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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
26 mars 2011 6 26 /03 /mars /2011 20:23

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

Un très intéressant article sur Berlin de Berlin à Berlin – Galerie de photos (1969-2007).


Il donne accès aux documents sur cette manifestation du Ier mai 1916 contre la guerre et qui conduisit à l'arrestation de Liebknecht et à sa condamnation à quatre ans et demi de prison. Il montre aussi l'existence d'un mouvement contre la guerre en plein conflit et le courage de ceux qui osaient braver le pouvoir et risquer la prison pour ce combat. On peut lire sur le blog une lettre de Rosa Luxemburg, elle-même en prison depuis 1915, adressée à Sonia Liebknecht après cette arrestation.

  sur /http://j.poitou.free.fr/bln/b/1916.html


mai1916.jpg

  le tract


 

Berlin, Potsdamer Platz, 1er mai 1916 Karl Liebknecht : A bas la guerre ! A bas le gouvernement !

 

. Montée de l'opposition à la guerre

 

Depuis août 1914, l'opposition à la guerre ne cesse de s'affirmer.


Le 2 août 1914, lors de la réunion du groupe parlementaire social-démocrate, 14 députés – sur 92 présents – se prononcent contre le vote en faveur du budget de la guerre. Mais lors du vote le 4 août au Reichstag, ils se plient à la discipline du parti : les crédits militaires sont votés à l'unanimité. Le même jour, Rosa Luxemburg rassemble chez elle quelques personnalités social-démocrates de gauche pour envisager la façon de mener la lutte contre la guerre.


Le 2 décembre 1914, lors d'un vote sur une rallonge budgétaire pour le financement de la guerre, un seul député s'y oppose : Karl Liebknecht. L'exposé des motifs qu'il envoie au président du Reichstag (et que celui-ci refuse de publier) commence ainsi : Cette guerre qu'aucun des peuples concernés n'a lui-même voulue n'a pas été déclenchée pour le bien-être du peuple allemand ou d'un autre peuple. C'est une guerre impérialiste, une guerre pour la domination capitaliste du marché international, pour la domination politique de régions importantes pour le capital industriel et financier.


Le 21 décembre 1915, 20 députés sociaux-démocrates votent contre les crédits militaires.


Dès 1915, la gauche du parti social-démocrate commence à s'organiser. Le groupe le plus fortement engagé contre la guerre est le Spartakus-Gruppe, qui se constitue autour de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.


1er mai 1916 : Karl Liebknecht appelle à manifester contre la guerre et contre le gouvernement, Potsdamer Platz. Il est aussitôt arrêté, jugé à huis clos et condamné, en appel, en août 1916 à quatre ans et un mois de détention.


Mais l'opposition à la guerre ne fera que s'amplifier – jusqu'à la révolution de 1918.


Karl Liebknecht (1871-1919)

 

. Tract de Karl Liebknecht :

Appel à la manif du premier mai 1916 [Conclusion du tract]

 

Ouvriers, camarades, femmes du peuple, ne laissez pas passer ce deuxième premier mai de la guerre mondiale sans en faire une manifestation du socialisme international, un acte de protestation contre la boucherie impérialiste ! En ce premier mai, nous tendons notre main fraternelle, par dessus les barrières de toutes les frontières, au peuple de France, de Belgique, de Russie, d'Angleterre, de Serbie, du monde entier. Le premier mai, nous crions à des milliers et des milliers de voix : Halte au crime infâme du meurtre des peuples ! A bas les responsables – décideurs, provocateurs, profiteurs ! Nos ennemis ne sont pas le peuple français, russe ou anglais, ce sont les hobereaux allemands, les capitalistes allemands et leur comité exécutoire, le gouvernement allemand ! Luttons contre ces ennemis mortels de toute liberté, luttons pour tout ce que représente le bien-être et l'avenir de la cause ouvrière, de l'humanité et de la culture ! Halte à la guerre ! Nous voulons la paix ! Vive le socialisme ! Vive l'Internationale ouvrière ! Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

 

. Comptes-rendus de la manifestation

 

Compte-rendu publié dans les Spartakus-Briefe 20, 15 mai 1916.

 

Dès sept heures, la Potsdamer Platz et les rues qui y mènent étaient remplies de policiers à pied et à cheval. A huit heures précises se rassembla sur la place une foule si compacte de manifestants ouvriers (parmi lesquels les jeunes et les femmes étaient massivement représentés) que les escarmouches habituelles avec la police ne tardèrent pas. Les "bleus" et surtout leurs officiers furent bientôt saisis d'une extrême nervosité, et ils commencèrent à pousser la foule avec leurs poings. A ce moment retentit la voix forte et sonore de Karl Liebknecht, qui était à la tête de la foule, au milieu de la Potsdamer Platz : "A bas la guerre ! A bas le gouvernement !" Aussitôt, un groupe de policiers s'empara de lui, ils firent une chaîne pour l'isoler de la foule et ils l'emmenèrent au poste de police de la gare de Potsdam. Derrière lui, on entendit retentir "Vive Liebknecht !" Les policiers se précipitèrent alors sur la foule et procédèrent à de nouvelles arrestations. Après que Karl Liebknecht eut été emmené, la police, excitée par les officiers qui se comportèrent de la façon la plus brutale, commença à repousser les masses de gens vers les rues adjacentes. C'est ainsi que se formèrent trois grands cortèges de manifestants, dans la Köthener Straße, la Linkstraße et la Königgrätzer Straße, qui avancèrent lentement en raison de heurts constants avec la police. A un moment, du brouhaha se détachèrent des mots d'ordre "A bas la guerre !", "Vive la paix !", "Vive l'Internationale !" et ils furent repris par des milliers de voix. Mais ce fut "Vive Liebknecht !" qui fut repris sans cesse le plus fortement. La nouvelle de son arrestation se répandit rapidement parmi les gens. Des milliers l'avaient vu à la tête de la manifestation et ils avaient entendu sa voix forte et stimulante. L'amertume et la douleur de voir le dirigeant bien aimé aux mains des sbires de la police emplissaient tous les cœurs, elles étaient sur toutes les lèvres. Les femmes, en particulier, poussèrent des gémissements et se répandirent en imprécations contre la police, contre la guerre, contre le gouvernement. La manifestation dura jusqu'à dix heures, la foule essayait sans cesse de pénétrer dans les rues adjacentes à partir des trois crotèges principaux, mais elle en était sans cesse empêchée par les policiers qui allaient en tous sens, sautaient et frappaient dans le tas. En alternance avec les slogans, on chantait la Marseillaise des ouvriers, la Marche des socialistes. Ce n'est que vers dix heures et demie, à certains endroits plus tard encore, que la foule des manifestants, tous animés d'une excellente humeur, se dispersa peu à peu. Selon une estimation modérée, le nombre des manifestants s'élevait à dix mille. On peut mesurer quelle frayeur la manifestation avait faite au gouvernement au fait que, jusqu'à minuit, tout le quartier autour de la Potsdamer Platz est resté littéralement sumergé par la police montée et qu'au poste de la gare de Potsdam, où s'était établi le centre principal de commandement, les allées et venues de patrouilles nerveuses, les instructions et les rapports s'éternisèrent jusque près d'une heure du matin.

