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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
21 février 2022 1 21 /02 /février /2022 11:31
Version intégrale du premier article de Rosa Luxemburg, L'année 1793. Traduit et publié sur le site Matière et révolution.
"En l’an 1793, le peuple de Paris a réussi à détenir le pouvoir entre ses mains pour une courte durée ; mais il a été incapable d’utiliser ce pouvoir pour se libérer économiquement. De nos jours, le prolétariat de tous les pays mène résolument et inlassablement un combat à la fois politique et économique." Rosa Luxemburg, L'année 1793

ESSENTIEL. Un deuxième document inédit est mis à disposition par Matière et révolution en ce début d'année 2022. Merci pour ce travail indispensable. A consulter avec le lien :

 

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6614

Un texte inédit de Rosa Luxemburg : la version intégrale en français de son premier article : 1793, la grande année ! Version intégrale en français de son (...) jeudi 20 janvier 2022, par Alex

 

Alors que les Oeuvres complètes (en allemand) de Rosa Luxemburg s’ouvrent sur son Rapport au IIIème Congrès ouvrier socialiste international de Zurich (1893), un texte antérieur, intitulé "1793" lui a été récemment attribué par des spécialistes.

 

Le journal L’humanité en avait publié une présentation et une traduction partielle reprise par l’article 1793 de marxists.org.

 

Wikirouge à la page L’année 1793 par Rosa Luxemburg redonne le texte de L’Humanité en signalant que le texte n’est pas disponible en français : « Ce texte n’est pas disponible, ou est incomplet. Aidez-nous si vous le pouvez ! »

 

Essayons-donc de combler ce vide.

 

L’article original en question a été publié dans le premier numéro du mensuel en langue polonaise « Sprawa robotnicza » (La cause ouvrière) animé par R. Luxemburg, daté de juillet 1893, dont voici un extrait de la page titre (l'extrait est en tête d'article)

 

*************************

Le numéro complet est disponible ici (format djvu). L’article de Rosa Luxemburg intitulé « DZIS i STO LAT TEMU » (L’année 1793 : Aujourd’hui et il y a 100 ans) commence page 2. Il se termine à la page 5 avec la signature « K. »

 

C’est à partir de ce texte original que nous complétons (passages en caractères gras) le texte de marxists.org (passages en caractères ordinaires).

 

Toute amélioration de cette traduction sera bienvenue.

 

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L’Assemblée nationale constituante, cette nuit-là, a posé les fondements de notre conception contemporaine de la propriété : individuelle et privée, forcément privée. Lire : Rafe Blaufarb, L’invention de la propriété privée

L’Assemblée nationale constituante, cette nuit-là, a posé les fondements de notre conception contemporaine de la propriété : individuelle et privée, forcément privée. Lire : Rafe Blaufarb, L’invention de la propriété privée

"L'année 1793"

 

1. L’année 1793 ! Cent ans sont passés depuis cette époque à laquelle les ennemis du peuple travailleur, les tsars, les rois, la noblesse, les princes, les patrons d’usine et tous les autres riches (les capitalistes) ne peuvent songer encore aujourd’hui sans éprouver de la terreur. Leurs âmes tremblent dès que l’on prononce ce mot : l’année 1793 !

2. Pourquoi cela ? Parce que, dans ces années-là, le peuple travailleur de France, et particulièrement de sa capitale, Paris, s’est débarrassé pour la première fois d’un joug multi-séculaire et a entrepris de tenter d’en finir une fois pour toute avec l’exploitation et de commencer une vie nouvelle et libre.

3. Voyons comment et pourquoi les travailleurs de Paris se sont attelés à cette tâche et pourquoi ils ont échoué.

4. La grande révolution française a commencé en 1789.

Et dès le début, le peuple de Paris a lutté héroïquement contre les ennemis de la liberté - le roi, la noblesse et le clergé, qui gouvernaient la France de manière autocratique, comme le font aujourd’hui dans notre pays le tsar et sa cour.

Ce gouvernement autoproclamé a été renversé et remplacé par un gouvernement constitutionnel, en grande partie grâce aux efforts héroïques du peuple de Paris.

Mais qui a bénéficié de la liberté acquise ? Surtout, une nouvelle classe de riches urbains, la bourgeoisie.

Au lieu du précédent règne et de la domination des magnats et des nobles héréditaires, commence le règne de l’aristocratie de l’argent, le règne de la bourse.

Les paysans ont également bénéficié de la liberté acquise grâce à la révolution : dès le début de la révolution, le servage a été aboli et de manière générale la dépendance des paysans vis-à-vis du propriétaire, de tous les impôts et de la servitude a été abolie.

En outre, lorsque l’Assemblée nationale a retiré au clergé toutes ses immenses propriétés, les paysans les plus riches ont pu agrandir leurs terres.

Les travailleurs urbains, et surtout la classe ouvrière qui ne possédait rien, le prolétariat, n’ont reçu aucun soulagement de leur misère.

Tous les sacrifices que le prolétariat a faits dans la lutte contre l’absolutisme royal et contre la noblesse ont été vains. Il restait une bête de somme, obligée de marcher sous le joug de l’aube au crépuscule pour un morceau de pain sec et remplissant toujours les poches des maîtres. Encore pire. Pendant la révolution, les gens ne pouvaient souvent même pas obtenir du pain sec.

Comme il est d’usage dans les périodes de bouleversements nationaux, l’industrie et le commerce sont paralysés en France, les fabriques et les ateliers sont fermés, les ouvriers sont jetés en masse dans la rue. On voyait dans les yeux du peuple de Paris une faim terrible.

5. « Pour quelle raison ai-je combattu ? Pourquoi ai-je versé mon sang ? » s’interroge le peuple français trompé dans ses espérances.

Pourquoi ai-je offert ma poitrine aux balles des soldats du roi ? Seulement pour remplacer un oppresseur par un autre ?

Pour arracher le pouvoir et les honneurs à la noblesse et le transmettre à la bourgeoisie ?

6. Et le peuple de Paris engagea un nouveau combat. Ce fut la deuxième révolution - la révolution populaire -, le 10 août 1792. Ce jour-là, le peuple prit d’assaut le Palais royal et l’Hôtel de ville. La bourgeoisie était du côté du roi, qui, doté d’un pouvoir affaibli, défendait ses intérêts contre ceux du peuple. Cela n’empêcha pas le peuple de renverser le trône. La bourgeoisie tenait l’Hôtel de ville et l’administration municipale d’une main ferme et voulut dominer le peuple avec sa police et la Garde nationale. Cela n’empêcha pas le peuple de prendre d’assaut l’Hôtel de ville, d’en expulser la bourgeoisie et de tenir dans ses mains calleuses l’administration municipale de Paris. En ce temps-là, l’administration de la Commune de Paris était totalement indépendante de l’administration de l’État. La Commune , s’appuyant sur le peuple révolutionnaire victorieux, obligea la Convention (la nouvelle Assemblée nationale), qui se réunit en septembre 1792 et proclama aussitôt la République—à faire des concessions très importantes en faveur des travailleurs.

7. Sans la puissance menaçante de ce peuple, la Convention aurait probablement fait aussi peu de choses que les Assemblées précédentes pour les masses populaires. La grande majorité des membres de la Convention étaient hostiles aux changements imposés par la révolution du 10 août. Une partie de la Convention - le parti de la Gironde (ainsi nommé, car ses principaux dirigeants provenaient de ce département) - mena une lutte ouverte contre la souveraineté de la Commune révolutionnaire de Paris. Les Girondins, représentants de la moyenne bourgeoisie républicaine, étaient d’ardents partisans de la République et des adversaires acharnés de toute réforme économique d’ampleur au profit du peuple travailleur. Seule la minorité de la Convention, la Montagne (ainsi nommée parce que ses membres occupaient les bancs les plus hauts dans la salle de la Convention), défendait fidèlement la cause du peuple travailleur. Aussi longtemps que les gGrondins siégèrent à la Convention, ceux de la Montagne ne purent la plupart du temps pratiquement rien faire, car les girondins avaient évidemment toujours la majorité de leur côté

8. Cette majorité lâche (appelée avec mépris "la plaine", "le marais" ou "le ventre"), craignant le peuple, mais ne souhaitant pas de changement radical en sa faveur, se cachait toujours derrière le dos des Girondins et votait avec eux contre le parti de la Montagne. Le peuple français a alors compris que, comme avant le roi et la noblesse, et plus tard la grande bourgeoisie monarchiste, les Girondins, représentants de la république de la moyenne bourgeoisie, étaient un obstacle à ses aspirations. Ce dernier obstacle est levé par les soulèvements populaires des 31 mai et 2 juin 1793. Le peuple armé, dirigé par la Commune, obligea la majorité de la Convention à expulser de son sein et à arrêter tous les chefs de la Gironde. Alors, le peuple de Paris à lui seul avait un contrôle total sur la Convention, et donc sur toute la France. Ensuite, la majorité de la Convention, craignant le sort des Girondins, suivit docilement le parti du peuple - le parti de la Montagne.

9. Examinons ce que le peuple travailleur obtint au cours de la brève période de son règne.

10. Les dirigeants du peuple, comme les membres de l’administration municipale et les montagnards souhaitaient ardemment la complète libération économique du peuple. Ils aspiraient sincèrement à la réalisation de l’égalité formelle de tous devant la loi, mais aussi à une réelle égalité économique. Tous leurs discours et tous leurs actes étaient basés sur une idée : dans la république populaire, il ne devrait y avoir ni riches ni pauvres ; la république populaire, cela veut dire que l’État libre bâti sur la souveraineté populaire ne pourrait rester longtemps en place si le peuple, souverain politiquement, se trouvait dépendant des riches et dominé économiquement.

11. Mais comment réaliser l’égalité économique pour tous ? À notre époque, les partis ouvriers sociaux-démocrates de tous les pays ont inscrit sur leur bannière comme aboutissement de leur combat l’égalité économique pour tous. Et pour réaliser cet objectif, ils exigent l’abolition de la propriété privée de tous les outils de travail ; la propriété de la terre, des usines, des ateliers, etc., doit être transférée à l’ensemble du peuple travailleur. Le parti de la Montagne chercha à résoudre ce problème tout autrement.

12. Très peu parmi eux, et aussi parmi les membres de la Commune, partageaient le point de vue de la social-démocratie d’aujourd’hui. Seules quelques voix isolées, qui disparurent dans la masse des autres. Elles ne trouvèrent même pas une écoute favorable auprès de la partie la plus progressiste du peuple de Paris : le prolétariat. Au contraire, ni le prolétariat ni les montagnards ne pensaient à l’abolition de la propriété privée des moyens de production. Ils voulaient réaliser l’égalité économique de tous en donnant à tous les citoyens français qui ne possédaient rien une parcelle de propriété privée. En un mot, ni le prolétariat parisien d’alors ni les montagnards n’étaient socialistes. Ils ne savaient pas ce que tout travailleur conscient sait aujourd’hui, à savoir que la propriété privée des moyens de production conduit inévitablement à l’inégalité économique, à la division de la société en deux classes : les riches capitalistes et les pauvres prolétaires.

13. Mais pourquoi le prolétariat français de l’époque n’a-t-il pas écouté la voix des quelques socialistes qui s’exprimaient déjà ? Il ne suffit pas d’exprimer une idée, il ne suffit pas de prouver sa vérité, même avec le plus grand enthousiasme et la plus grande persévérance. Si cette idée n’est pas l’expression des besoins réels de la société ou d’une classe forte, en un mot, si elle est impossible à réaliser, elle ne trouvera aucun débouché et les masses populaires resteront aveugles à cette idée. Telle était la situation des quelques socialistes de l’époque de la grande Révolution française. À cette époque, il était impossible de mettre en œuvre le socialisme, c’est-à-dire la propriété collective de tous les moyens de production.

14. Les moyens de production ne peuvent devenir des biens communs que si le travail au moyen de ces outils peut et doit être effectué en commun par de nombreuses personnes. Nos machines sont justement de tels moyens de production, et telles sont les conditions dans lesquelles se trouve le travail humain aujourd’hui.

15. Tant que la production par des machines ne prévaut pas, tant que le travail manuel dans de petits ateliers et avec de petits outils prédomine dans la société, - tant que la mise en commun des moyens de production n’est pas possible. Tant que la majorité des ouvriers ont leurs propres ateliers ou leurs propres terres et sont des artisans indépendants ou des propriétaires, — tant qu’il n’est pas au moins dans leur intérêt de faire de ces outils, de ces ateliers, de ces terres, etc. une propriété commune.

16. Aujourd’hui, alors que l’industrie des grosses machines règne en maître, les choses sont bien différentes.

Aujourd’hui, la division du travail dans la société est si grande que la société entière contribue à la production et la livraison au consommateur de chaque article.

Les habitants des coins les plus reculés de la planète échangent le produit de leur travail et ne peuvent se passer les uns des autres.

Puisque, par conséquent, la société humaine lie étroitement les unes aux autres dans une grande exploitation, il est possible que les moyens de production - les outils et la terre, ainsi que les fruits du travail - soient en copropriété.

Ce n’est qu’aujourd’hui que la grande industrie, avec sa concentration de capital et sa production de toutes les marchandises beaucoup moins chères que le travail manuel, ruine de plus en plus l’artisanat, chasse de plus en plus de travailleurs de leurs moyens de travail et les oblige, en tant que prolétaires, à vendre leur force de travail aux propriétaires d’usines du grand capital et à leurs outils.

De même, la concurrence avec les grands propriétaires terriens, les impôts, les divisions familiales poussent de plus en plus de paysans à quitter la terre. Ce n’est donc qu’aujourd’hui que nous avons une classe énorme et toujours plus nombreuse de prolétaires qui ne possèdent rien. Et ce n’est qu’aujourd’hui que ce prolétariat est de plus en plus concerné par la prise de conscience que le socialisme est le seul moyen de sortir de tous les problèmes du système actuel.

17. Tout autre était la situation il y a cent ans. En France, comme dans d’autres États, le prolétariat représentait à peine une petite partie de la masse du peuple travailleur. La paysannerie, qui constitue la plus grande part du peuple français, était satisfaite de ce qu’elle avait obtenu pendant la Révolution. En effet, comme nous l’avons signalé, seuls les cultivateurs les plus riches pouvaient acheter des terres. La partie la plus pauvre de la paysannerie française ne souhaitait pas la propriété collective socialiste, mais une augmentation de sa part de propriété.

