les socialistes aussi doivent reconnaître la nécessité pour les peuples civilisés d'exercer une certaine tutelle sur les peuples non-civilisés ... Une grande partie de notre économie a pour base des produits coloniaux, produits dont les indigènes ne savent que faire." Cette motion fut soutenue par la majorité des délégués anglais et français, et la presque totalité des voix allemandes, belges et hollandaises. Si la position la plus radicale, condamnant toute forme de colonisation, l'emporte, c'est grâce aux voix des délégués de pays sans colonies. L'émergence des courants réformistes au sein du mouvement socialiste se traduit sur le terrain colonial  aussi, par un ralliement aux vues de la bourgeoisie. Face à Rosa Luxemburg, qui dénonce toute politique coloniale '"Guerre et paix, le Maroc en échange du Congo ou le Togo pour Tahiti, ce sont là des questions où il y va de la vie de millions de personnes, du bonheur ou du malheur de peuples entiers. Une douzaine de chevaliers de l'industrie racistes laissent de fins commis politiciens réfléchir et marchander sur ces questions comme on le fait pour la viande ou les oignons, et les peuples attendent la décision avec angoisse tels des troupeaux de moutons conduits à l'abattoir", écrit-elle sur les négociations entre les puissances européennes à propos du Maroc en 1911), Le social-démocrate allemand David, député de Mayence, salue la colonisation comme un élément du but de civilisation poursuivi par le mouvement socialiste. "Sans colonies nous serions assimilables à la Chine", dit-il. La résolution finale du congrès fait pourtant obligation aux partis socialistes de combattre toute forme de colonisation. Elle demeurera la charte de la Deuxième Internationale jusqu'en 1928, alors que ses partis soutenaient depuis longtemps déjà la politique coloniale de leurs Etats.

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009