 

Rapport d'enquête figurant dans l'acte d'accusation contre Karl Liebknecht

 

Fin avril et le 1er mai, l'accusé Karl Liebknecht diffusa dans le Grand-Berlin autant qu'il en eut l'occasion des tracts intitulés "Tous à la fête du 1er mai !", ainsi que des papillons (Handzettel). Sur ces papillons, il appelait tous ceux qui étaient contre la guerre à se trouver Potsdamer Platz le premier mai à huit heures du soir. Sur ces papillons était aussi écrit comme slogan "Du pain ! La liberté ! La paix !" (souligné). Il se trouva lui-même en civil sur la Potsdamer Platz avec un certain nombre de ses camarades, à l'heure indiquée, pour participer à la fête et à la manifestation contre la guerre. Quelques centaines de personnes en tout, des jeunes pour la plupart, et également des femmes, se trouvèrent au même endroit avec les mêmes intentions. Comme il y a habituellement un trafic intense après huit heures du soir sur la Potsdamer Platz, en raison de la fermeture des magasins et de la proximité de plusieurs gares, la foule y devenait très dense, raison pour laquelle les policiers qui y avaient été dépêchés firent en sorte que les gens puissent gagner les rues latérales et ils dispersèrent de temps en temps les rassemblements qui se formaient sur les trottoirs. De temajeurmps à autre, il y eut des sifflements et des slogans lancés par la foule. Mais il n'y eut pas d'incident , parce qu'il y avait sur place un fort déploiement policier et que les tentatives isolées de troubler l'ordre public purent être étouffées dans l'œuf. Juste au moment où un groupe de policiers cherchait à disperser les gens qui s'étaient attroupés sur le trottoir devant l'hôtel Fürstenhof, l'accusé, qui se trouvait dans un groupe de gens, s'écria d'une voix distinctement audible : "A bas la guerre ! A bas le gouvernement !" Les policiers qui se trouvaient à proximité, Becker et Rathke, s'emparèrent de l'individu, dont le nom leur était inconnu, pour l'emmener au poste. L'accusé y opposa de la résistance, en croisant les bras dans le dos, en penchant le buste en arrière et en appuyant les pieds contre le sol. Les deux fonctionnaires durent "littéralement soulever" le prisonnier pour le faire avancer. Pendant son transfert au poste de police, l'accusé continua de s'écrier : "A bas la guerre ! A bas le gouvernement !" Peu de temps après l'arrestation de l'accusé, le rassemblement se dispersa. Pendant tous ces événements, plusieurs centaines de soldats traversèrent la Potsdamer Platz, la plupart en provenance ou en direction d'une gare, sans toutefois participer à la manifestation. Quelques-uns, qui voulaient apparemment s'y attarder, furent invités par les patrouilles militaires à continuer leur chemin.

 

1918-1919 : la révolution Sources. Texte de Liebknecht au président du Reichstag

et premier compte-rendu : Spartakusbriefe. Institut für Marxismus-Leninismus beim ZK der SED. Berlin: Dietz-Verlag, 1958. –

Deuxième compte-rendu : Liebknecht, Karl, 1971. Gesammelte Reden und Schriften. Band IX. Berlin: Dietz Verlag. –

Photo de Liebknecht et tract : Zur Geschichte der Kommunistischen Partei Deutschlands. Eine Auswahl von Materialien und Dokumenten aus den Jahren 1914-1946. Berlin: Dietz Verlag, 1954.

 

(Traductions : JP) © Jacques Poitou, 2006.

 

Publié sur le blog le 25.01.2011

Repris le 26 mars 2011

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 21:09

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A propos de la parution du livre aux éditions l'Epervier 


A  lire sur le blog

 

Lettre de Rosa Luxemburg à Sonia Liebknecht, le jour de la condamnation de Karl Liebknecht

 

  Chère Sonitschka, qu’il m’est pénible de ne pas être auprès de vous en ce moment. Mais, je vous en prie, gardez la tête haute. Il y a bien des choses qui vont évoluer. Maintenant, il vous faut partir, n’importe où, à la campagne, au milieu de la nature, de la beauté, il vous faut trouver un endroit où vous soigner. Cela n’a pas de sens de rester où vous êtes et de continuer à vous déprimer, il peut se passer des semaines avant la dernière instance. Je vous en prie, partez dès que possible … Karl, lui aussi, sera certainement soulagé de savoir que vous prenez du repos. Merci mille fois pour votre chère lettre du 10 et pour toutes les bonnes choses. Vous verrez, le printemps prochain, nous irons nous promener ensemble, à la campagne et au jardin botanique, je m’en réjouis déjà. Mais partez tout de suite, Sonitschka ! Ne pourriez-vous aller sur les bords du Lac de Constance, pour vous imprégner un peu de l’atmosphère du Midi ? Avant que vous ne partiez, je voudrais tant vous voir. Adressez une requête à la Kommandantur. Ne tardez pas à m’écrire un petit mot. Gardez courage, malgré tout. Je vous embrasse.


Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, 1916. A bas la guerre! A bas le gouvernement

 

1er mai 1916 K. Liebknecht : A bas la guerre ! A bas le gouvernement ! L'action de Liebknecht et Rosa Luxemburg contre la guerre.

 

Karl Liebknecht, Militarismus und Antimilitarismus, 1907

 

Déclaration de Karl Liebknecht au Reichstag: « Je refuse les crédits militaires demandés »

 

Une interview de Robert Liebknecht, peintre et fils de Karl Liebknecht « Mort à la guerre ».

 

Lettre de Rosa Luxemburg à Sonia Liebknecht après la mort de son frère.

 

Extrait d’une lettre de Rosa Luxembourg à Sonia Liebknecht ... Après un parloir.



lunedì, 21 marzo 2011

A bas la guerre ! A bas le gouvernement ! Karl Liebknecht en 1916

Un livre sur le procès de Karl Liebknecht en 1916      
 
Ecrit par critiquesociale   
Samedi, 19 Mars 2011 18:00

Un livre sur le procès de Karl Liebknecht en 1916

 

Le 1er mai 1916, le groupe spartakiste organisait une manifestation contre la guerre à Berlin. Malgré les risques, des milliers de travailleurs avaient répondu à cet appel répandu par les tracts clandestins diffusés par les militants spartakistes.