Les montagnards avaient justement l’intention de remettre aux paysans toutes les terres de la noblesse et du clergé qui n’avaient pas encore été vendues. La distance entre les montagnards et le socialisme est démontrée par le fait que, en accord avec les autres conventionnels, ces derniers ont donné en partage à quelques paysans ce qu’il restait des anciens biens communaux (prairies, champs, terrains en friches).

18. En outre, la majorité de la population urbaine, et donc aussi de Paris, était constituée d’artisans, de commerçants et autres, en un mot, de petits propriétaires privés, de la petite bourgeoisie. Le prolétariat, qui, de par sa position sociale, doit lutter pour l’introduction du socialisme, ne s’était pas encore constitué en classe distincte.

Les prolétaires individuels de cette époque se considéraient comme des victimes particulières du destin, comme des victimes d’échecs accidentels et ils rêvaient que leur sort était tout à fait naturel dans une société capitaliste et qu’il deviendrait en un siècle le sort de millions de personnes de toute la classe.

A cette époque, ces prolétaires individuels se fondaient dans la masse de la petite bourgeoisie en ayant pour idéal la propriété et la vie petite bourgeoise, ils suivaient la masse, reprenaient ses slogans et ses aspirations. Ils considéraient les représentants petits-bourgeois et paysans du parti de la Montagne comme les leurs et ne s’émurent pas le moins du monde lorsque le chef de la Montagne, Robespierre, envoya à la guillotine les véritables représentants du prolétariat, les socialistes (Jacques Roux, Chaumette et autres en mars 1794).

19. Après tout cela, il est clair que les montagnards, malgré toute leur bonne volonté, étaient incapables de réaliser leur désir ardent : l’égalité économique de tous. Cette aspiration n’était pas réalisable en ce temps-là. En outre, les moyens dont on se servait n’eurent comme effet que de retarder pour une brève période le développement de la constitution du capitalisme, c’est-à-dire la plus grande inégalité économique.

20. Tant que la Montagne eut le pouvoir entre ses mains , elle dut trouver leur salut dans des moyens économiques coercitifs, notamment pour empêcher le peuple de Paris de mourir de faim. Ces moyens étaient les suivants : la fixation d’un prix maximal pour le pain et pour d’autres denrées alimentaires, des emprunts obligatoires auprès des riches et, tout particulièrement à Paris, l’achat de pain de la part de la commune afin de le distribuer au peuple au prix le plus bas possible. Tout cela n’était que des interventions purement et simplement superficielles dans la vie économique française. Tout cela ne pouvait que mener à la paupérisation de gens riches et ne fournir qu’une aide momentanée au peuple affamé - rien de plus. Et même si les intentions du parti des montagnards de donner des terres à tous ceux qui désiraient travailler avaient été atteintes, l’égalité économique n’aurait pourtant pas été acquise pour longtemps. À la fin du siècle dernier, la France occupait dans le système capitaliste la même position que les autres pays d’Europe de l’Ouest. Elle devait rechercher inéluctablement la transformation des petits propriétaires en prolétaires et la concentration de l’ensemble des biens - y compris de la propriété foncière - dans les mains de quelques riches .

21. En outre, le parti de la Montagne est mort avant d’avoir pu entamer les réformes économiques fondamentales qui, selon lui, étaient censées supprimer les inégalités économiques.

Le violent soulèvement du peuple de Paris l’a portée au sommet du pouvoir d’État, mais elle n’a pu s’y maintenir longtemps. La base de son pouvoir était la force insuffisante du peuple de Paris, et toutes ses réformes politiques et économiques étaient en contradiction profonde avec les besoins de la France à cette époque, et en particulier avec les besoins de la Bourgeoisie au début de son règne. Le règne à court terme du parti de la Montagne était une dictature (omnipotence) du peuple de Paris sur l’ensemble de la France.

Et cette dictature devait être d’autant plus violente et sanglante que ses fondements et ses représentants étaient faibles et que les forces sociales hostiles étaient puissantes. En fin de compte, la domination des Montagnards a lassé même le peuple de Paris.

Le prolétariat, leur base la plus solide, perd de plus en plus l’espoir mis en eux. En mars 1794, il regarde avec indifférence le malheur des socialistes de la commune, et en juillet de la même année, il ne fait rien pour sauver de la guillotine les derniers membres de la commune et les principaux chefs de la Montagne : Robespierre, Saint-Just, Couthon et autres. L’époque de la conscience politique du prolétariat n’était pas encore venue.

22. Après la chute de la Commune et de la Montagne, le prolétariat parisien pris par la faim se souleva encore quelques fois contre la Convention , en criant : « Du pain et la Constitution de 1793. » Ce n’étaient toutefois plus que des faibles sursauts d’une flamme révolutionnaire en voie d’extinction. Les forces du prolétariat étaient épuisées ; quant à la conjuration organisée en 1796 par le socialiste Babeuf contre le gouvernement d’alors, dans le but d’introduire une constitution socialiste, il fut tout aussi infructueux. Babeuf avait bien compris que l’égalité économique n’était pas compatible avec la propriété privée des moyens de production, qu’il voulait socialiser. Il se trompait toutefois lorsqu’il supposait pouvoir l’appliquer dans la France d’alors avec l’aide d’une poignée de conjurés. Babeuf et ses amis pouvaient encore moins compter sur un succès que les montagnards. Ses projets socialistes ont été étouffés dans l’oeuf.

23. La conjuration de Babeuf n’a pu troubler qu’un instant le calme de la bourgeoisie française repue qui s’enrichissait. Elle avait déjà oublié les « frayeurs de l’an 1793 ». C’est bien elle et non le prolétariat qui a récolté tous les fruits de la Révolution française. L’ampleur de la violence que la Montagne a déployée contre la noblesse et ses biens n’a pas servi au prolétariat mais à la bourgeoisie. La majeure partie des biens du clergé réquisitionnés - « les biens nationaux » - ont été achetés et sont tombés dans les mains de la bourgeoisie aisée. La paupérisation du clergé et de la noblesse n’a fait que renforcer les pouvoirs économiques, sociaux et politiques de la bourgeoisie française.

24. Tels sont les effets sociaux immédiats de la Révolution française. Actuellement, un siècle plus tard, nous voyons clairement les conséquences ultérieures de la Grande Révolution. Elle a certes installé la bourgeoisie sur le trône, mais le règne de la bourgeoisie est indissociable du développement du prolétariat.

Et c’est maintenant particulièrement que nous voyons de nos propres yeux à quel point son succès conquis sur la noblesse mène la bourgeoisie à sa ruine.

S’approchant à grands pas, le cortège du prolétariat, son compagnon historique, héritier et fossoyeur, résonne haut et for.t

La tentative bien trop précoce du prolétariat français d’enterrer dès 1793 la bourgeoisie fraîchement éclose devait avoir une issue fatale. Mais après cent ans de règne, la bourgeoisie s’affaiblit sous le poids des ans. Enterrer cette vieille pécheresse est aujourd’hui une bagatelle pour le prolétariat débordant d’énergie.

À la fin du siècle dernier, le prolétariat - peu nombreux et sans aucune forme de conscience de classe - a disparu en se fondant dans la masse des petits-bourgeois. À la fin de notre siècle, le prolétariat se trouve à la tête de l’ensemble du peuple travailleur des pays les plus importants et gagne à sa cause la masse de la petite-bourgeoisie des villes ainsi que, plus récemment, la paysannerie .

26. À l’époque de la grande Révolution française, les meilleures personnalités étaient du côté de la bourgeoisie. De nos jours, les personnalités les plus nobles issues de la bourgeoisie (de la « couche intellectuelle ») sont passées du côté du prolétariat.

27. À la fin du siècle dernier, la victoire de la bourgeoisie sur la noblesse était une nécessité historique. Aujourd’hui, la victoire du prolétariat sur la bourgeoisie est au même titre une nécessité historique.

28. Mais la victoire du prolétariat signifie le triomphe du socialisme, le triomphe de l’égalité et de la liberté de tous. Cette égalité économique, qui était il y a un siècle le grand rêve de quelques idéalistes, prend aujourd’hui forme dans le mouvement ouvrier et dans le mouvement social-démocrate.

La devise « Liberté, Égalité, Fraternité » n’était à l’époque de la grande Révolution française qu’un slogan de parade dans la bouche de la bourgeoisie, et un faible soupir dans la bouche du peuple - ce mot d’ordre est aujourd’hui le cri de guerre menaçant d’une armée de plusieurs millions de travailleurs.

Le jour approche où il prendra corps et deviendra réalité.

29. En l’an 1793, le peuple de Paris a réussi à détenir le pouvoir entre ses mains pour une courte durée ; mais il a été incapable d’utiliser ce pouvoir pour se libérer économiquement. De nos jours, le prolétariat de tous les pays mène résolument et inlassablement un combat à la fois politique et économique.

Le jour où le prolétariat détiendra le pouvoir politique sera aussi le jour de sa libération économique.

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20 février 2022 7 20 /02 /février /2022 19:48
Karl Liebknecht vers 1912

Karl Liebknecht vers 1912

Karl Liebknecht qui était en retrait le temps de terminer  ses études de droit afin de ne pas en être empêché par le pouvoir impérial, entre en politique en cette année 1900.

 

Sur le site incontournable (Sozialistische Klassiker), on trouve les compte-rendus de ses tout premiers discours dont celui-ci. J'en assure ici la traduction. Merci pour toute proposition d'amélioration.

 

https://sites.google.com/site/sozialistischeklassiker2punkt0/liebknecht/1900/karl-liebknecht-gegen-den-hunnenfeldzug

 

 

 

Le titre de ce discours fait référence au discours de Guillaume II le 27 juillet 1900 à Bremerhaven lors de l'envoi d'un corps expéditionnaire en Chine contre la révolte des Boxers.

Waldersee

Waldersee

"Mais nos gens ne doivent pas aller en Chine comme c’est le cas actuellement, tels des hordes de Huns!"

 

Karl Liebknecht: Gegen den Hunnenfeldzug

Compte-rendu du discours tenu dans la VIème circonscription de Berlin le 11 octobre 1900 - [Vorwärts, Nr. 159 vom 13. Oktober 1900. Discours et écrits, Dietz Verlan, Tome 1, Page 8 et suivantes)

 

La réunion au "Feldschlösschen" a également été très fréquentée. Au début de son discours, le Dr Karl Liebknecht a souligné l'importance en général des prochaines élections, puis l'orateur a décrit de manière claire et concise les conditions économiques, sociales et politiques, la misère du Reichstag, la brutalité de la politique de conquête et la misère moderne qui doit nécessairement en résulter. Dans le commerce et l'industrie, a dit l'orateur, la grande entreprise fait de plus en plus de progrès. Rien d’autre ne peut vaincre le colosse capitaliste que la social-démocratie, rien d’autre que le transfert des moyens de production à la société. C'est notre but ultime. Mais tout d'abord nous exigeons l'égalité politique. Nous connaissons le traitement différent qui est accordé au travailleur et au membre de la classe privilégiée. Ensuite, nous exigeons l'égalité sociale. Qui connaît la relation entre les travailleurs et les employeurs, sait qu’elle n’existe pas non plus. De plus, la social-démocratie est antimonarchiste et républicaine. Dès qu'un peuple devient majeur, la monarchie disparaît.

 

Nous nous désignons aussi comme des internationalistes. C'est pourquoi nous sommes nommés ennemis de la patrie. Nous sommes ennemis de la patrie des Junkers et des prêtres, et ennemis de la patrie de l'exploitation capitaliste, et j’aimerais suggérer que nous revendiquions le nom de "sans patrie" comme titre honorifique. Nous ne sommes pas du tout des adversaires de la politique mondiale et nous n’avons rien contre le fait que le marchand se rende en Chine pour y vendre ses marchandises. Tous les pays doivent être entraînés dans le développement de la civilisation. Mais nos gens ne doivent pas aller en Chine comme c’est le cas actuellement, comme des hordes de Huns!

 

L'orateur a ensuite critiqué avec une ironie mordante l’action du comte von Waldersee et les différentes notes de Bülow.

 

Bien sûr, nous avons aussi un Reichstag ! Nous avons une constitution ! Nous avons un droit d'approbation budgétaire! Mais ce Reichstag s'est prostitué vis-à-vis des partis majoritaires ; il s'est émasculé lui-même et il reçoit maintenant de la part du gouvernement le traitement qu'il mérite. L'orateur a alors décrit la politique usuraire des Junkers, qui exigent désormais du gouvernement une taxe douanière sur les céréales pouvant aller jusqu'à 10 marks en récompense de leurs loyaux services lors du vote du budget pour la marine, ce qui représente environ 86 marks pour une famille de cinq personnes. L'orateur a également fustigé les prix usuraires pour le charbon et le logement, la politique des pachas, à laquelle le Reich doit s'opposer, puis a poursuivi : Nous voulons conquérir ce qui peut être obtenu avec les moyens que nous donne la constitution. Il n'y a aucun doute : nous gagnerons la campagne électorale. Mais ce qui compte pour nous lors cette élection, c’est de manifester. C'est pourquoi chacun doit se transformer en agitateur et veiller à ce que le jour de l'élection, nous apparaissions avec un nombre écrasant de voix.

 

(Traduction Dominique Villaeys-Poirré août 2021. Merci pour toute amélioration de la traduction)

Guillaume II. prononce son discours devant les troupes rassemblées.

Guillaume II. prononce son discours devant les troupes rassemblées.

Extrait du discours de Guillaume II.

Deux versions existent de ce discours, celui diffusé par l'empire dans la presse avait été édulcoré en particulier ce passage :

« Quand vous aborderez l’ennemi, pas de quartier ! Que quiconque tombera entre vos mains soit un homme mort ! 

Comme il y a plus de mille ans, les Huns, sous leur roi Attila, se sont fait le renom qui les montre aujourd’hui encore redoutables dans la légende ; de même puisse, grâce à vous, dans mille ans encore, le nom allemand faire, en Chine, une impression telle que jamais plus un Chinois n’ose regarder un Allemand, même de travers ! »

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19 février 2022 6 19 /02 /février /2022 00:19
Karl Liebknecht et l'impérialisme au Maroc - 1911 "Pour nous, le mot d’ordre de fait est « La lutte sur terre ! » et non « la paix sur terre ! "

Citations

"Lorsque nous disons “Paix sur la terre!”, nous l’entendons de manière différente que ces curés qui ont l’habitude de prêcher cela de manière hypocrite du haut de leur chaire. Nous ne sommes pas un parti de la paix dans le sens  où nous souhaiterions que l’humanité toute entière, dans l’état actuel des choses, soit composée exclusivement de gentilles petites sœurs, assises ensemble, buvant du café et mangeant des gâteaux. Nous savons bien au contraire qu’il n’y a pas de salut à notre époque en dehors de la lutte.  Pour nous, le mot d’ordre de fait est « La lutte sur terre ! » et non « la paix sur terre ! » Mais la lutte que nous voulons mener, elle doit être et elle est un combat pour le bien de tous ; c’est le combat pour la libération de l’humanité des chaînes de l’exploitation capitaliste et des entraves de l’oppression politique."

 

"Nous, sociaux-démocrates, savons que notre politique intérieure et extérieure est dictée par les conditions économiques et que ce sont elles qui déterminent le destin des peuples."

 

"Le capitalisme n’a pas exploité les formidables avancées techniques du monde moderne pour créer de l’espace pour tous, pas pour le bien commun, mais pour son propre intérêt et seulement pour créer de nouvelles sources de profits. En conséquence, de larges masses vivent encore  dans le besoin et la misère malgré les immenses richesses que le capitalisme amasse."

 

Karl Liebknecht a consacré plusieurs discours ou articles à l'agression impérialiste coloniale au Maroc.

 

15 juillet 1911 : Une guerre mondiale pour le Maroc Ein Weltkrieg um Marokko?

16 juillet : Les peuples sont les garants de la paix mondiale Die Völker, die Arbeiter sind Hüter des Weltfriedens

 

12 août 1911 : Marokko-Hundtagspolitik Marokko-Hundstagspolitik

13 août 1911 : Le Maroc et la classe ouvrière, discours à Göppingen Marokko und die Arbeiterklasse

3 septembre 1911 : Le socialisme, c'est la paix. Manifestation des travailleurs berlinois pour la paix „Der Sozialismus ist der Friede"

Mi-septembre 1911 : au Congrès du Parti social-démocrate d'Allemagne à Iéna :

. Contre la politique au Maroc des impérialistes allemands (12) Gegen die Marokkopolitik der deutschen Imperialisten

. La jeunesse en mouvement malgré tout (12) ... und die proletarische Jugend bewegt sich doch!"

26 septembre 1911 : A propos du Congrès de Iéna Über den Parteitag in Jena

14 septembre 1911: Pour des actions des masses contre la guerre Für Massenaktionen gegen den Krieg

 

 

Le jardin de la brasserie Dinkelacker

Le jardin de la brasserie Dinkelacker

 Une guerre impérialiste pour le Maroc?

"A la politique mondiale du capitalisme, le prolétariat oppose la politique mondiale du prolétariat mondial."

 

Discours tenu à Stuttgart le 7 juillet 1911, compte-rendu dans la Schwäbische Tagewacht (Stuttgart) et la Freie Volkszeitung (Göppingen), le 17 juillet 1911)

La traduction de ce texte est en cours de finalisation. En voici une première version. Dominique Villaeys-Poirré , le 20 novembre 2021

 

Lorsque le Dr. Karl Liebknecht, accueilli par des applaudissements enthousiastes, monta à la tribune placée au centre de la salle adjacente au jardin, la grande salle était bondée et la foule était dense dans le jardin de la brasserie Dinkelacker. Estimer à 6000 le nombre de participants ne devrait pas être excessif.

 

L’orateur a déclaré:

Si nous considérons notre politique étrangère officielle de ces dernières années, on a l’impression de se retrouver à la foire et l’on entend de tous côtés résonner chants, flutes et violons célébrant la paix, mais à certains moments la grosse caisse intervient et il apparaît que tous ces bruits en faveur de la paix n’étaient rien d’autre qu’un léger clapotis de surface. Nous, sociaux-démocrates, savons que notre politique intérieure et extérieure est dictée par les conditions économiques et que ce sont elles qui déterminent le destin des peuples. (Très juste !). L’affaire du Maroc n’est pas non plus une nouveauté pour nous sociaux-démocrates. En1906, la France et l’Allemagne se sont trouvées tout au bord de la guerre à cause du Maroc. C’était alors le ministre Delcassé – disait-on - qui avait menacé la paix mondiale par sa politique provocante. De longs efforts permirent d’éliminer ce point de discorde. Mais peu de temps s’écoula avant que de nouveau l’Afrique joue un rôle dans la politique extérieure en Allemagne. Depuis longtemps, la France menait une politique de pacification au Maroc. Nous avons pu remarquer que la diplomatie allemande s’est comportée autrefois avec calme face à cela, et lorsque l’Espagne intervint dans le conflit autour du Maroc, cette intervention fut condamnée par la diplomatie allemande. Mais à notre grande surprise, nous avons appris qu’une canonnière était apparue tout à fait soudainement devant le port d’Agadir et que l’Allemagne aussi voulait une part du gâteau marocain. La France et l’Espagne étaient des brigands aussi longtemps qu’elles étaient seules en cause pour le partage du gâteau, depuis que l’Allemagne essaie aussi, cela devient un devoir national, une politique mondiale nationale, dont dépendraient le bonheur et la prospérité du grand peuple allemand.

 

Il est intéressant d’étudier comment a été préparée cette action en Allemagne. On trouve toujours des raisons relevant du droit international. Elles tombent comme des fruits murs. Nous avons appris que l’Allemagne avait d’énormes intérêts matériels en Allemagne. Nous avons appris que les frères Mannesmann et quelques autres entrepreneurs capitalistes voulaient voir leurs intérêts représentés par la diplomatie allemande. Nous entendons parler de propriétaires fonciers, au profit desquels un navire de guerre a été mobilisé et l’incendie propagé au sein de la paix entre les peuples. Il ne s’agit pas d’une attaque fortuite et tout à fait soudaine. Notre capitalisme allemand appelle à corps et à cris des profits, des marchés, une Weltpolitik, l’expansion et là où il y a la moindre opportunité de s’emparer d’un butin, on trouve à l’œuvre des capitalistes allemands, tout comme les capitalistes des autres pays. Le capitalisme moderne ne peut pas se retrouver dans le mot du poète « il y a de la place pour tous sur la terre ». Le capitalisme n’a pas exploité les formidables avancées techniques du monde moderne pour créer de l’espace pour tous, pas pour le bien commun, mais pour son propre intérêt et seulement pour créer de nouvelles sources de profits. En conséquence, de larges masses vivent encore  dans le besoin et la misère malgré les immenses richesses que le capitalisme amasse. (Très juste !) Poussés par leurs classes capitalistes, les différents États se heurtent les uns contre les autres. De toutes parts, nous voyons dans le domaine de la Weltpolitik se développer la lutte pour une part du butin, au profit d’une mince couche de la société qui en tire ses profits. Il est donc compréhensible que  le prolétariat », ait été depuis toujours  un adversaire de la Weltpolitik internationale. La social-démocratie ne défend pas une politique de clocher mesquine ni une limitation absolue à l’espace intérieur étroit compris entre  barrières frontalières. Mais la politique mondiale capitaliste n’est pas menée pour le bien de l’ensemble de l’humanité, c’est une politique de classe ayant pour but de créer de plus en plus de possibilités d’exploitation par la classe capitaliste qui exploite déjà le peuple jusqu’au sang. A la politique mondiale du capitalisme, le prolétariat oppose la politique mondiale du prolétariat mondial. (Vifs applaudissements)

 

L’attitude de l’Allemagne est aussi d’un autre point de vue étrange. Lorsqu’il s’est agi de se partager le gâteau chinois, l’Allemagne était intervenue alors que la session du Reichstag avait expiré. Tous les appels au gouvernement de rappeler le Reichstag restèrent vains. Le financement fut validé a posteriori par les partis bourgeois, malgré la triste issue de la politique chinoise.  Les lauriers décernés à l’avance au comte Waldersee (forte hilarité) n’ont pas donné de fruits ; « Le partage du gâteau » n’a pas abouti. Au contraire, la vie s’est développée en Chine. Kiautcheou, le petit morceau du gâteau, qui est en possession de l’Allemagne, s’est avéré fort « maigre », si bien que personne ne se réjouit de sa possession, et que la question se pose de plus en plus sérieusement si ce ne serait pas mieux de le rendre. Le Reichstag s’étant séparé, la diplomatie a pu continuer  son action néfaste au mépris de la volonté du peuple tout entier.

 

C’est ce qui s’est passé aussi lors de la dernière affaire. Le gouvernement a attendu pour intervenir que le Reichstag et l’Assemblée des représentants de Prusse aient fini de siéger.  Comme pour la politique chinoise, des dépassements significatifs du budget seront aussi la conséquence des dernières mesures. Mais comme nous le lisons dans la presse bourgeoise, le gouvernement n’a pas à redouter d’opposition à ses dangereux agissements. Le seul parti à protester est la social-démocratie.

 

Mais un parlement siégeait encore lorsque fut inaugurée la dernière initiative du gouvernement impérial, un parlement dans un des États fédéraux qui se vante d’avoir une constitution plus libre que d’autres parties de l’Allemagne : l’État fédéral du Wurtemberg, dont on dit qu’il ne doit pas être jugé de la même façon que la Prusse ou les autres États fédéraux « semi-sauvages ». Toute l’Allemagne avait les yeux rivés sur le Landtag du Wurtemberg alors que la motion du parti social-démocrate devait être discutée. Qu’est-ce qu’exigeait cette motion ? Il s’agissait du bien et du sang du peuple allemand. Celui-ci a le droit de savoir ce qui va advenir de lui. Qui pourrait affirmer sérieusement que ces événements graves ne concerneraient pas le peuple ? Nous sommes devenus adultes. Nous ne nous laissons pas imposer de telles politiques (longs et vifs applaudissements !). Voyons ce qui se passe en France. Là-bas, le parlement a le droit de débattre. Là-bas, le gouvernement à dû s’expliquer. Même en Hongrie, un État semi-asiatique, le gouvernement a dû expliquer et subir les questions du soi-disant parlement hongrois. Et qu’avons-nous vécu au parlement wurtembergeois ? Une comédie des plus lamentables, une invraisemblable insulte faite au peuple. Le gouvernement s’est retranché avec un sourire narquois derrière le règlement qui permet de répondre à une interpellation que s’il le souhaite et fait du droit d’interpellation une farce (cris). Les partis bourgeois ont été suffisamment insolents pour ricaner lors de la prise de parole des sociaux-démocrates. S’étaient bien trompés ceux qui pensaient que l’on pouvait cacher par une feuille de vigne la honte de l’absolutisme, que l’on pouvait étendre un peu de baume venu du sud sur les blessures de la politique extérieure allemande. Au lieu de voir  la douleur apaisée, la blessure a été rouverte et  toute la dérision de nos constitutions allemandes est apparue de la façon la plus claire qui soit.  Celui qui pense que l’on peut à partir du Sud combattre la réaction en Prusse allemande, se trompe. Chez nous, dans le nord, nous devons combattre contre les Junker et la réaction, chez vous, au sud, vous qui savez que votre cause est la nôtre, vous devrez nous aider dans le combat pour le droit de vote, qui est le combat politique le plus important que la classe ouvrière doit mener.

 

Lors de la dernière affaire, nous voyons de nouveau, se répéter encore et encore le même jeu. Tant que nous ne mettrons pas ces messieurs à genoux, tant que nous ne leur fermerons pas les yeux, nous ne pourrons attendre d’amélioration de la situation (applaudissements enthousiastes). Les derniers événements montrent une petite dose de bonapartisme. Jamais, notre régime de junkers prussien ne s’est aussi radicalement ridiculisé que ces derniers jours, lorsque l’assemblée des représentants de Prusse fut chassée comme un troupeau de moutons, et que deux sociaux-démocrates ont pu la domestiquer à tel point qu’elle en perdit et la vue et l’ouïe. La lutte sur le droit de vote recommença a éveiller l’intérêt du peuple. Il s’agissait donc de détourner l’attention du peuple, de faire résonner les tambours, d’enfouir  toute velléité de libération dans un océan de chauvinisme et de patriotisme. A la recherche depuis des mois d’un slogan unificateur contre la social-démocratie pour les prochaines élections, la demande de quelques feuilles des junkers et des capitalistes  de susciter des différends en politique extérieure pour créer un enthousiasme national pour les prochaines élections était bienvenue.. Les différences actuelles suscitées par l’affaire marocaine ne sont rien d’autre que la tentative de pouvoir tondre plus facilement le peuple.  Le gouvernement s’est cependant trompé dans cette affaire. Le Delcassé de 1911 est Mr Kiderlen-Wächter. Il a par cette manœuvre maladroit dressé tout le monde civilisé contre l’Allemagne. La France, la Russie, l’Angleterre, l’Espagne sont contre l’Allemagne. L’Italie a déjà fait son petit tour dans lors des négociations d’Algésiras et elle continuera à danser. Et même la fidélité si vantée des « Niebelungen » dont, en 1906, avait témoigné l’Autriche-Hongrie pour le gouvernement allemand, a disparu aujourd’hui, si bien que l’Allemagne se retrouve dans un « splendide » isolement. Nous nous retrouvons face à un monde d’ennemis, que nous devons au cliquetis des sabres de M. Kiderlen-Wächter.

 

L’orateur a ensuite évoqué en quelques mots l’attitude adoptée par le gouvernement impérial face aux limitations des armements proposées par d’autres Etats. Les déclarations de Bethmann Hollweg émises à cette occasion  ont lancé dans le monde un détonateur dangereux. Et maintenant, nous voyons le philosophe Bethmann Hollweg se draper dans la pose du démocrate. Ce même Bethmann Hollweg a donné à l’Alsace-Lorraine un système électoral démocratique, alors qu’il avait prétendu lors des débats sur le projet de loi électorale en Prusse, que le droit de vote universel, égal et direct conduirait au nivellement. Lorsque l’on prétend maintenant que la social-démocratie aurait poursuivi une politique de gouvernement, ceci est une expression inexacte. (Vifs applaudissements. Très juste !). D’où vient chez Bethmann Hollweg ce besoin de démocratisation de l’Alsace-Lorraine ? D’où vient cette décision d’ôter l’aiguille plantée dans le corps alsacien-lorrain. Bethmann Hollweg sait bien, qu’il serait bien plus difficile de mener une action contre la France avec une Alsace-Lorraine hostile plutôt que réconciliée. Il existe une forte présomption que l’attitude  du chancelier n’a d’autre but que de faciliter la continuation de l’expansion de la politique mondiale d’agression contre la France du gouvernement allemand.