Dès le début de la manifestation, Karl Liebknecht avait lancé le mot d'ordre : « A bas la guerre ! A bas le gouvernement ! » Il n'en fallu pas plus pour qu'il soit immédiatement arrêté et emprisonné. Rosa Luxemburg, présente à ses côtés durant une courte période de liberté entre deux longues périodes d'emprisonnement, ne se ménagea pas pour tenter d'empêcher l'arrestation de son camarade : « J'avais cherché […] à le "libérer" de toute la force de mes poings et je m'agrippai à lui et aux policiers jusqu'au commissariat où l'on me mit dehors sans ménagement. »1


La manifestation se poursuivit néanmoins, et comme l'écrivit Paul Frölich : « Pour la première fois dans la capitale la résistance à la guerre s'était manifestée dans la rue. La glace était rompue. »2


Un procès fut intenté à Karl Liebknecht, il fut condamné et resta en prison jusqu'en octobre 1918.

 

Un livre consacré à ce procès vient de paraître sous le titre A bas la guerre ! A bas le gouvernement !3 L'ouvrage regroupe dans l'ordre chronologique différents textes relatifs à ce procès – ou plutôt à ces procès, puisque suite à sa première condamnation Liebknecht fit appel ; le second procès se tint très vite et aggrava la peine.

 

Tout au long de la procédure, Liebknecht, bien qu'avocat de profession, ne cherche nullement à obtenir une peine plus légère. La situation de guerre est à ce point tragique que toute occasion de la dénoncer doit être utilisée. Privé de la tribune du Reichstag, il se saisit politiquement de la tribune de son procès, où il déclare : « Je suis ici pour accuser et non pour me défendre ! »4


De la part de Liebknecht comme de Luxemburg, la logique est la même : profiter de ce procès pour mettre en accusation le gouvernement et le régime lui-même. Ainsi, Liebknecht écrit que « de par sa nature sociale et historique, le gouvernement allemand est un instrument visant à opprimer et à exploiter les masses laborieuses »5. Le système de ce gouvernement « se révèle être un système de véritable violence, de véritable hostilité à l'égard du peuple et de mauvaises intentions vis-à-vis des masses. »6

 

Ayant été arrêté pour sa participation à une manifestation du 1er mai, Liebknecht rappelle le sens de cette journée mondiale de lutte : « le 1er mai est l'occasion solennelle de manifester et de diffuser les idées phares du socialisme ; il est consacré à la dénonciation de toute exploitation, de toute oppression et de toute violation des droits de l'homme, à la propagande pour la solidarité des travailleurs de tous les pays, que la guerre n'a pas fait disparaître mais qui, au contraire, se voit renforcée, et à la propagande contre ce déchirement fratricide. Cette manifestation est pour la paix et contre la guerre. »7


Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg dénoncent à plusieurs reprises « la dictature militaire », qui n'était pas spécifique à l'Allemagne puisqu'elle fut également dénoncée en france à la même période par les pacifistes révolutionnaires du Comité pour la Reprise des Relations Internationales (composé de socialistes internationalistes et de syndicalistes-révolutionnaires). D'ailleurs, Liebknecht souligne que « dans les pays qui étaient autrefois des démocraties, la France, l'Angleterre, l'Italie, la guerre a conduit, dans tous les domaines, à une réaction dont on ne se serait jamais douté jusqu'à présent. »8

 

Résumant le but de son engagement, Karl Liebknecht appelle à « la lutte des classes internationale contre les gouvernements capitalistes et les classes dominantes de tous les pays afin de supprimer toute oppression et toute exploitation, afin de mettre un terme à la guerre et aboutir à une paix faite dans un esprit socialiste. »9 Rosa Luxemburg souligne justement que Liebknecht a été condamné très lourdement « parce qu'il est resté fidèle, dans ses actes et dans ses paroles, aux enseignements du socialisme et aux intérêts de la classe ouvrière. »10

 

 

Les textes de Karl Liebknecht disponibles en français ne sont malheureusement pas très nombreux. Outre des lettres de prison et quelques articles épars, les éditions Maspero avaient publié en 1970 un recueil très utile11, que les éditions La Découverte – qui en détiennent les droits – seraient bien inspirées de rééditer.



Les textes de Karl Liebknecht ici présentés étaient pour certains inédits en français. L'un d'eux avait été traduit par Marcel Ollivier dans le recueil de 1970, qui contient également un extrait des débats du procès en appel (présentés cette fois de façon complète dans cette édition de 2011), ainsi que trois autres textes liés à ce procès qui ne sont pas repris dans A bas la guerre ! A bas le gouvernement !12.


La revue Clarté avait traduit en janvier 1921 cinq de ces textes13, en se basant sur la même source que cette édition de 2011 – à savoir le recueil publié en 1919 en allemand par la revue révolutionnaire Die Aktion. De plus, Clarté avait également traduit un texte de Liebknecht du 17 août 1916 qui n'est pas repris dans ce recueil de 2011 : nous reproduisons ce texte ci-dessous.


Les textes de Rosa Luxemburg ici publiés étaient déjà disponibles en français, dans le recueil Contre la guerre par la révolution14. Ils bénéficient d'une nouvelle traduction.


 

La parution de ce livre a le mérite de nous rappeler les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles fut menée la lutte contre la guerre de 1914-1918, par des minoritaires internationalistes de tous les pays belligérants.

 

 

* * *

 

Avec le texte que nous reproduisons ci-dessous, Karl Liebknecht s'adresse au tribunal après avoir appris l'arrestation de Franz Mehring (1846-1919), journaliste et historien socialiste qui avait participé début 1915 à la publication de la revue Die Internationale, première action d'ampleur du groupe spartakiste. Se plaçant toujours en position d'accusateur, Liebknecht ironise pour flétrir les actions du régime.


Nous reprenons la traduction publiée dans Clarté en janvier 1921. Les notes sont celles que nous avons ajoutées, à l'exception d'une note du traducteur qui était déjà présente.

 

« Au Tribunal gouvernemental allemand, Berlin

Berlin, 17 août 1916.

A propos de l'action menée contre moi :

 

Le militariste allemand livre ses batailles les plus glorieuses en Allemagne même, batailles dont aucun journal ne se fait le héraut.