 

Nous arrivons à la conclusion que le gouvernement allemande a joué un jeu léger avec les intérêts du peuple allemand, en essayant brusquement de poser son poing ganté d’acier sur le Maroc. (Vifs applaudissements). Mais nous sommes persuadés et le disons à nouveau, le Maroc ne vaut pas le sacrifice d’un seul ouvrier allemand (Vifs applaudissements). Nous ne participerons pas à cette politique du gouvernement allemand. (Applaudissements) Nous voulons mettre en jeu notre pouvoir, pour empêcher le gouvernement d’avancer sur la voie empruntée. Nous savons que nous sommes  d’accord en cela avec les autres partis sociaux-démocrates des autres pays. Nos camarades en France  n’ont pas hésité un instant à dénoncer la politique française d’expansion et de rapine, car il  ne s’agit de rien d’autre qu’une politique internationale d’expansion et de rapine. Nous avons un ennemi commun, c’est le capitalisme, la réaction capitaliste qui pèse tout particulièrement et si fortement sur l’Allemagne. Vaincre le capitalisme international est notre devoir le plus élevé. Mais il ne peut être vaincu que par le prolétariat international, qui face à l’exploitation internationale, voit que son ennemi ne connaît pas les frontières. (Exact !) Nous ne faisons qu’un avec nos frères travailleurs français, nous ne laisserons pas diviser (Vifs applaudissements) Nous voulons être un peuple unique de frères et ne jamais nous diviser dans quelque détresse et quelque danger que ce soit.

 

Le camarade Westmeyer, président de la réunion, prit la parole après que l’orateur a terminé son discours, pour expliquer que le gouvernement wurtembergeois n’ayant pas jugé utile de répondre à l’interpellation de la fraction social-démocrate du Landtag et refusé de donner une réponse au peuple, les 6000 présents aujourd’hui diront au gouvernement ce qu’ils pensent d’une telle politique. Nous ne voulons pas de massacre, nous tendons aussi une main fraternelle à nos frères de l’autre côté de la frontière. Nous voulons donner  notre sang et nos biens  pour maintenir notre civilisation mais nous ne voulons pas sacrifier notre corps pour des Mannesmann&Co. Il lit alors la résolution suivante :

« Les 6000 personnes réunies salle Dinkelacker le 15 juillet proteste avec force contre l’ingérence de l’Allemagne au Maroc, aventure coloniale légère et dangereuse, de nature à détériorer les relations entre l’Allemagne et la France, d’augmenter le poids de l’exploitation et de l’oppression des travailleurs et provoquer les horreurs d’une guerre mondiale. Elles condamnent avec la plus grande fermeté cette entreprise aventureuse, aussi parce qu’elle a été entreprise sans consultation et accord du côté du Reichstag, en  éliminant le Parlement et constitue de ce fait une fuite en avant du régime personnel. Les personnes rassemblées élèvent de ce fait la plus vive des protestations contre le mépris avec lequel a été répondu à l’interpellation du groupe social-démocrate du Landtag du Wurtemberg, de même que contre l’attitude des partis bourgeois, qui se sont rendus complices de nouveau du gouvernement et ont ainsi réduit l’importance de la représentation populaire. Les personnes rassemblées indiquent en accord avec les prolétaires conscients d’Allemagne et de France que pas un homme, pas un sou ne doit être donné pour cette aventure marocaine. Elles expriment leur conviction qu’il est du devoir de la classe ouvrière des deux pays de s’opposer avec tous les moyens à leur disposition à une guerre fratricide. 

L’assemblée considère l’intermède marocain au Maroc comme un fruit de la politique coloniale capitaliste. Derrière le mot d’ordre de la grande Allemagne, celle-ci cherche à prolonger l’existence de l’ordre capitaliste menacé par les antagonismes économiques et sociaux en élargissant à l’échelle internationale la sphère de l’exploitation et de l’oppression. Les bénéficiaires de cette politique coloniale sont de petites cliques d’exploiteurs, ceux qui en supportent la charge les larges masses exploitées. Elle est très consciente que la politique mondiale, caractérisée par le meurtre et le pillage veut de plus détourner l’attention des masses laborieuses de la politique nationaliste hostile au peuple et de ses conséquence inévitables, le militarisme et le marinisme, de même que le régime personnel. Les personnes rassemblées indiquent qu’elles maudissent de la manière la plus énergique et fondamentalement cette politique. Et lui opposent les exigences d’une grande politique de réforme et d’une démocratie  conséquente, qui n’est défendue en Allemagne que par la social-démocratie, et dont l’élément central est actuellement en Prusse la conquête du droit de vote universel, égal, secret et direct de tous les citoyens majeurs sans différence de sexe. »

L’imposante assemblée  a été alors close. Et les participants se séparèrent en entonnant une Marseillaise ouvrière.

Karl Liebknecht et l'impérialisme au Maroc - 1911 "Pour nous, le mot d’ordre de fait est « La lutte sur terre ! » et non « la paix sur terre ! "

Le Maroc et la classe ouvrière

 

Discours tenu à Göppingen le 13 août 1911. (Compte-rendu de presse. La traduction est en cours, ici le début du discours de Karl Liebknecht. Dominique Villaeys-Poirré, le 23 novembre 2021

 

La manifestation en faveur de la paix d’hier s’est transformée en une manifestation d’une ampleur et d’une détermination jamais vue à Göppingen. Des vagues et des vagues de participants ont afflué à partir de 13 heures dans le Schockenseegarten et sur les pelouses. Les travailleurs de Göppingen n’étaient pas les seuls à être apparus en masse, des travailleuses et travailleurs étaient venus en masse des vallées et collines environnantes. La foule -  hommes et femmes – occupait le jardin jusqu’au lac, elle se tenait au coude à coude malgré le soleil de plomb impitoyable régnant sur la pelouse non ombragée. La foule était estimée à environ 5000 personnes. Mais le prolétariat n’était pas seul à la manifestation. Le parquet manifestait lui aussi, pas en la personne du procureur général, contre lequel le « Reichspost » s’était déchaîné, mais un auxiliaire de police et un quelconque agent de la police secrète assuraient cette fois la « surveillance » de la réunion.

 

A deux heures vingt, le Président ouvrit le meeting. Vous savez tous, a-t-il expliqué qu’un vent de tempête guerrière souffle actuellement sur toutes les villes et les districts. Nous nous sommes réunis aujourd’hui pour protester énergiquement contre la guerre, les massacres, contre l’impérialisme.

Nous savons, que cette année on entend dire du haut des chaires de l’ensemble du monde civilisé les mots : "Nous voulons faire régner la paix sur terre !" Et c’est pourquoi nous protestons aujourd’hui de toutes nos forces contre les machinations de notre gouvernement et contre la classe dominante, à l’origine de l’incitation à la guerre. (Applaudissements)

Le président a ensuite donné la parole au Dr Karl Liebknecht, qui, à son arrivée, a été accueilli par des tonnerres d’applaudissements, sur le thème :

 

Le Maroc et la classe ouvrière.

 

Lorsque nous parlons de la “Paix sur la terre!”, nous l’entendons de manière différente que ces curés qui ont l’habitude de prêcher cela de manière hypocrite du haut de leur chaire. Nous ne sommes pas un parti de la paix dans le sens  où nous souhaiterions que l’humanité toute entière, dans l’état actuel des choses, soit composée exclusivement de gentilles petites sœurs, assises ensemble, buvant du café et mangeant des gâteaux. Nous savons bien au contraire qu’il n’y a pas de salut à notre époque en dehors de la lutte.  Pour nous, le mot d’ordre de fait est « La lutte sur terre ! » et non « la paix sur terre ! » Mais la lutte que nous voulons mener, elle doit être et elle est un combat pour le bien de tous ; c’est le combat pour la libération de l’humanité des chaînes de l’exploitation capitaliste et des entraves de l’oppression politique.

 

Ce combat n’est mené que par notre parti et il est mené vers différentes directions. Nous luttons dans les différentes occasions contre les divers excès de l’ordre social actuel. L’un d’eux est la politique coloniale, l’impérialisme qui marque notre époque. Cet impérialisme qui est certainement l’un des traits les plus caractéristiques et les plus importants de notre époque.

Ce n’est pas par l’effet du hasard, ce n’est pas du fait de la volonté de quelque individu insouciant et borné, que la société actuelle a été entraînée par le maelstrom du militarisme, vers le maelstrom de l’impérialisme et du marinisme et que la politique mondiale est devenue aujourd’hui le mot d’ordre de la politique de tous nos États capitalistes. C’est un effet du caractère capitaliste de notre ordre social.

 

Le capitalisme a ceci de particulier – et c’est ce qui caractérise sa nature – qu’il place les moyens d’acquérir des biens, dans les mains de quelques individus appartenant à une classe réduite de la société, qui se sont emparés ainsi du pouvoir sur le grandes masses de la population, que c’est de ce fait entre les mains de ces individus que vont le produit principal et les profits né de tout le travail accompli sur terre, et que ces petits cercles accumulent des richesses qui dépassent ce que l’être humain a pu imaginer. Tous les fantasmes des Mille et une nuits ne sont rien comparés aux richesses fabuleuses qui se trouvent dans les mains des rois, empereurs et tsars de la classe capitalistes. A ces richesses d’une part s’oppose de l’autre la misère noire des grandes masses de la population. 

 

Mais de par sa nature, le capitalisme n’est pas en mesure de distribuer le surplus de richesses qu’il produit à ceux qui dans le propre pays en ont le plus besoin, à ceux qui ont faim et soif et qui n’ont pas de quoi couvrir leur nudité, le capitalisme est avide de profits et ne peut rien offrir tant qu’il reste capitalisme, et parce qu’ils ne veut rien donner, il laisse les pauvres de son pays, qui ne peuvent pas payer, mourir de faim et de soif et aller dans leur nudité, et il utilise les biens excédentaires, qu’il s’est appropriés, hors de ses frontières, pour rechercher de l’autre côté des frontières les opportunités de faire de nouveaux profits et d’entasser des richesses de plus en plus haut – jusqu’à ce que finalement les différentes couches capitalistes des différents États se heurtent les unes aux autres et n’aient plus d’espace entre eux sur terre, si bien qu’ils en viennent à se couper mutuellement l’herbe sous les pieds. Ils se battent alors pour de nouveaux territoires pour leurs débouchés, pour des territoires particulièrement fertiles et dotés en ressources naturelles. Ils combattent brutalement les peuples primitifs. La vie et le moteur de la vie du capitalisme, c’est le profit. Écoutez comme partout à notre époque résonne l’appel au butin, l’appel vers les possessions coloniales. L’Allemagne est entrée dans le cercle des États coloniaux, et après que dans les différents coins du monde et aux confins de la terre déjà, des conflits ont éclaté entre les différentes puissances occidentales impérialiste, après que nous en avons terminé avec l’aventure chinoise, et après que des conflits particulièrement violents se sont produits en Afrique, maintenant, et depuis de longues années, se retrouve au centre de ces conflits africains, le Maroc, un pays qui, au sens colonial, est l’un des plus prometteurs que l’Afrique possède.

Il n’est donc pas étonnant que les différents Etats capitaliste aient leurs yeux justement rivés sur le Maroc ...

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17 février 2022 4 17 /02 /février /2022 13:27

Voir ce documentaire, c'est se demander quelle brisance peut avoir l'action et la pensée même de Rosa Luxemburg pour avoir été ainsi interdit de diffusion. Il constitue aujourd'hui le témoignage visuel le plus achevé sur la pensée, l'action, la vie de Rosa Luxemburg

Une écriture cinématographique et littéraire d'exception

Mais c'est aussi rester admirative/tif pour la qualité d'un documentaire joignant les analyses de fond (on n'est pas obligé de toutes les partager, elles sont significatives de la période), à un scénario et à une écriture cinématographique et littéraire d'exception.

La lecture des textes

La lecture des textes par Françoise Brion redonne toute la force et la sensibilité de la pensée et de l'écriture de Rosa Luxemburg. Et ce devait être une des premières fois où l'on entendait ainsi par son intermédiaire la voix même de Rosa Luxemburg

Interventions

Les interventions des intellectuels spécialistes de Rosa Luxemburg, Iréne Petit et Gilbert Badia, les moments de discussion, la présence étonnante de Georges Hourdin arrivent en contre-point des textes rythment les étapes du documentaires(Réforme sociale ou révolution, Grève de masse, parti et syndicat, L'Accumulation, la Révolution russe).

On est bien loin du dernier documentaire d'Arte, qui trahit allègrement la pensée et l'action de Rosa Luxemburg par le choix des intervenants, les vérités assénées, et la mise au centre de la phrase tant aimée des réformistes sur la liberté en démocratie (transférée sur la démocratie bourgeois).

Berlin

Mais il y a une double construction dans ce documentaire, et la deuxième est le suivi dans le Berlin d'aujourd'hui du déroulement de la vie de Rosa Luxemburg. 

Notre patrimoine

Documentaire complet, il est le témoignage du travail de Marcel Blüwal. A tous ces titres, ce documentaire fait partie de notre patrimoine.

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16 février 2022 3 16 /02 /février /2022 12:06
Un texte inédit en français de Rosa Luxemburg : L’indépendance polonaise et la cause ouvrière (1895) - chapitre 1. Sur le site  Matière et révolution.
IMPORTANT

Un texte inédit en français de Rosa Luxemburg : L’indépendance polonaise et la cause ouvrière (1895) - chapitre 1

Traduction de la couverture :

La Bibliothèque social-démocrate -  II - L’indépendance polonaise et la cause ouvrière - écrit par Maciej Rozga - recommandé par la direction Social-démocrate du Royaume polonais - Editions de La Cause Ouvrière - 1895

Les intertitres ont été ajoutés, ils ne sont pas de R.L Toute amélioration de cette traduction sera la bienvenue. Le texte polonais original complet est disponible ici

Chapitre 1 : Ce dont nous allons parler dans cette brochure.

Une misère sans fin

Il n’y a à peu près plus de travailleur polonais qui ne ressente pas aujourd’hui combien sont insupportables sa situation et l’injustice qu’il subit. Ici, des hommes travaillent dur de l’aube au crépuscule, et à peine ont-ils assez d’argent pour acheter du pain, tandis que d’autres qui toute leur vie ne lèveront pas le petit doigt pour travailler nagent dans l’abondance et la richesse. Ici, un homme est traité comme un serviteur par tout le monde, alors que là encore, une poignée d’oisifs prennent de grands airs et donnent des ordres. Et encore, quand il n’y a plus de travail, quand pendant des semaines on doit aller d’usine en usine, se prosterner, demander la charité - pour se placer en fait sous le joug du Capital ! C’est alors qu’on en a assez de l’humiliation, de la misère et du désespoir...

Que faire pour sortir de ce misérable état de gueux et d’esclave ? C’est ce à quoi pensent des milliers de travailleurs polonais, se prenant la tête pour trouver un moyen de sortir de leur situation.

L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes

Heureusement, beaucoup d’entre nous ont déjà repris leurs esprits et savent ce qu’il faut faire. Ils ont finalement compris que ni Dieu ni aucune âme vivante n’aideront le travailleur s’il ne prend pas lui-même sa lutte en main. La lutte entre le travailleur et ceux qui sont enrichis par son travail dure depuis des années. Et c’est là le plus important ! Dès que les travailleurs ont cessé de compter sur la miséricorde de Dieu, dès que l’humilité et l’indifférence ont disparu, alors le travail est à moitié fait. Nos travailleurs n’abandonneront pas la lutte, tant qu’ils ne parviendront pas à une libération complète.

La lutte de classe a besoin d’une science

Mais l’autre moitié du travail consiste maintenant en ce que les travailleurs sachent parfaitement comment ils doivent combattre, ce qu’ils doivent faire pour améliorer leur sort. Il n’est pas aussi facile qu’il y paraît de trouver les bons moyens de lutter. La situation du travailleur est très dure et des obstacles se dressent devant lui à chaque étape. Alors il fait des tentatives de ce côté-ci puis de ce côté-là, et commet parfois diverses erreurs, ne pouvant pas trouver tout de suite la vraie cause du mal.

La lutte économique est nécessaire mais subordonnée à lutte pour le socialisme

Par exemple, dans notre pays, plus d’un travailleur pense avoir déjà tout fait pour sont salut, lorsqu’il s’est associé à des collègues de l’usine ou du même métier, a constitué une caisse et s’est mis en grève avec les autres pour des salaires plus élevés ou une journée de travail plus courte. Mais un tel travailleur a tort.

Il est vrai que les caisses professionnelles d’aide mutuelle, les grèves, ainsi que l’augmentation des salaires, sont tous excellents pour les affaires des travailleurs ; on ne peut pas se passer des luttes professionnelles. Mais le monde ne se limite pas à cela. Les travailleurs doivent savoir à l’avance que la délivrance complète de la pauvreté et de la dépendance sera acquise seulement que lorsqu’ils n’auront plus besoin de vendre leur travail pour du pain, lorsque qu’ils confisqueront aux capitalistes et prendront pour eux-mêmes tous les moyens de production, c’est-à-dire lorsque sera établi une société socialiste . De cela également nous parlerons plus loin dans cette brochure.

Mais même cela ne suffit pas encore pour que le travailleur mène la lutte professionnelle et s’efforce d’établir le socialisme. Le travailleur doit encore comprendre comment lutter pour le socialisme. Nous allons l’expliquer à l’aide d’un exemple, parce qu’il est préférable de regarder ce qui s’est déjà produit ailleurs avec les travailleurs et utiliser leur expérience.

L’expérience du mouvement ouvrier anglais

En Angleterre, les ouvriers sont entrés dans la lutte il y a près de cent ans. Ils ont pensé pendant longtemps qu’il fallait seulement lutter contre les propriétaires d’usines individuels pour de meilleurs salaires et un temps de travail plus court, et que tout irait bien. Mais ici ils ont rencontré un grand obstacle : leur propre gouvernement. Le gouvernement anglais leur interdit d’établir des caisses de solidarité, les a arrêtés pour faits de grève, les mit en prison pour participation aux syndicats. Les travailleurs ont pris conscience qu’ils n’iraient pas très loin et durent se dirent se dire : nous avions eu tort. Nous n’obtiendrons pas grand-chose des propriétaires d’usines, parce qu’ils ont comme soutien le plus puissant le gouvernement, le pouvoir. Il est nécessaire de se battre avec le gouvernement pour divers droits et libertés, nous devons mener une lutte politique.

Cette situation des travailleurs d’Angleterre de l’époque est la même dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Notre gouvernement est aussi le plus grand défenseur de nos exploiteurs, et nous devons diriger notre lutte également contre le gouvernement, nous devons lutter pour un certain nombre de droits politiques.

Le pouvoir du Tsar est le soutien des capitalistes

Le gouvernement tsariste ne nous a-t-il pas prouvé à plusieurs reprises qu’il est notre ennemi mortel, qu’il ne nous permet pas non plus de mener la lutte pour nos intérêts professionnels ou pour le socialisme ? Que s’est-il passé à Zyrardow ? en mai 1891, lorsque les cosaques, sur ordre du du gouvernement ont battu les travailleurs avec des nagaïkas ? Que s’est-il passé à Lodz en mai 1892, lorsque des ouvriers, des femmes et des enfants se sont fait tirer dessus pour avoir revendiqué la journée de 8 heures ?

Et maintenant, si vous tournez votre regard vers Zyrardow, quelle persécution contre les des travailleurs ! Et à Varsovie tous les jours des arrestations ! C’est le gouvernement qui nous instruit constamment d’une voix forte qu’il est notre ennemi et qu’il se tient du côté des capitalistes. Ce serait une erreur pour les travailleurs polonais de ne pas comprendre qu’ils doivent se battre contre un tel adversaire. Par conséquent, tout travailleur qui veut se libérer du joug du capital, doit se dire : ma tâche est de lutter contre les propriétaires d’usines et en même temps de mener contre le gouvernement une lutte politique.

Et maintenant, est-ce que nous comprenons déjà quelles sont nos tâches et nos moyens ? Nous savons, premièrement, que notre salut complet réside dans le fait d’enlever aux capitalistes les terres et des usines, en instaurant le socialisme .

Nous savons, deuxièmement, qu’en attendant, pour améliorer notre sort, il est nécessaire de mener une lutte professionnelle contre les exploiteurs individuels.

Nous savons, troisièmement, que tant dans notre lutte professionnelle que dans celle pour le socialisme nous sommes entravés par le gouvernement actuel et qu’il est nécessaire de mener contre le pouvoir une lutte politique.

Le plan de lutte du parti social-démocrate

Eh bien, savons-nous déjà tout ce qu’il faut ? Non, pas du tout, parce que nous ne savons pas encore en quoi consiste la lutte contre le pouvoir, ce qu’est la lutte politique. C’est difficile à deviner - diront beaucoup de travailleurs. C’est pourtant simple : le gouvernement interdit les grèves ? Luttons pour le droit de grève. Le gouvernement interdit la création d’une caisse de solidarité ou d’un syndicat ?
- luttons pour les droits syndicaux. Le gouvernement ne vous permet pas de vous réunir et de discuter de la cause des travailleurs ? Exigeons la liberté de réunion et la parole. Le gouvernement fait des lois à son profit de manière complètement arbitraire ? Exigeons qu’aucune loi ne soit promulguée sans notre consentement, et ainsi de suite.

En effet, c’est la pure vérité. C’est également ce que dit dit le parti des travailleurs, la Social-démocratie. Il dit : nous devons forcer la porte du pouvoir pour qu’ils nous donne tous les droits et libertés que les travailleurs ont aujourd’hui dans tous les pays civilisés et qui sont appelés Constitution. La Constitution est nécessaire à la fois pour nous et pour les travailleurs russes, parce qu’ils souffrent eux aussi du même gouvernement tsariste. Nous devons donc, aux côtés des travailleurs russes, lutter ensemble contre gouvernement et pour la Constitution. C’est à une telle lutte politique que la Social-démocratie ne cesse d’appeler les travailleurs Et rien ne semble plus simple. Dans quel autre but les travailleurs polonais pourraient-ils lutter contre le gouvernement ?

La voie nationaliste des social-patriotes

Pourtant, il y a des gens qui disent autre chose. Ils disent que pour leur salut, les travailleurs polonais ne devraient pas se battre aux côtés avec les travailleurs russes pour une constitution, mais devraient séparer le royaume polonais de la Russie, l’unir avec la Galice et la Poznanie, pour former un gouvernement national polonais. et construire un État polonais indépendant. C’est dans la reconstruction de la Pologne - disent ces gens - que se trouve la voie du salut des travailleurs polonais. Les gens qui s’expriment ainsi sont des social- patriotes, qui s’appellent eux-mêmes le « Parti socialiste polonais ».

Les travailleurs doivent penser par eux-mêmes

A présent les travailleurs devraient réfléchir attentivement à ce qu’ils doivent répondre. La restauration de la Pologne peut-elle libérer les travailleurs de la misère et de l’esclavage ? Les travailleurs sont-ils en état reconstruire la Pologne ? Tout cela est très important. Chaque travailleur polonais devrait réfléchir à ces questions et toujours savoir répondre à de telles interrogations. Car que se produira-t-il si un travailleur ne pense pas par lui-même ? L’un viendra lui dire : va à droite. Un autre viendra et lui dira : va à gauche. Et le travailleur sera comme perdu dans une grande forêt et laissera l’un ou l’autre le mener par le bout du nez. Il en ira tout autrement, si vous considérez chaque chose, y réfléchissez par vous-même, et ne croyez personne sur parole. Ce n’est qu’alors que le travailleur saura, au moyen sa propre tête, s’il doit aller à droite ou à gauche. Donc nous allons considérer dans cette brochure les questions suivantes :

  • une « Pologne indépendante » peut-elle complètement libérer les ouvriers de la pauvreté et de l’esclavage ?
  • Ou du moins, est-ce que cela peut atténuer de manière significative notre misère actuelle ?
  • ou, enfin, est-il possible de reconstruire une Pologne indépendante ?
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15 février 2022 2 15 /02 /février /2022 19:19
A ta santé Noske! La jeune révolution est morte.

A ta santé Noske! La jeune révolution est morte.

"Dans l’ensemble du discours de Noske, il n’y a pas un mot sur le caractère de lutte de classe de la social-démocratie.

Il n’est pas souligné que nous combattons le militarisme comme un instrument de classe servant l’intérêt des classes dominantes.

Pas un mot sur la solidarité internationale, comme si les tâches de la social-démocratie cessaient d’exister au poste frontière noir, blanc, rouge.

Tout le discours n’est qu’une référence continue au patriotisme, dans l’esprit de "Vive l’Allemagne". Il manque tout accent mis sur notre position de principe, et c’est pourquoi il a rencontré à juste titre un rejet catégorique."

Karl Liebknecht, Congrès de Essen, 1907

15 janvier1919, la social-démocratie réformiste, avec Noske,  combat les aspirations révolutionnaires, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés. En 1907 déjà, Liebknecht combattait Noske, déjà sur sa défense de l'armée.

Intervention de Karl Liebknecht en réponse à Gustav Noske au Congrès de Essen, 1907 (1)

 

"Je ne suis en aucun cas un adepte de la division et je pense également que la critique ne doit pas sortir de leur contexte des mots isolés d’un discours. Mais ce n'est pas le cas en l'espèce. Le discours de Noske n'était pas l’un de ses innombrables discours tenus dans un meeting. Noske a parlé en tant que représentant de la social-démocratie au Reichstag, et bien sûr une norme stricte doit être appliquée à de tels discours, qui ont un caractère d’autorité.

 

Je suis d’avis que Noske, dans son discours, comme Bebel dans une certaine mesure, était sous l'influence déprimante de l'échec électoral. ("Très juste !") Tous les débats d'alors n’ont pas véritablement fait honneur à notre parti. Et Noske est celui qui a cédé le plus largement au battage nationaliste qui a marqué cette élection et auquel nous devons sans aucun doute nombre de nos échecs.

 

D’après ce qu’il a déclaré dans son introduction, Noske voulait clarifier les efforts que nous faisons pour courir derrière le militarisme et réfuter « les interprétations invraisemblables et invraisemblablement fausses » concernant ces efforts. Quelles sont ces interprétations incroyablement fausses ? Noske souligne à plusieurs reprises et avec force dans son discours que la social-démocratie est bien loin d’exiger la disparition de l’armée. Dès le début, il dénonce cela comme une insinuation, comme si nous serions sur la position du tout ou rien en matière militaire et il poursuit : Quand cela est-il jamais venu à l’esprit  d’un social-démocrate d’exiger la suppression brutale de l’armée ? Il souligne toujours que dans ses revendications, la social-démocratie prend en compte le maintien des capacités de défense de la nation.  Cet accent mis constamment sur la nécessité pour l’Allemagne de rester armée, on devrait le laisser aux membre des associations de défense du militarisme.

 

Entre autres choses, Noske exige que l’on restreigne les fanfares militaires. Mais même dans ce cas, il estime nécessaire d’assurer que ces restrictions ne doivent pas aller au-delà de ce qui est possible sans entraîner une diminution de la capacité d’agir de l’armée. (rires) En outre, Noske rejette l’affirmation de ses adversaires selon laquelle la social-démocratie ne voudrait pas du tout qu'il y ait des soldats. « Jamais la social-démocratie a appelé à la suppression de l’armée ! ». Il poursuit : « Naturellement, un État ne peut pas songer seul à désarmer. Si nous reconnaissons qu’il est tout à fait exclu que l’Allemagne entame actuellement le désarmement, alors ce qu'il faudrait, c'est nous retourner contre l’éternelle course aux armements.

 

J’admets volontiers que si l’on s’en donne la peine, on peut trouver dans ces mots une ligne de pensée juste, mais l’accent mis en continu sur la nécessité pour l’Allemagne d’être fortement armée est ce qui donne le ton au discours. Il ne s’agit pas du contenu logique des paroles mais du «ton digne des associations va-t-en guerre » qui caractérise ce discours.

 

Le ministre de la Guerre a cité un passage de ma brochure où je disais que les mauvais traitements dans l’armée étaient tout à fait de nature à permettre une critique fondamentale du militarisme. Une interjection de Bebel aurait désavoué ce passage - je ne sais pas si c’est le cas, le compte-rendu sténographique en fait état - , pourtant c’est un point de vue que notre parti a toujours défendu, pour autant qu’il se livre à une propagande antimilitariste. Naturellement Noske a lui aussi remis en cause ce point de vue pourtant logique.

Noske a rejeté en outre l’affirmation du ministre de la Guerre selon laquelle nous voudrions dégoûter les gens du service militaire. Afin de réfuter cela, il a affirmé que lors de trois congrès, la motion visant à faire de la propagande dans les casernes, aurait été rejetée à l’unanimité. Mais il n’y a jamais eu de motion présentée au Congrès pour la propagande dans les casernes. L’affirmation de Noske est donc aussi inexacte qu’imprudente. Pour le reste, il est vrai que nous voulons dégouter le prolétariat du dressage dans les casernes. Mais il faut juste se demander, comment et pourquoi.