Il livre ses batailles les plus glorieuses en Allemagne, contre des Allemands, contre les gens que la faim tenaille et qui sont assoiffés de liberté et de paix. Il remporte quotidiennement des victoires contre des gens sans défense, contre des femmes, des enfants, des vieillards ; des victoires que ne célèbre aucun carillon. Et il fait, au cours de ces opérations-là, des prisonniers, des milliers de prisonniers, que n'annonce aucun communiqué de G.Q.G.15

 

Le 10 juillet, sa brillante attaque a abattu Rosa Luxemburg16. Il vient maintenant de remporter un nouveau triomphe que chantera la postérité.


Par un assaut hardi il a réussi à maîtriser le septuagénaire Franz Mehring et à emmener prisonnier celui dont les coups faisaient trembler un Bismarck.


Enfin ! L'Allemagne officielle et officieuse respire !


Enfin ! Car il y a longtemps que Franz Mehring a mérité cela ! C'est bien fait pour lui !


Que n'encensait-il l'idole de l'impérialisme ? Pourquoi restait-il fidèle à ses autels, aux autels du Socialisme ? Pourquoi, malgré son grand âge, est-il entré en lice pour la cause sacrée de l'Internationale ?


C'est bien fait pour lui !


Car il est bien un éducateur du peuple allemand – mais il ne sort pas de l'écurie de Herr von Trott zu Solz17. Car il est bien un flambeau de la science allemande, un maître publiciste allemand, un gardien et un champion de civilisation allemande, mais il ne fait pas partie des gardes du corps des Hohenzollern18. Car il est un démolisseur de légendes dorées, mais non point un raccommodeur historiographe de cour. Car il rompt des lances pour la défense des opprimés, mais il n'est point à la solde des puissants. C'est un homme, mais non un laquais.


 

A une époque où les représentants accrédités de la science allemande se font panégyristes de la barbarie et font de la Muse une courtisane ; où, pour jouir à loisir de la liberté extérieure, il est indispensable de se soumettre à la servitude intérieure et de se prosterner humblement devant la dictature militaire ; à une époque où les Jean-qui-rie "social-démocrates" sont au comble de la félicité, escortent en trottinant le carrosse d'Etat allemand et ont la permission de ramasser les miettes de la table ministérielle, où les camarades social-démocrates Schluck et Jau19 ont le privilège de se carrer, pour quelques trimestres de grâce, dans les coussins de l'admission à la cour ; à une époque où les apostats "social-démocrates" peuvent prendre, au grand soleil glorieux, de joyeux ébats ; à une telle époque, la place d'un Mehring n'était pas la liberté, mais la prison.

 

La prison, le seul endroit où l'on ait maintenant droit d'être homme d'honneur en Allemagne ; la prison devenue maintenant la suprême place d'honneur pour le septuagénaire Franz Mehring lui aussi.


Mais la besogne n'est pas encore achevée. Il reste encore des hommes et des femmes, en Allemagne, qui, par milliers et par milliers, s'écrient : "A bas la guerre ! A bas le gouvernement !"


En avant vers de nouveaux exploits, Excellence von Kessel20 ! De nouvelles victoires glorieuses vous attendent – à remporter sur des gens que la faim tenaille et qui ont soif de liberté et de paix ! Contre des femmes, des vieillards, des enfants ! Afin que l'Europe retentisse davantage encore de la gloire immortelle de l'Allemagne !


 

Soldat Karl Liebknecht, aux bataillons de travailleurs. »

 

 


 

 

1 Lettre de Rosa Luxemburg à Clara Zetkin le 12 mai 1916, dans : Rosa Luxemburg, J'étais, je suis, je serai !, correspondance 1914-1919, Editions Maspero, 1977, p. 129.

2 Paul Frölich, Rosa Luxemburg, sa vie et son œuvre, Editions Maspero, 1965, p. 278.

3 Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, A bas la guerre ! A bas le gouvernement !, Le procès Liebknecht, Editions de l'Epervier, 2011, 94 pages, 9,5 €. Traduction de Cécile Denis.

4 A bas la guerre ! A bas le gouvernement !, op. cit., p. 49.

5 A bas la guerre ! A bas le gouvernement !, op. cit., p. 19.

6 A bas la guerre ! A bas le gouvernement !, op. cit., p. 21.

7 A bas la guerre ! A bas le gouvernement !, op. cit., p. 23.

8 A bas la guerre ! A bas le gouvernement !, op. cit., p. 84.

9 A bas la guerre ! A bas le gouvernement !, op. cit., p. 22.

10 A bas la guerre ! A bas le gouvernement !, op. cit., p. 58.

11 Karl Liebknecht, Militarisme, guerre, révolution, Editions Maspero, 1970, 267 pages.

12 Dans l'édition Maspero, 1970 : lettre de Liebknecht au tribunal du 8 mai 1916 (pp. 160-162), idem 3 juin 1916 (pp. 162-164 ; dans l'édition l'Epervier, 2011 : pp. 31-35), idem 10 juin 1916 (pp. 165-171), déclaration remise à l'audience du 26 juin 1916 (pp. 172-174), et extrait de la défense devant le tribunal (pp. 174-175 ; débats du 23 août 1916, dans l'édition l'Epervier, 2011 : pp. 43-50).

13 « Karl Liebknecht, l'accusé », Clarté n° 50, 51 et 52, des 15, 22 et 29 janvier 1921.

14 Rosa Luxemburg, Contre la guerre par la révolution, lettres de Spartacus et tracts (Spartacus-briefe), Editions Spartacus, 1973, 201 pages.

15 Grand Quartier Général, instance militaire suprême qui menait les opérations de guerre.

16 Après avoir passé une année en prison de février 1915 à février 1916, Rosa Luxemburg venait d'être arrêtée de nouveau le 10 juillet 1916. Elle ne fut libérée, par la Révolution, que début novembre 1918.

17 August von Trott zu Solz, ministre de l'Enseignement dans le gouvernement de l'empereur Guillaume II.

18 Famille qui régnait sur l'Allemagne, dont faisait partie Guillaume II.

19 Intraduisible : noms plébéiens, désignant la basse roture (N. d. T.).

20 Le général Gustav von Kessel, à l'époque gouverneur de Berlin.

 
 
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19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 09:25

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Aux éditions de l'Epervier vient de paraître cet ouvrage.

 

Les parutions et les spectacles, les références et citations se multiplient depuis deux ans autour de Rosa Luxemburg.

 

Ils montrent la résonnance aujourd'hui de l'action d'un courant si minoritaire au sein du mouvement ouvrier international, qu'il sera réprimé, assassiné au sens propre en 1918. Mouvement contre la guerre qui deviendra mouvement spartakiste et tentative révolutionnaire.