Noske pense aussi que nous devons rejeter sans restriction l’accusation grave du ministre de la Guerre selon laquelle nous voulons saper la discipline dans l’armée. Il précise que nous exigeons aussi au sein du parti la discipline. Certes, mais nous nous réjouissons que la discipline au sein de l’armée ne soit pas aussi bonne qu’au sein de la social-démocratie (rires).

 

En ce qui concerne les guerres d’agression, poursuit Noske, nous – c’est-à-dire la social-démocratie et le ministre de la guerre - sommes absolument « du même avis ». « il n’y a pas de différence » - à savoir entre le ministre de la Guerre et Noske. (rires) C’est donc une calomnie mortelle que l’expression de guerre agressive, telle qu’il n’y en avait jamais eu jusqu’à maintenant, dieu soit loué, dans le parti.

 

Il termine son discours comme suit : « Nous souhaitons que l’Allemagne reste autant que possible en mesure de se défendre ». C’est ainsi qu’un social-démocrate termine son discours ?

 

Dans l’ensemble du discours de Noske, il n’y a pas un mot sur le caractère de lutte de classe de la social-démocratie. Il n’est pas souligné que nous combattons le militarisme comme un instrument de classe servant l’intérêt des classes dominantes. Pas un mot sur la solidarité internationale, comme si les tâches de la social-démocratie cessaient d’exister au poste frontière noir, blanc, rouge., Tout le discours n’est qu’une référence continue au patriotisme, dans l’esprit de "Vive l’Allemagne". Il manque tout accent mis sur notre position de principe, et c’est pourquoi il a rencontré à juste titre un rejet catégorique."

 

Traduction Dominique Villaeys-Poirré - Janvier 2022, merci pour toute amélioration de la traduction

15 janvier1919, la social-démocratie réformiste, avec Noske,  combat les aspirations révolutionnaires, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés. En 1907 déjà, Liebknecht combattait Noske, déjà sur sa défense de l'armée.

15 janvier 1919, assassinat de Karl Liebknecht et R. Luxemburg, comme la révolution à Berlin. C'est l’inadmissible aboutissement du combat du social-réformisme contre le courant révolutionnaire au sein de la social-démocratie en Allemagne. Noske, ministre de l'armée et de la marine joue un rôle essentiel. Déjà en 1907, Karl Liebknecht le combattait au Congrès de Essen. Déjà, il lui répondait sur sa conception de l’armée. A cette époque, Liebknecht s’est engagé dans le combat contre le militarisme qui prend une place de plus en plus importante dans l’Allemagne impérialiste et impérial. Il publie une longue analyse "Militarisme et antimilitarisme" qui le conduira en prison. Ce texte était principalement adressé à la jeunesse, comme un autre de ses textes « L’adieu aux recrues ». Car contre l'avis même du parti, il s’attache à mettre sur pied des organisations spécifiques de jeunesse. L'importance prise par l'armée dans la politique impérialiste de l'Allemagne et la nécessité pour cela de l'embrigadement des jeunes prolétaires fait que le pouvoir impérial suit avec crainte son action et l’emprisonne pour 18 mois sous l’accusation de haute-trahison. L'accusation s’appuiera sur certaines des interventions réformistes lors de ce congrès. Noske, lui, est à la même époque l'un des principaux tenants du réformisme.

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15 février 2022 2 15 /02 /février /2022 18:03
Un extrait de Réforme sociale ou Révolution? de Rosa Luxemburg disponible dès 1899 en langue française dans la revue Le Mouvement Socialiste.

Démocratie industrielle et Démocratie politique – Le Mouvement socialiste N° 11 – Juin 1899

 

Cet extrait de Réforme sociale ou révolution?" a été publié dans l'importante revue "Le Mouvement socialiste" en juin 1899, au moment même de sa parution en Allemagne et donc disponible en langue française très précocement. Il est disponible sur le site Gallica sous forme PDF, image et texte. Il était accessible sur le site Bataille socialiste sous sa forme PDF. Comprendre donne accès à sa version texte.

 

CRITIQUE DE BERNSTEIN(1)

Le socialisme de Bernstein se ramène à faire participer les ouvriers au développement de la richesse sociale et à transformer ainsi les pauvres en riches. Comment cela peut-il s'effectuer? Dans ses articles de la Neue Zeit, intitulés Problèmes du Socialisme, Bernstein ne laissait entrevoir que quelques indications à peine compréhensibles. Mais dans son livre, il nous fournit un éclaircissement complet sur cette question : son socialisme doit être réalisé par deux moyens, par les syndicats, ou selon l'expression qu'il emploie par la démocratie industrielle, et par les coopératives. Par les premiers, il veut s'en prendre au profit industriel ; par les seconds, au profit commercial.

Pour ce qui est des coopératives, et avant tout des coopératives de production, elles représentent, dans leur essence, au milieu de l'économie capitaliste, une forme hybride : une production socialisée en petit, dans un système d'échange capitaliste. Or, dans la société capitaliste, c'est l'échange qui domine la production et, par suite de la concurrence, pose comme condition même de l'existence pour toute entreprise une exploitation brutale, c'est-à-dire une subordination complète du processus de production aux intérêts du capital. En pratique, cela s'exprime par la nécessité de rendre le travail le plus intense possible, de le raccourcir ou de le prolonger selon la situation du marché, d'attirer la force de travail ou de la repousser et la jeter sur le pavé selon les exigences du débouché, en un mot de pratiquer toutes les méthodes connues qui rendent une entreprise capitaliste apte à soutenir la concurrence. Il résulte de ce qui précède que, dans les coopératives de production, les ouvriers se trouvent dans l'obligation contradictoire de se régir eux-mêmes avec tout l'absolutisme inévitable, de jouer par rapport à eux-mêmes le rôle de l'entrepreneur capitaliste. Et c'est précisément par suite de cette contradiction que la coopérative de production doit sombrer. Car, ou bien elle redevient, par un développement régressif, une entreprise capitaliste ; ou bien, si les intérêts ouvriers sont plus forts, elle se dissout.

Ce sont là des faits que Bernstein lui-même constate, mais qu'il comprend mal; car, avec Mme Potter-Web, il voit dans une « discipline » insuffisante la cause de la décadence des coopératives de production. Ce qu'on appelle ainsi « discipline » d'une façon superficielle et plate, ce n'est pas autre chose que le régime absolutiste propre au capital, qu'il est évidemment impossible aux ouvriers de s'appliquer à eux-mêmes.

Il suit de là que la coopérative de production ne peut assurer son existence, au milieu de l'économie capitaliste, que si elle réussit à résoudre par un détour la contradiction — qu'elle porte en elle — entre le mode de production et le mode d'échange, et si elle se soustrait d'une façon artificielle aux lois de la libre concurrence. Elle ne le peut que si elle s'assure à l'avance un débouché, un cercle fixe de consommateurs, — et c'est la coopérative de consommation qui lui en fournit le moyen.

Et c'est là — et non pas dans la distinction entre coopératives d'achat et de vente — que gît ce mystère que cherche à résoudre Bernstein, à savoir pourquoi les coopératives indépendantes de production sombrent et pourquoi c'est seulement une coopérative de consommation qui peut leur assurer la vie.

Mais si c'est ainsi, si les conditions d'existence des coopératives de production sont, dans la société actuelle, liées aux conditions d'existence des coopératives de consommation, il en résulte, comme conséquence ultérieure, que les coopératives de production sont limitées, dans les cas les plus favorables, à un petit marché local restreint, et en sont réduites à la fabrication des choses — peu nombreuses — de consommation immédiate, et surtout à la production des objets de première nécessité. Toutes les branches les plus importantes de la production capitaliste : les industries textile, houillère, métallurgique, du pétrole, de même que la construction des machines, des locomotives, des navires, sont exclues par avance de la coopérative de consommation et par conséquent aussi de la coopérative de production. Donc, même en faisant abstraction de leur caractère hybride, les coopératives de production ne peuvent pas être un instrument de réforme sociale générale, déjà pour cette raison que leur généralisation suppose avant tout la suppression du marché mondial, —la dissolution de l’économie mondiale présente en petits groupes locaux de production et d'échange, c'est-à-dire essentiellement une régression de l'économie capitaliste vers l'économie médiévale.

D'ailleurs, même dans les limites de leur réalisation possible, dans les cadres de la société actuelle, les coopératives de production se réduisent naturellement à de simples appendices de coopératives de consommation, lesquelles, en leur qualité de porteurs principaux de la réforme socialiste poursuivie, montent ainsi au premier plan. Mais si c'est cela, alors toute la réforme socialiste poursuivie au moyen des coopératives cesse d'être une lutte contre le capital de production, c'est-à-dire contre le tronc principal de l'économie capitaliste, pour devenir une lutte contre le capital commercial, et notamment contre le moyen et le petit commerce, c'est-à-dire contre de simples ramifications du tronc capitaliste.

Pour ce qui est des syndicats, qui, eux aussi, représentent, d'après Bernstein, un moyen de lutte contre le capital de production, ils ne sont pas en état— comme nous l'avons démontré d'ailleurs — (2) d'assurer aux ouvriers une influence quelconque sur le processus de production, ni au point de vue de son étendue, ni au point de vue de ses procédés techniques.

Mais pour ce qui est du côté purement économique, « la lutte du taux du salaire contre le taux du profit », comme l'appelle Bernstein, cette lutte ne se produit pas dans l'espace éthéré, mais dans les limites déterminées de la loi des salaires, qu'elle ne peut pas transgresser, qu'elle ne peut que réaliser. Cela devient évident aussi lorsqu'on prend la question à un autre point de vue, et que l'on se demande quelles sont les fonctions propres des syndicats.

Les syndicats auxquels Bernstein assigne le rôle de mener, dans la lutte pour l'émancipation de la classe ouvrière, l'attaque principale contre le taux du profit industriel et de le dissoudre progressivement dans le taux du salaire, ne sont nullement en état d'entreprendre une politique économique offensive contre le profit. Ils ne sont, en effet, que la défensive organisée de là force de travail contre les attaques du profil, qu'un moyen de résistance de la classe ouvrière contre la tendance dépressive de l'économie capitaliste.

D'abord les syndicats ont comme rôle d'influencer sur le marché, par leur organisation, la situation de cette marchandise qu'est la force de travail. Mais cette organisation est continuellement disloquée par le processus de prolétarisation des couches moyennes, qui fait affluer sur le marché du travail des marchandises toujours nouvelles. En second lieu, les syndicats ont pour but d'élever le niveau de la vie, la part de la classe ouvrière à la richesse sociale. Mais cette part est continuellement rabaissée, avec la fatalité d'un processus naturel, par la croissance de la productivité du travail. Pour comprendre cela, on n'a pas du tout besoin d'être marxiste ; il suffit d'avoir eu une fois entre ses mains le Zur Bedeutung der sozialen Frage de Rodbertus.

De cette façon, la lutte syndicale se transforme, dans ses deux fonctions économiques principales, grâce à des processus objectifs de la société capitaliste, en une sorte de travail de Sisyphe. Ce travail de Sisyphe est, il est vrai, inévitable, si l'ouvrier veut arriver à obtenir le taux du salaire qui lui est échu d'après la situation donnée du marché, si la loi capitaliste des salaires doit être réalisée, et si la tendance dépressive du développement économique doit être paralysée, ou plutôt, plus exactement, affaiblie dans son action. Mais lorsqu'on songe à transformer les syndicats en un instrument de réduction progressive du profit au bénéfice du salaire, cela suppose avant tout, comme condition sociale : 1° un arrêt dans la prolétarisation des classes moyennes et dans la croissance de la classe ouvrière; 2° un arrêt dans l'augmentation de la productivité du travail. Donc dans les deux cas, de même que dans l'économie basée sur les coopératives de consommation, c'est une régression vers les formes sociales précapitalistes.

Les deux moyens de Bernstein pour accomplir la réforme socialiste : les coopératives et les syndicats, apparaissent donc comme complètement impuissants à transformer le mode de production capitaliste. A proprement parler, Bernstein en a une conscience obscure. Il ne les considère que comme moyen de rogner le profit capitaliste, et d'enrichir de cette façon les travailleurs. Mais par là même il renonce lui même à la lutte contre la production capitaliste, et oriente le mouvement démocrate socialiste vers la lutte contre la distribution capitaliste. En effet, Bernstein formule, à plusieurs reprises, son socialisme, comme la tendance à une distribution « juste », « plus juste » (page 51 de son livre), même « encore plus juste » (Vorwaerts, 26 mars 1899).

Certes le motif qui pousse le plus immédiatement vers le mouvement démocrate socialiste, au moins dans les masses populaires, est aussi sans contredit la distribution « injuste » de l'ordre capitaliste. Et en luttant pour la socialisation de toute l'économie, la démocratie socialiste tend par cela même aussi à établir une distribution « juste » de la richesse sociale. Seulement, grâce à cette conception marxiste que la distribution n'est à chaque moment que la conséquence naturelle du mode de production donné, elle dirige sa lutte, non pas contre la distribution dans le cadre de la société capitaliste, mais vers l'abolition de la production marchande elle-même. En un mot, la démocratie socialiste veut instaurer la distribution socialiste par la suppression du mode de production capitaliste, tandis que le procédé de Bernstein est juste le contraire. Il veut combattre la distribution capitaliste et espère amener, par cette voie, l'établissement du mode de production socialiste.

Cela étant, quelle base théorique peut-on maintenant donner à la réforme socialiste de Bernstein? Peut-on la fonder sur des tendances déterminées de la production capitaliste? — Nullement. Car, en premier lieu, il nie lui-même ces tendances ; et, en second lieu, d'après ce que nous venons de dire, la forme poursuivie de la production n'est, chez lui, que le résultat et non la cause de la distribution. Le fondement théorique de son socialisme ne peut donc pas être économique. Après avoir renversé de fond en comble les buts et les moyens du socialisme, et par .cela même les rapports économiques, il ne peut plus donner des bases matérialistes à son programme : il est forcé d'avoir recours à un fondement idéaliste.

« Pourquoi déduire le socialisme de la nécessité économique? », s'écrie Bernstein. « Pourquoi dégrader l’intelligence, la conscience du droit, la volonté de l'homme? ». (Vorwaerts, 26 mars 1899). La distribution plus juste de Bernstein sera donc réalisée, grâce à la volonté humaine souveraine n'agissant pas sous l'impulsion de la nécessité économique, ou, plus,exactement, — comme cette volonté n'est elle-même qu'un instrument,— grâce à la conscience de la justice, en un mot grâce à l'idée de la justice.

Nous voici donc arrivés— heureusement —au principe de la Justice, ce vieux cheval de retour, monté depuis des siècles par tous les rénovateurs du monde privés de plus sûrs moyens de locomotion historique, à cette Rossinante déhanchée sur laquelle ont chevauché tous les Don Quichotte de l'histoire, à la recherche de la grande réforme mondiale, — pour ne rapporter de ces voyages autre chose que quelque œil poché.

Les rapports de pauvre à riche, comme base sociale du socialisme, le « principe » coopératif comme son contenu, la « distribution plus juste » comme son but et l'idée de la justice comme son unique légitimation historique, voilà ce que l'on nous propose.

Avec combien plus de force, avec combien plus d'esprit, avec, combien plus d'éclat cette sorte de socialisme fut défendue par Weitling, il y a cinquante ans ! Il est vrai que et; tailleur génial ne connaissait pas encore le socialisme scientifique. Et si aujourd'hui, un demi-siècle plus tard, toute sa conception déchirée en petits morceaux par Marx et Engels a été de nouveau heureusement apiécéc et recousue pour être soumise au prolétariat allemand comme le dernier mot de la science, il a fallu pour ce travail un tailleur..., mais pas un tailleur génial !

De même que les syndicats et les coopératives en sont le point d'appui économique, de même la principale condition politique de la théorie de Bernstein est le développement continuellement progressif de la démocratie. Les explosions présentes de la réaction ne sont pour lui que des « spasmes » qu'il tient pour fortuits et passagers, et avec lesquels on n'a pas à compter, lorsque l'on pose la directive générale de la lutte ouvrière.

Mais ce qui est important, ce n'est pas ce que Bernstein pense en se fondant sur les assurances orales et écrites de ses amis sur la durée de la réaction, mais c'est le rapport objectif interne entre la démocratie et le développement social réel.

D'après Bernstein, la démocratie apparaît comme une phase inévitable dans le développement de la société moderne. La démocratie est même pour lui, tout comme pour un théoricien quelconque du libéralisme, la grande loi fondamentale du développement historique en général. C'est à sa réalisation que doivent servir toutes les forces agissantes de la vie politique. Ce principe, sous cette forme absolue, est foncièrement faux ; ce n'est qu'une schématisation petite-bourgeoise et superficielle des résultats d'une courte période de l'évolution bourgeoise pendant les vingt-cinq à trente dernières années.

En effet, lorsqu'on regarde de plus près le développement de la démocratie dans l'histoire et en même temps l'histoire politique du capitalisme, on arrive à un résultat essentiellement différent.

Pour ce qui est du premier point, nous trouvons la démocratie dans les formes sociales les plus diverses : dans les sociétés communistes primitives ; dans les Etats antiques basées sur l'esclavage, dans les communes urbaines du Moyen-Age. De même on rencontre la monarchie liée aux conditions économiques les plus différentes. D'autre part, le capitalisme provoque à ses débuts—comme production marchande — une constitution purement démocratique dans les communes urbaines.

Plus tard, dans sa forme plus développée — comme manufacture — il trouve sa forme politique adéquate dans la monarchie absolue.

Enfin, il produit en France — au stade de l'économie industrielle développée — successivement la république. démocratique(1793), la monarchie absolue de Napoléon Ier, la monarchie aristocratique de la Restauration(1815-1830), la monarchie bourgeoise constitutionnelle de Louis-Philippe, puis de nouveau une République démocratique, puis la monarchie de Napoléon III, enfin la troisième République.

En Allemagne, l'unique institution vraiment démocratique, le suffrage universel, n'est pas une conquête du libéralisme bourgeois, mais un instrument qui a servi à l'unification du pays par la soudure des petits Etats, et qui n'a pas d'autre signification dans le développement de la bourgeoisie allemande ; laquelle se contente fort bien pour le reste d'une monarchie constitutionnelle à moitié féodale.

En Russie, le capitalisme prospère merveilleusement, sous l'absolutisme oriental, sans que la bourgeoisie ait l'air, pour le moment du moins, de désirer ardemment la démocratie.

En Autriche, le suffrage universel se montre en grande partie comme une ceinture de sauvetage pour la monarchie en perdition, et le peu de rapport qu'il a avec la démocratie proprement dite est prouvé par la puissance du paragraphe 14.

En Belgique enfin, la conquête démocratique du mouvement ouvrier, le suffrage universel, est indubitablement liée à la faiblesse du militarisme (donc à la position géographique et politique spéciale du pays), et avant tout ce n'est pas « un bout de démocratie » conquis par la bourgeoisie, mais contre la bourgeoisie.

La montée ininterrompue de la démocratie qui parait être pour Bernstein et pour le libéralisme bourgeois la grande loi fondamentale de l'histoire humaine ou tout m moins de l'histoire moderne, n'est donc, si on la regarde de plus près, qu'une construction en l'air. Il n'est pas possible d'établir une connexité absolue entre le développement du capitalisme et la démocratie.

La forme politique est chaque fois la résultante de tous les facteurs politiques intérieurs et extérieurs, et permet — dans ces limites — une extrême diversité, depuis la monarchie absolue jusqu'à la République démocratique.

Si donc après avoir ainsi dû rejeter de la société moderne la loi historique générale du développement de la démocratie, nous nous adressons à la phase actuelle de l'histoire de la bourgeoisie, nous voyons ici encore, dans la situation politique, des facteurs qui tendent non pas à la réalisation du schéma de Bernstein, mais plutôt, au contraire, à l'abandon par la société bourgeoise de toutes les conquêtes faites jusqu'à présent.

D'une part, les institutions démocratiques, et cela est d'une importance capitale, ont en grande partie épuisé leur rôle dans le développement de la bourgeoisie : autrefois nécessaires pour la réunion des petits Etats et pour la constitution des grandes nationalités modernes (Allemagne, Italie), elles sont devenues superflues.

Le développement économique a, depuis amené une « coalescence organique » entre les différentes parties, et les « bandages » de la démocratie politique peuvent être enlevés sans danger pour l'organisme des sociétés bourgeoises.

Les mêmes considérations valent pour la transformation en un mécanisme capitaliste du mécanisme féodal de toute la machine politico-administrative de l'Etat.

Cette transformation qui, au point de vue historique, a été indissolublement liée à la démocratie, s'est accomplie aujourd'hui dans une mesure telle que les « ingrédients » purement démocratiques de l'Etat ; le suffrage universel, la forme républicaine, peuvent être éliminés sans danger, sans que l'administration, les finances, la défense nationale retombent dans les formes d'avant 48.

Si donc à ce point de vue, le libéralisme est, pour la société bourgeoise, essentiellement superflu, à un autre point de vue non moins important il est devenu pour elle un obstacle immédiat. Ici il faut prendre surtout en considération deux facteurs, qui dominent toute la vie politique de l'Etat moderne : la politique mondiale et le mouvement ouvrier — qui ne sont que deux côtés différents de la phase actuelle du développement capitaliste.

Le développement de l'économie mondiale, l'accentuation et la généralisation de la concurrence sur le marché mondial ont fait du militarisme et du ce « marinisme » le moment déterminant de la vie intérieure et de la vie extérieure de tous les grands Etats. Mais si la politique mondiale et le militarisme présentent indubitablement — parce que liés aux besoins économiques du capitalisme, — une tendance ascendante de la phase actuelle, il en résulte logiquement que la démocratie bourgeoise doit suivre une marche descendante. — et nous en trouvons l'exemple le plus frappant dans les Etats-Unis depuis la guerre espagnole.

En France, la République doit surtout son existence à la situation politique internationale, qui rend une guerre momentanément impossible.

En Allemagne, l'ère récente des « grands armements » et la politique mondiale inaugurée à Kiau-Tchéou a été immédiatement payée par deux sacrifices de la démocratie bourgeoise, la décomposition du libéralisme et la défaillance du centre catholique.

Si donc la politique extérieure de la bourgeoisie la pousse dans les bras de la réaction, il en est de même de sa politique intérieure — déterminée par l'ascension de la classe ouvrière. Bernstein lui même le reconnaît en rendant responsable de la désertion de la bourgeoisie; libérable la légende de l'Ogre démocrate socialiste, c'est-à-dire les tendances socialistes de la classe ouvrière, et c'est pour celte raison qu'il conseille au prolétariat d'abandonner son but final, afin de tirer du terrier réactionnaire le libéralisme effrayé jusqu'à la mort.

Mais avec cela, il prouve de la façon la plus frappante — en faisant aujourd'hui du rejet du mouvement ouvrier socialiste la condition vitale et la «présupposition » sociale de la démocratie bourgeoise —, que cette démocratie est contradictoire au développement de la tendance intérieure de l'évolution de la société bourgeoise et dans la même mesure que le mouvement ouvrier est le produit direct de cette tendance.

Mais il prouve encore autre chose. En faisant de  l'abandon par la classe ouvrière du but final socialiste, la condition et la présupposition de la résurrection de la démocratie bourgeoise, il montre combien peu au contraire la démocratie bourgeoise peut être une condition et une présupposition nécessaire du mouvement socialiste et de sa victoire.

Ici, le raisonnement de Bernstein aboutit à un cercle vicieux, sa dernière conclusion détruisant sa première supposition.

Le moyen de sortir de ce cercle est très facile ; du fait que le libéralisme bourgeois a rendu l'âme, par peur du mouvement ouvrier ascendant et de son but final, il ne résulte que ceci : c'est que le mouvement ouvrier peut être et est aujourd'hui l’unique soutien de la démocratie ; que le sort du mouvement socialiste n'est pas lié à la démocratie bourgeoise, mais au contraire que le sort de la démocratie est lié au mouvement socialiste ; que la démocratie n'acquiert jias d'autant plus de vitalité que la classe ouvrière abandonne plus la lutte pour son émancipation, mais au contraire qu'elle en acquiert dans la mesure où le mouvement socialiste devient assez fort pour combattre les conséquences réactionnaires delà politique mondiale et de la désertion de la bourgeoisie; que quiconque désire le renforcement de la démocratie doit aussi désirer le renforcement—et non pas l'affaiblissement— du mouvement socialiste ; enfin qu'en abandonnant les tendances socialistes, on abandonne en même temps la démocratie.

Bernstein déclare à la fin de sa « réponse » à Kautsky dans le Vorwaerts qu'il est complètement d'accord avec la partie pratique du programme de la démocratie socialiste et que s'il a quelque objection à faire, c'est uniquement contre la partie théorique. Malgré tout cela il croit encore pouvoir marcher à bon droit dans les rangs du Parti, « car, pour lui, quelle importance y a-t-il, à ce que dans la partie théorique il y ait une phrase qui ne soit pas à l'unisson de sa conception? » Cette déclaration prouve tout au plus combien Bernstein a perdu le sens de la connexité entre l'action pratique de la démocratie socialiste et ses principes généraux, combien les mêmes mots ont cessé d'exprimer les mêmes choses pour le « Parti » et pour « Bernstein ». En réalité, les théories propres à Bernstein conduisent à cette conception socialiste très élémentaire que, sans les principes fondamentaux, toute la lutte pratique devient inutile et sans valeur, qu'avec l'abandon du but final le mouvement lui-même doit sombrer.

ROSA LUXEMBURG

(Traduit par J. Rivière)

(1) Voir sur la même question les numéros 0, 7 et 8 du Mouvement socialiste.

(2) Nous reproduisons le passage auquel Rosa Luxemburg l'ait allusion :

« L'onction principale des syndicats (et personne ne l'a mieux prouvé que Bernstein lui-même, il y a sept ans, dans la Neue Zeit) consiste en ce qu'ils fournissent aux ouvriers le moyen de réaliser la loi capitaliste des salaires, c'est-à-dire la vente de la force de travail d'après la situation du marché. Ce en quoi les syndicats servent au prolétariat, c'est qu'ils lui permettent de tirer profit des conjonctures du marché à chaque moment donné. Mais ces conjonctures elles-mêmes, c'est-à-dire d'une part la demande de la force de travail déterminée par l'état de la production, et d'autre part l'offre de cette force de travail conditionnée par la prolétarisation et par la reproduction naturelle, et enfin le degré donné de la productivité du travail, — tout cela se trouve en dehors de la sphère d'action des syndicats. Et c'est pour cela qu'ils ne peuvent pas renverser la loi des salaires. Ils peuvent tout au plus replacer l'exploitation capitaliste dans ses limites « normales », mais en aucun cas supprimer progressivement cette exploitation capitaliste elle-même.

« Conrad Schmidt, il est vrai, traite le mouvement syndicat présent de « stade initial faible », et il annonce qu'à l'avenir « le syndicalisme exercera une influence croissante sur la production elle-même ». Mais on ne peut comprendre que deux choses sous ce mot « réglementation de la production » : 1° l'intervention dans la technique du processus de production; 2° la détermination de l'étendue de la production. Quelle peut être, sur ces deux questions, la nature de l'action des syndicats? Il est évident que, pour ce qui est de la technique de la production, l'intérêt d'un capitaliste pris individuellement se confond complètement avec le progrès et le développement de l'économie capitaliste. Ce sont ses propres besoins qui le poussent aux améliorations techniques. Mais la situation d'un ouvrier pris individuellement est précis sèment tout à fait le contraire; toute amélioration technique est en opposition avec les intérêts des ouvriers, qui en sont atteints directement, et empire leur situation immédiate, en dépréciant la valeur de la force de travail. En tant que le syndical peut intervenir dans la technique de la production, il ne peut le faire que dans le sens que nous venons d'indiquer, c'est-à-dire agir dans l'intérêt du groupe d'ouvriers directement intéressé, en s'opposant à toutes les innovations. Or, dans ce cas, il n'agit pas dans l'intérêt de la classe ouvrière prise dans son ensemble et dans le sens de son émancipation, — lesquels concordent plutôt avec le progrès technique, c'est-à-dire avec- l'intérêt d'un capitaliste pris individuellement; — mais précisément dans le sens contraire, dans le sens de la réaction. Et, en effet, nous trouvons celle tendance d'agir sur la technique de la production, non pas dans l'avenir, où la cherche Conrad Schmidt, mais dans le passé du mouvement syndical : elle est ta marque caractéristique de l'ancienne phase du trade-unionisme anglais (jusqu'en 1860 environ), pendant laquelle il se rattachait encore aux traditions des corporations du Moyen-Age, et s'appuyait d'une façon caractéristique sur le principe suranné « du droit acquis à un travail convenable ».

« Par contre, la tendance des syndicats à déterminer l'étendue de la production et les prix des marchandises est un phénomène de date tout à fait récente. Ce n'est que tout dernièrement que nous avons vu (de nouveau en Angleterre seulement) surgir des tentatives dirigées dans ce sens.