 

Reprendre comme dans cet ouvrage, des documents correspondant à un moment précis  est très intéressant car cela permet un éclairage en profondeur, d'une lutte contre la guerre qui a marqué toute l'action de Rosa Luxemburg.

 

Entre la mobilisation de ce courant dès 1914, la parution en pleine guerre de l'Internationale (Un numéro, 1915) et la participation de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht à la révolution qui a éclaté dès la signature de l'armistice, ce sont ici des textes qui sont rassemblés sur la manifestation de 1916 et  le procès de Karl Liebknecht. 

 

(Notre blog donne accès à de nombreux textes et documents relatifs à l'action de Rosa Luxemburg contre la guerre. C'est en effet avec la question nationale, les questions de "tactique", les analyses économiques du capital, ce qui a motivé l'existence même du blog.)



 

 

Luxemburg-Liebknecht PremCouv

Le 1er mai 1916, à Berlin, un groupe d’hommes et de femmes décide de dire non à la guerre. Ils manifestent contre les forces du militarisme d’État. Ils se dressent également contre ceux qui, à l’intérieur de leur propre parti, ont choisi de participer à l’Union Sacrée et soutiennent la boucherie. Au milieu de plusieurs milliers de manifestants, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg scandent leur slogan : « À bas la guerre ! À bas le gouvernement ! ». Il faut saluer le courage de ces deux grandes figures du socialisme allemand. Leur geste pacifiste va coûter à chacun d’eux plusieurs années d’emprisonnement. Karl Liebknecht, aussitôt traduit devant un tribunal militaire, ne sera libéré qu’à la fin de 1918. Rosa Luxemburg, soumise à un régime exceptionnel de réclusion, passera la quasi-totalité de la guerre en prison. Pourtant un groupe est né qui va avoir une influence déterminante sur l’histoire de l’Allemagne : le groupe Spartakus.

La lecture des documents relatifs au fameux « procès Liebknecht » nous fait revivre l’époque de la naissance de ce groupe. Les textes de Karl Liebknecht font l’objet d’une première traduction en français. Ils jettent un regard nouveau sur les analyses des causes de la guerre, élaborées par des révolutionnaires

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7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 14:08

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unter besonderer Berücksichtigung der internationalen Jugendbewegung

Dr. Karl Liebknecht, Militarismus und Antimilitarismus, Leipzig 1907.
Nachdruck Weltkreis-Verlag-GmbH, Dortmund 1971.
Transkription u. HTML-Markierung: Einde O’Callaghan für das Marxists’ Internet Archive.


Erster Teil: Militarismus
Zweiter Teil: Antimilitarismus

 

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23 août 2010 1 23 /08 /août /2010 15:41

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De l'absurdité totale de la guerre.


Le destin de Hans Diefenbach, ami très proche de Rosa Luxemburg qui comme elle a combattu contre la guerre, en est une illustration forte. Il est le symbole de tous ces militants sociaux-démocrates que tout liait à la paix et qui sont morts dans le conflit. Rapprocher les deux extraits de lettres de Rosa Luxembug offre alors un raccourci inouï :


Son départ. Lettre du 2 août 1914

 

"Ce soir Hannes Diefenbach est venu prendre congé avec Maxim [Zetkin,]. Hannes m'a fait beaucoup de peine; il ressemble à quelqu'un qui marche à l'échafaud; il a pris congé pour toujours et a une mine affreuse. Il ne s'est pas occupé de se faire incorporer en sa qualité de médecin, et le voilà qui entre à la caserne avec le grade de sergent! Maxim n'a pas encore reçu sa feuille de route. Le petit Kurt Rosenfeld part dans la nuit de mardi à 3 heures et demie. Dans les rues, on ne voit que des réservistes se hâtant une petite valise à la main et des tas de femmes et d'enfants qui restent dehors jusque tard dans la nuit. Le monde entier est soudain devenu un asile de fous."

 

Sa mort - Lettre  à S. Liebknecht mi-novembre 1917

 

"Très chère Sonitschka, j'espère avoir bientôt la possibilité de vous envoyer cette lettre, aussi je m'empresse de l'écrire. J'ai été si longtemps privée de la joie de m'entretenir avec vous., tout au moins par lettre. Mais je devais réserver à Hans D. les quelques lettres que j'avais la permission d'écrire, car il les attendait. C'est fini, maintenant. Mes deux dernières lettres s'adressaient  à un  mort et on m'en a déjà renvoyé une. Je ne puis y croire, mais il vaut mieux ne pas parler de cela; je préfère me retrouver seule avec ma douleur, et quand on veut user de "ménagements" pour m'annoncer une mauvaise nouvelle et me "consoler" par des jérémiades, comm l'a fait N., on ne réussit qu'à m'irriter. Faut-il que mes amis les plus proches me connaissent mal et aient pour moi peu d'estime! Ne comprennent-ils pas qu'en pareille circonstance, il est préférable et plus délicat de me dire tout de suite, en toute simplicité; il est mort ... C'est affligeant, mais n'en parlons "plus

"C'est fini, maintenant". Rosa Luxemburg apprend la mort au front de son ami Hans Diefenbach

 

 


hans-diefenbach


Autres lettres:

 

Lettre à Franz Mehring - 13 septembre 1914


" ... De notre ami Hans, j'ai reçu de longues lettres dans lesquelles il me décrit batailles et exécutions ..."

 

Extrait d'une lettreà Mathilde Wurm, 15 novembre 1917


"Ainsi aujourd'hui, j'ai fini de lire le Simplicius Simplicissimus de Grimmelshausen, dans la belle édition d'Albert Langen que je possède depuis des années sans y avoir pris auparavant plaiisir. C'est une puissante et vaste fresque de l'époque de la guerre de trente ans, un tableau de l'état barbare de la société allemande d'alors qui vous bouleverse. Pourtant, je ne te conseille pas de le lire maintenant, il pourrait te déprimer beaucoup. Je l'ai lu d'un trait, rien que pour m'étourdir et me distraire, car j'ai subi un choc très dur. Hans Diefenbach a été tué. Je sais que la vie continue, qu'il faut rester fort et courageux et même serein, je sais tout cela ... Je m'en sortirai sans doute toute seule mais je préfère ne pas en parler..."


Ta Rosa


Extrait d'une lettre à Sonio Liebknecht du 24 novembre 1917


... Dans la cour, dans les bâtimentsdel'intendance, les lumière s'éteignent peu à peu; je rentre et on ferme les portes à double tout en poussant les verrous - la journée est bien finie. Je me sens si bien, malgré la douleur due à Hans. C'est que je vis dans un monde de rêve dans lequel il n'est pas mort. Pour moi, il est toujours en vie et souvent, quand je pense à lui, je lui souris ..."


Je vous embrasse

Votre Rosa

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16 mai 2010 7 16 /05 /mai /2010 23:41

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Le militarisme, champ d'action du capital  (citations)

vu sur:  http://www.marxisme.biz/annexes/rosa luxemburg/


"L'accumulation du capital"

Livre III  Les conditions historiques de l'accumulation

 Le capitalisme est la première forme économique douée d'une force de propagande ; il tend à se répandre sur le globe et à détruire toutes les autres formes économiques, n'en supportant aucune autre à côté de lui.

***


Le militarisme a une fonction déterminée dans l'histoire du capital. Il accompagne toutes les phases historiques de l'accumulation. Dans ce qu'on appelle la période de l' « accumulation primitive », c'est-à-dire au début du capitalisme européen, le militarisme joue un rôle déterminant dans la conquête du Nouveau Monde et des pays producteurs d'épices, les Indes ; plus tard, il sert à conquérir les colonies modernes, à détruire les organisations sociales primitives et à s'emparer de leurs moyens de production, à introduire par la contrainte les échanges commerciaux dans des pays dont la structure sociale s'oppose à l'économie marchande, à transformer de force les indigènes en prolétaires et à instaurer le travail salarié aux colonies. Il aide à créer et à élargir les sphères d'intérêts du capital européen dans les territoires extra-européens. à extorquer des concessions de chemins de fer dans des pays arriérés et à faire respecter les droits du capital européen dans les emprunts internationaux. Enfin, le militarisme est une arme dans la concurrence des pays capitalistes, en lutte pour le partage des territoires de civilisation non capitaliste.

Le militarisme a encore une autre fonction importante. D'un point de vue purement économique, il est pour le capital un moyen privilégié de réaliser la plus-value, en d'autres termes il est pour lui un champ d'accumulation

.../...

...si la classe ouvrière ne supportait pas la plus grande partie des frais d'entretien des fonctionnaires de l'État et du « mercenaire », les capitalistes eux-mêmes en auraient la charge.(1) Une partie correspondante de la plus-value devrait être directement assignée à l'entretien des organes de leur domination de classe ; elle serait prélevée sur leur propre consommation qu'ils restreindraient d'autant, ou encore, ce qui est plus vraisemblable, sur la portion de la plus-value destinée à la capitalisation. Ils ne pourraient pas capitaliser autant, parce qu'ils seraient obligés de dépenser davantage pour l'entretien direct de leur propre classe. Les charges de l'entretien de leurs parasites étant rejetées en grande partie sur la classe ouvrière (et sur les représentants de la production simple de marchandises : le paysan, l'artisan), les capitalistes peuvent consacrer une partie plus importante de la plus-value à la capitalisation. Mais cette opération de transfert n'implique aucunement la possibilité de la capitalisation, en d'autres termes elle ne crée aucun marché nouveau qui permette d'utiliser la plus-value libérée à produire et à réaliser des marchandises nouvelles. La question change d'aspect si les ressources concentrées entre les mains de l'État par le système des impôts sont utilisées à la production des engins de guerre.

.../...

Par le système des impôts indirects et des tarifs protectionnistes, les frais du militarisme sont principalement supportés par la classe ouvrière et la paysannerie. Il faut considérer séparément les deux sortes d'impôts. D'un point de vue économique, les choses se passent de la manière suivante, en ce qui concerne la classe ouvrière : à moins que les salaires n'augmentent de manière à compenser l'enchérissement des vivres - or ce n'est pas le cas actuellement pour la grande masse de la classe ouvrière, et même pour la minorité organisée dans les syndicats à cause de la pression des cartels et des organisations d'employeurs - les impôts indirects représentent le transfert d'une partie du pouvoir d'achat de la classe ouvrière à l'État .

.../...

Pour le capitaliste individuel, l'ouvrier est un consommateur et acheteur de marchandises aussi valable que n'importe quel autre, qu'un capitaliste, que l'État, le paysan « étranger », etc. N'oublions pas cependant que pour le capital total, l'entretien de la classe ouvrière n'est qu'un mal nécessaire et détourne du but véritable de la production, qui est la création et la réalisation de la plus-value. Si l'on réussit à extorquer la même quantité de plus-value sans être obligé de fournir à la force de travail la même quantité de moyens de subsistance, l'affaire n'en est que plus brillante. C'est comme si le capital était parvenu, sans enchérissement des moyens de subsistance, à réduire d'autant les salaires sans diminuer le rendement des ouvriers.(2) Une réduction constante des salaires entraîne pourtant à la longue la diminution de la production de moyens de subsistance. S'il réduit fortement les salaires, le capital se moque de produire une quantité moindre de moyens de subsistance pour les ouvriers, au contraire il profite de chaque occasion pour le faire ; de même le capital pris dans son ensemble n'est pas mécontent si, grâce aux impôts indirects sans compensation d'augmentation de salaires, la demande de moyens de subsistance de la classe ouvrière diminue. *

Sans doute, quand il y a réduction directe des salaires, le capitaliste empoche-t-il la différence de capital variable, et celle-ci fait augmenter la plus-value relative dans le cas où les prix des marchandises sont restés stables ; maintenant au contraire, cette différence est encaissée par l'État. Seulement par ailleurs il est difficile d'obtenir les réductions générales et permanentes de salaires à n'importe quelle époque, mais en particulier lorsque les organisations syndicales ont atteint un degré élevé de développement. Les vœux pieux du capital se heurtent alors à des barrières sociales et politiques très puissantes.

En revanche, la diminution des salaires réels peut être obtenue rapidement, aisément et dans tous les domaines par le système des impôts indirects, et il faut attendre longtemps avant qu'une résistance se manifeste, celle-ci s'exprime du reste sur le plan politique et n'est pas suivie de résultat économique immédiat. La restriction consécutive de la production des moyens de subsistance apparaît du point de vue du capital total non pas comme une diminution de la vente, mais comme une économie de frais généraux dans la prduction de la plus-value.
* La production de moyens de subsistance pour les ouvriers est une condition sine qua non de la création de la plus-value, c'est-à-dire de la reproduction de la force de travail vivante ; elle n'est jamais un moyen de réaliser la plus-value.

.../...

Pratiquement, sur la base du système d'impôts indirects, le militarisme remplit ces deux fonctions : en abaissant le niveau de vie de la classe ouvrière, il assure d'une part l'entretien des organes de la domination capitaliste, l'armée permanente, et d'autre part il fournit au capital un champ d'accumulation privilégié


.../...

La somme d'argent extorquée à la masse paysanne - que nous choisissons ici pour représenter la masse des consommateurs non prolétaires - et transférée à l'État sous forme d'impôts n'est pas à l'origine avancée par le capital, elle ne se détache pas de la circulation capitaliste. Dans la main des paysans, cette somme est l'équivalent de marchandises réalisées, la valeur d'échange de la production simple de marchandises, l'État bénéficie d'une partie du pouvoir d'achat des consommateurs non capitalistes, autrement dit d'un pouvoir d'achat qui de prime abord sert au capital à réaliser la plus-value à des fins d'accumulation.

On peut se demander quelles transformations économiques découlent pour le capital et de quel ordre, du transfert du pouvoir d'achat de ces couches non capitalistes à l'État à des fins militaires. Il semble au premier abord qu'il s'agisse de transformation dans la forme matérielle de la reproduction. Le capital produira, au lieu d'une quantité donnée de moyens de production et de subsistance pour les consommateurs paysans, du matériel de guerre pour l'État pour une somme équivalente. En fait la transformation est plus profonde. Surtout l'État peut mobiliser, grâce au mécanisme des impôts, des sommes, prélevées sur le pouvoir d'achat des consommateurs non capitalistes, plus considérables que celles que ceux-ci auraient dépensées pour leur propre consommation.

En réalité, c'est le système fiscal moderne qui est dans une large mesure responsable de l'introduction forcée de l'économie marchande chez les paysans. La pression fiscale oblige le paysan à transformer progressivement en marchandises une quantité toujours plus grande de ses produits, et en même temps le force à acheter toujours davantage ; elle fait entrer dans la circulation le produit de l'économie paysanne et contraint les paysans à devenir acheteurs de marchandises capitalistes.

Enfin, si nous considérons toujours la production paysanne de marchandises, le système de taxation prive l'économie paysanne d'un pouvoir d'achat bien supérieur à celui qui eût été mis en jeu réellement. Les sommes que les paysans ou les classes moyennes auraient économisées pour les placer dans les caisses d'épargne et dans les banques, attendant d'être investies, sont à présent disponibles dans les caisses de l'État et constituent l'objet d'une demande, et offrent des possibilités d'investissement pour le capital.

En outre, la multiplicité et l'éparpillement des demandes minimes de diverses catégories de marchandises, qui ne coïncident pas dans le temps et peuvent être satisfaites par la production marchande simple, qui n'intéressent donc pas l'accumulation capitaliste, font place à une demande concentrée et homogène de l'État. La satisfaction d'une telle demande implique l'existence d'une grande industrie développée à un très haut niveau, donc des conditions très favorables à la production de la plus-value et à l'accumulation.

De plus, le pouvoir d'achat des énormes masses de consommateurs, concentré sous la forme de commandes de matériel de guerre faites par l'État, sera soustrait à l'arbitraire, aux oscillations subjectives de la consommation individuelle ; l'industrie des armements sera douée d'une régularité presque automatique, d'une croissance rythmique. C'est le capital lui-même qui contrôle ce mouvement automatique et rythmique de la production pour le militarisme, grâce à l'appareil de la législation parlementaire et à la presse, qui a pour tâche de faire l'opinion publique. C'est pourquoi ce champ spécifique de l'accumulation capitaliste semble au premier abord être doué d'une capacité d'expansion illimitée. Tandis que toute extension des débouchés et des bases d'opération du capital est liée dans une large mesure à des facteurs historiques, sociaux et politiques indépendants de la volonté du capital, la production pour le militarisme constitue un domaine dont l'élargissement régulier et par bonds paraît dépendre en première ligne de la volonté du capital lui-même.

Les nécessités historiques de la concurrence toujours plus acharnée du capital en quête de nouvelles régions d'accumulation dans le monde se transforme ainsi, pour le capital lui-même, en un champ d'accumulation privilégié. Le capital use toujours plus énergiquement du militarisme pour s'assimiler, par le moyen du colonialisme et de la politique mondiale, les moyens de production et les forces de travail des pays ou des couches non capitalistes. En même temps, dans les pays capitalistes, ce même militarisme travaille à priver toujours davantage les couches non capitalistes, c'est-à-dire les représentants de la production marchande simple ainsi que la classe ouvrière, d'une partie de leur pouvoir d'achat ; il dépouille progressivement les premiers de leur force productive et restreint le niveau de vie des seconds, pour accélérer puissamment l'accumulation aux dépens de ces deux couches sociales. Cependant, à un certain degré de développement, les conditions de l'accumulation se transforment en conditions de l'effondrement du capital.

Plus s'accroît la violence avec laquelle à l'intérieur et à l'extérieur le capital anéantit les couches non capitalistes et avilit les conditions d'existence de toutes les classes laborieuses, plus l'histoire quotidienne de l'accumulation dans le monde se transforme en une série de catastrophes et de convulsions, qui, se joignant aux crises économiques périodiques finiront par rendre impossible la continuation de l'accumulation et par dresser la classe ouvrière internationale contre la domination du capital avant même que celui-ci n'ait atteint économiquement les dernières limites objectives de son développement.

Le capitalisme est la première forme économique douée d'une force de propagande ; il tend à se répandre sur le globe et à détruire toutes les autres formes économiques, n'en supportant aucune autre à côté de lui. Et pourtant il est en même temps la première forme économique incapable de subsister seule, à l'aide de son seul milieu et de son soi nourricier.

Ayant tendance à devenir une forme mondiale, il se brise à sa propre incapacité d'être cette forme mondiale de la production. Il offre l'exemple d'une contradiction historique vivante ; son mouvement d'accumulation est à la fois l'expression, la solution progressive et l'intensification de cette contradiction. A un certain degré de développement, cette contradiction ne peut être résolue que par l'application des principes du socialisme, c'est-à-dire par une forme économique qui est par définition une forme mondiale, un système harmonieux en lui-même, fondé non sur l'accumulation mais sur la satisfaction des besoins de l'humanité travailleuse et donc sur l'épanouissement de toutes les forces productives de la terre.

Rosa luxemburg
L'accumulation du capital

marxisme.org
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20 avril 2010 2 20 /04 /avril /2010 12:24

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1925_Karl-Kraus.jpg

Karl Kraus par Kokoschka

 

A lire sur le site d'Agone:

 

Chez l'éditeur Agone, on peut lire sous le titre intrigant "Réponse d'une non sentimentale à Rosa Luxemburg", un article paru dans la Fackel, rédigé par Karl Kraus. C'est une réponse au courrier d'une lectrice, particulièrement éclairant sur le caractère borné et pointilleux de ceux qui détestaitent plus les militants révolutionnaires que ceux qui avaent entraîné les peuples vers la guerre,  et qui n'avaient toujours rien compris.


Faisant preuve non seulement d'un manque de sentimentalisme - attribué à tort à Rosa Luxemburg - que de sensibilité, principale qualité de cette lettre de Rosa Luxemburg, qui par la métaphore de ces animaux violentés évoque le sort de tous ces hommes envoyés mourir au combat.

 

 

A lire sur le blog:


La lettre de Rosa Luxemburg est paru sur le blog dans l'article "Et devant mes yeux, je vis passer la guerre"

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13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 17:01

http://www.alternativelibertaire.org/IMG/jpg/grevistes_Boulogne-Billancourt.jpg

Si le livre n'apporte pas, à nos yeux, d'éclairage politique substantiel pour comprendre,ce qui reste malgré tout l'essentiel pour déterminer aujourd'hui nos propres engagements: le choix entre réformisme et révolution.  Ce choix qui entraîne tous les autres et qui justifie toutes les entorses, jusqu'aux plus cruelles, aux principes et aux analyses du mouvement ouvrier, jusqu'à ce ralliement au nom de la nation à la boucherie de 1914.

Il est en revanche d'une grande importance par l'information précise, circonstanciée qu'il donne sur les réunions de base et sur les grèves de l'époque. Et parce que l'on peut donc y lire sans filtre ce qui était décidé et affirmé par chacun.

Dans cette optique, il est un ouvrage rare et irremplaçable pour ceux qui veulent voir en temps et termes réels comment s'est joué entre 1914 et 1918 l'invraisemblable scénario politique d'ouvriers, d'un mouvemenbt ouvrier allant d'eux-mêmes dans l'enfer d'une guerre capitaliste, impérialiste, qu'ils avaient passé plusieurs décennies à dénoncer.

Quatrième de couverture:
 
Qui ne se souvient de ces grandes manifestations pacifistes de 1913 à la Butte rouge où Jaurès enflammait les foules ouvrières et dénonçait la "guerre qui vient". En août 1914, comme partout alleurs dans le pays, les ouvriers parisiens partirent défendre la nation qu'ils pensaient agressée, et les dirigeants des organisations ouvrières se rallièrent à l'Union sacrée.

Etudiant l'évolution des ouvriers et du mouvement ouvrier jusqu'à la grève massive des "métallos" de juin 1919, le livre examine ainsi la question classique et combien actuelle, des rapports entre la classe et la nation. L'étude des grèves très nombreuses entre 1917 et 1918, et des réunions de base vise à établir une histoire des médiations, des interactions entre l'analyse socioculturelle du groupe et les discours politiques.

L'ouvrage est la parution , sous une forme légèrement remaniée et réduite, de la seconde partie de la thèse d'Etat de Jean-Louis Robert, Ouvriers et mouvements ouvriers parisiens pendant la Grande Guerre et l'immédiate après-guerre. Histoire et anthropologie ...

Annales littéraires de l'Université de Besançon n° 592 - Série Historiques, n°11 - Diffusion Les Belles Lettres, 95 Boulevard Raspail, Paris Ve - 1995

(La photographie a été reprise sur le site alternative libertaire)
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10 janvier 2010 7 10 /01 /janvier /2010 19:17

Extrait d'un article sur les notions de pacifisme et d'antimilitarisme

Au sein du mouvement ouvrier, dans maintes circonstances critiques, notamment la révolution de 1848 ou la Commune de Paris de 1870, le problème de la construction d'une organisation de défense, par dessus les frontières, entre travailleurs partageant la même condition sociale, la question de la position de l'armée s'est trouvée posée. Mais comme l'écrit Gérard BENSUSSAN, "il faut attendre le tournant du siècle, les dernières années du XIXème, pour que la question du militarisme et (...) de l'antimilitarisme se posent comme questions à caractère hautement politique (...). En France, en Allemagne et en Russie des antimilitarismes se développent, suivant des chemins différents. Citons simplement dans cet article qui n'est qu'introductif, pour la France, les traits antipatriotique, humaniste pacifiste bien personnifiés dans la figure et l'activité de YVETOT (1868-1942), anarcho-syndicaliste qui fonde en 1902 la Ligue antimilitariste, pour l'Allemagne les combats de Max SCHIPPEL et de Rosa LUXEMBOURG , cette dernière très active dans le mouvement marxiste international, pour la Russie, dans la foulée de la révolte du cuirassé Potemkine, vécu comme expérience révolutionnaire de masse, les réflexions de LENINE et les activités antimilitaristes révolutionnaires au sein de la IIIème internationale jusqu'au début des années 1930. Les conférences de Zimmerwald (1915) et de Kienthal (1916) reflètent les différents débats sur la question nationale (opposition Rosa LUXEMBOURG-LENINE). Le mouvement ouvrier international est tiraillé entre les positions d'union sacrée en France et en Allemagne et les positions internationalistes (insurrectionnelles). L'antimilitarisme et le pacifisme constituent deux thèmes majeurs qui traversent les Internationales Ouvrières jusqu'après la Seconde Guerre Mondiale. L'émergence d'un pacifisme d'Etat, ou supposé tel, prôné par l'Union Soviétique entre les deux guerres mondiales, d'un pacifisme en fait instrumentalisé par un Etat, exprimé dans la création de nombreuses organisations, prolongé (à travers la création du Mouvement de la paix par exemple), pendant les années de la guerre froide, contribue à la division de pratiquement toute la gauche politique européenne.
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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 23:52
Pour écouter cette magnifique chanson de Brel sur la boucherie de 14-18
ici
Ils étaient usés à quinze ans
Ils finissaient en débutant
Les douze mois s'appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grand-parents
Entre l'absinthe et les grand-messes
Ils étaient vieux avant que d'être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laissent au visage un teint de cendres
Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

On ne peut pas dire qu'ils furent esclaves
De là à dire qu'ils ont vécu
Lorsque l'on part aussi vaincu
C'est dur de sortir de l'enclave
Et pourtant l'espoir fleurissait
Dans les rêves qui montaient aux cieux
Des quelques ceux qui refusaient
De ramper jusqu'à la vieillesse
Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Si par malheur ils survivaient
C'était pour partir à la guerre
C'était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelque sabreur
Qui exigeait du bout des lèvres
Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreur
Leurs vingt ans qui n'avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peur
Tout miséreux oui notre bon Maître
Couverts de prèles oui notre Monsieur
Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l'ombre d'un souvenir
Le temps de souffle d'un soupir

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009