« Mais aussi bien, pour ce qui est de leur caractère et de leurs tendances, ces tentatives valent celles qui précèdent. Car en somme à quoi se réduit nécessairement la participation active des syndicats dans la détermination de l'étendue et des prix de la production marchande? — A un cartel des ouvriers et des patrons contre le consommateur, — et notamment en employant à l'égard des patrons en concurrence des mesures de compression qui ne cèdent en rien aux méthodes employées par les syndicats patronaux réglementaires. Ce n'est plus en fait une lutte entre le travail et le capital, mais une lutte solidaire du capital et du travail contre les consommateurs. Au point de vue de sa valeur sociale, c'est une entreprise réactionnaire qui ne peut devenir une étape clans la lutte que le prolétariat mène pour son émancipation, pour la raison qu'elle représente plutôt le contraire de la lutte des classes. Au point de vue de sa valeur pratique;, c'est une utopie qui, comme quelques instants de réflexion doivent le faire voir, ne pourra jamais s'étendre, à des branches de production d'une certaine importance; et produisant pour le marché mondial. « L'activité des syndicats si; borne donc essentiellement à la lutte pour le salaire et pour la réduction de la journée de travail, c'est-à-dire à la simple, réglementation de l'exploitation capitaliste d'après la situation du marché; l'action sur le processus de production leur est fermée par la nature même des choses. Plus encore. Toute la marche du développement syndical tend précisément, à l'encontre de ce que dit Conrad Schmidt, à supprimer complètement tout rapport immédiat entre le marché du travail et le reste du marché. Le fait le plus significatif, à ce sujet, c'est même la tendance de mettre le contrat de travail au moins en rapport passif avec la situation générale de la production, à l'aide du système de l'échelle mobile, qui est actuellement complètement dépassé par l'évolution, et dont les trades-unions anglaises se détournent de plus en plus. »

Un extrait de Réforme sociale ou Révolution? de Rosa Luxemburg disponible dès 1899 en langue française dans la revue Le Mouvement Socialiste.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57372256/f3.item#

https://bataillesocialiste.wordpress.com/2012/06/01/democratie-industrielle-et-democratie-politique-rosa-luxemburg-1899/

https://bataillesocialiste.files.wordpress.com/2012/06/rosa1899.pdf

 

 

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14 février 2022 1 14 /02 /février /2022 15:11
Sommaire du n°1 du journal  Jugend-Internationale. Un article Antimilitarismus est signé Implacabilis ... pseudonyme de Karl Liebknecht.

Dans les n°s 1 et 2 du journal publié par les organisations internationales des jeunesses socialistes - Jugend-Internationale est publié l'article de Karl Liebknecht. Il le signe d'un Pseudonyme significatif ... Implacabilis.

 

 

Jugend Internationale

Deutsche Ausgabe

Kampf- und Propagandaorgan der internationalen Verbindung sozialistischer Jugendorganisationen

Paraît à Zurich, daté du 1er septembre

 

Les textes

 

An die sozialistische Jugend aller Länder !, Das Bureau der internationalen Verbindung sozialistischer Jugendorganisationen

 

Amedeo Catanesi, Angelika Balabanoff

 

Geleitwort, Edouard Bernstein, Allemagne

 

Die Internationale ist tot ! Es lebe die Internationale !, Edwin Hoernle, Stuttgart

 

Antimilitarismus !,  Implacabilis (Pseudonyme de Karl Liebknecht)

 

Jugend, vor die Front !, Karl Radek, Berne

 

Die neue Internationale und die Arbeiterjugend., Alexandra Kollontaï, Christania

 

Für de sozialistische Erziehung der proletarischen Kinder, Italo Toscani, Berne

 

Vorwärts !, Robert Danneberg, Vienne

 

Klassenkampf – Massenkampf, Otto Rühle, Dresde

 

Der Sozialnationalismus in Frankreich, Ch. Rappoport, France

 

Es läutet von Glocken hinaus, Sigward Hellberg, Copenhague

 

Die sozialistische Jugend Italiens und der europäische Krieg

 

Die Jugendorganisation Deutsch-Österreich während des Krieges, Anton Jenschick, Vienne

Holland

Dänemark, Ernst Christiansen, Copenhague

Nordwegen in der Kriegszeit, Eugen Olaussen, Christiana

 

Annonce : Liebknecht-Fonds : Die sozialistsche internationale Jugendkonferenz in Bern hat beschlossen, in allen Ländern Liebknecht-Fonds zu schaffen.

 

Le texte de Karl Liebknecht se trouve aux pages 6 et 7 et la deuxième partie aux pages 3 à 6 du No 2 sous le pseudonyme Implacabilis

 

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13 février 2022 7 13 /02 /février /2022 11:04
1913. Karl Liebknecht contre Krupp et les industries d'armement (1ère partie). Le courage du député Liebknecht.

1ère publication : septembre 2021

Le premier discours de Karl Liebknecht sur l'affaire Krupp,  le 18 avril 1913.

(Pour le 150e anniversaire de sa naissance, texte inédit en français. Traduction Villaeys Poirré, septembre 2021, merci pour toute amélioration de la traduction)

 

Après avoir abordé deux autres sujets rapidement, Karl Liebknecht expose pour la première fois l'affaire Krupp :

 

... Messieurs, ceci dit, j'en viens à mon véritable sujet ! A une époque où un conseiller du gouvernement pouvait écrire dans la « Kreuz-Zeitung » : « Seigneur, redonne-nous la guerre ! », la « Correspondance diplomatique » «  Une guerre nous serait très utile », et Herr von der Goltz « Si seulement ça commençait enfin ! », à une époque où la course continue aux armements est provoquée par les idées dangereuses de guerre préventive, à une époque où Monsieur le Général von der Goltz déclarait publiquement à Potsdam lors d’une Yorck-Feier: « Nous n'avons pas besoin de vertu ! - Messieurs, à une telle époque, il est extrêmement intéressant de faire la lumière sur une zone qui n'a pratiquement jamais été correctement éclairée, et d'exposer ainsi l'une des racines des dangers de guerre qui menacent les peuples européens et tout spécialement  allemand. Je veux montrer les pratiques et les voies secrètes de nos fournisseurs militaires.

 

En fait, nous avons souvent eu affaire aux fournisseurs militaires. On sait que le Reich allemand a été systématiquement trompé par l'une des plus grandes entreprises de fournitures d’équipements militaires concernant les plaques de blindage ; On sait qu'une bataille féroce qui faisait rage autrefois entre deux grandes compagnies rhénanes a finalement été réglée lorsqu'elles se sont partagés le butin. Lundi dernier, le "Vorwärts" a été en mesure d’illustrer cette action commune des intérêts de guerre au profit du peuple allemand - ils se considèrent naturellement comme le seul peuple allemand – en publiant quelques éléments de dossiers montrant qu'il existe en Allemagne un accord entre les trusts concernant les fournitures pour la marine, (Cris d’approbation des sociaux-démocrates.)

entre les différents fournisseurs de la marine qui se contrôlent étroitement et, en quelque sorte, se garantissent mutuellement leurs profits. Ce sont des formulaires - les formulaires d'enregistrement qui sont utilisés dans les transactions commerciales de cette société, bien propre - qui ont été imprimés dans le "Vorwärts". Des preuves documentaires, qui montrent qu'un vampire est lové dans le corps du peuple allemand, sont fournies dans le "Vorwärts".

 

Messieurs, voilà un aspect de la question. Maintenant concernant le patriotisme. Le manque de patriotisme du capital est un fait bien connu de la social-démocratie. ("Très juste!" Par les sociaux-démocrates.)

Nous n'avons jamais douté que le capital est antipatriotique, et plus il est antipatriotique, plus il se présente comme patriotique. (Approbation sur les bancs des sociaux-démocrates.)

 

Point n’est besoin de preuve pour cela. Cela découle globalement de l'union personnelle internationale du capital. Cela provient également de l’absence absolue de scrupule des besoins du capital à réaliser des profits et qui prend les profits là où ils sont.

Je n'ai peut-être pas grand chose de nouveau à dire sur le manque de patriotisme de l'industrie d'armement, car le pire dans ce patriotisme, cet apatriotisme complet, c'est le fait que ces fournisseurs d'armements envoient très systématiquement leurs livraisons à l'étranger, partout, peu importe, là où ils obtiennent le meilleur prix, peu importe que les armes qui y sont livrées soient ensuite utilisées contre l'armée allemande.

Messieurs, mon ami Südekum a récemment présenté un exemple particulièrement intéressant du manque de patriotisme de ce capital "patriotique". De l'ouvrage de M. Martin, il a tiré des faits sur la situation des usines Dillinger qui, à ma connaissance, n'ont jamais été réfutés nulle part. L'usine de Dillingen est la propriété des héritiers des Stumm, c'est-à-dire avant tout du lieutenant général von Schubert, un noble de la Chambre des représentants de Prusse. Cette usine est aussi en grande partie financée par des capitaux français, comme cela a été établi maintenant,  et est aussi fortement francisée, dans la mesure où la langue française est très largement utilisée dans les assemblées générales de cette entreprise.

 

Ceci est terriblement instructif ! Pensez donc : « L'ennemi héréditaire ! » Pensez au « grand danger » qu'une guerre éclate entre l'Allemagne et la France - et maintenant les capitalistes français sont au sein de cette société allemande, initiés à tous les secrets des armements allemands et en association avec tous les capitalistes de nationalité allemande œuvrent pour que l’on extorque au peuple allemand et au Reich allemand beaucoup d'argent pour l'armement. Messieurs, voilà la preuve de la touchante solidarité internationale du capital. ("Très juste!" Par les sociaux-démocrates.)

Cette solidarité du capital dépasse toutes les barrières de nationalité.

Mais maintenant autre chose. Peut-être que le ministre de la Guerre fera un jour remettre les dossiers à un certain M. Schopp. Je peux lui donner le numéro de dossier : Landgericht III, Berlin, B 5, J. 675/10. Dans ces dossiers, il trouvera toutes sortes de documents intéressants sur l'une des plus grandes usines d'armement allemandes, à savoir la « Deutsche Waffen- und Munitionsfabrik ». (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

 

Entre autres, il y a dans ces dossiers une copie d'une lettre adressée à un agent de cette société à Paris (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

- à Paris ! - avec le numéro secret 8236. On lit dans cette lettre ce qui suit :

« Nous venons de vous adresser un télégramme : 'Veuillez attendre notre lettre envoyée à Paris ce jour' La raison de cette dépêche est que nous voudrions obtenir la parution d’un article dans l'un des journaux français les plus lus, si possible dans le Figaro, article dont voici le libellé : « L'administration de l'armée française a décidé d'accélérer l’acquisition de mitraillettes par l’armée et de doubler la quantité initialement prévue prévue par la commande. '"

C'est ainsi que devait  être rédigé l'article du "Figaro" dans l'un des journaux français les plus lus - article, inspiré par  l’entreprise « Deutsche Waffen- und Munitionsfabrik ». (« Voyez! Voyez! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

La lettre se termine par ces mots : "Nous vous demandons de faire tout votre possible pour qu'un tel article soit accepté."

La lettre est signée : "Deutsche Munitions- und Waffenfabrik, von Gontard, Kosegarten." (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

 

Cette lettre prouve que les tenants allemands de la fabrication d'armement, nos grandes usines d'armement allemandes, du moins celle-ci - c'est peut-être seulement un mouton noir, ça je ne le sais pas, mais c’est dans ce cas-là une tâche noire - (Rire.)

qu'au moins cette usine n'a pas peur de lancer de fausses nouvelles dans les journaux français, dans le but de faire croire que l'armée française prévoie des augmentations d’équipements. Dans quel but ? Pour sauver la patrie ? Messieurs, dans quel but tout cela? Créer en Allemagne une atmosphère, afin de susciter des commandes et de gagner beaucoup d'argent, ("Très juste!" sur les sociaux-démocrates.)

pour que l'argent puisse tinter dans son escarcelle. (Approbation des sociaux-démocrates : « C'est comme ça que ça se passe ! »)

Messieurs, c'est extrêmement important ! ("Très juste!" sur les bancs des sociaux-démocrates.)

 

Je crois qu'une telle preuve du patriotisme du capital d'armement allemand est unique.

Mais devons-nous espérer que l'entreprise « Waffen- und Munitionsfabrik » ne soit qu’une tâche noire ? Messieurs, l'espoir et l'attente font de certains des imbéciles. Malheureusement, je suis obligé de détruire de tels espoirs en vous en vous présentant des preuves concluantes que la plus grande usine d'armement allemande utilise la manipulation, (Chahut à droite.)

qui ne peut même pas être conciliée avec la sorte de moralité qui, comme j'ai pu le déduire du chahut que je viens d'entendre, pourrait encore être applaudie par certains partis de cette Assemblée. Messieurs, j'ai hâte de voir si vous applaudirez à ce que je vais vous dire maintenant.

 

Le conseil d'administration de la fonderie Friedrich Krupp, à Essen an der Ruhr, entretenait – je peux vous le dire maintenant - un agent à Berlin du nom de Brandt jusqu'à il y a quelques semaines, un ancien artificier chargé de contacter les commis de l'armée et de la marine et les soudoyer afin d'avoir connaissance de documents secrets dont le contenu intéressait l'entreprise. (Vives réactions sur les bancs des sociaux-démocrates)

Ce qui les intéresse, ce sont les intentions précises des autorités en matière d'armement, des informations sur les fabrications prévues par les autorités et la concurrence, (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

Résultats d’essais, mais surtout les montants demandés par les autres entreprises ou qui leur sont accordés. Des fonds importants ont été mis à la disposition de M. Brandt à cet effet. (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

La célèbre entreprise utilise systématiquement sa puissance monétaire pour inciter des hauts fonctionnaires ou subalternes prussiens à trahir des secrets militaires. (Violentes réactions sur les bancs des sociaux-démocrates : Voyez ! Voyez ! »)

Ce que je viens de vous dire ici n'est pas basé sur une simple information qui m'a été fournie par une quelconque source. Je dois vous dire que, bien entendu, j'ai transmis au ministre de la Guerre ce qui m'a été communiqué. (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

J'ai été particulièrement attentif au fait qu'une annonce prématurée de ces éléments pourrait facilement conduire à ce que l'entreprise, du fait de son immense puissance financière, puisse faire disparaître toutes les preuves et même des personnes indésirables.

Le ministre de la Guerre a pris toutes ses responsabilités dans cette affaire. Le ministre de la Guerre est intervenu, non seulement contre les militaires, mais aussi contre des personnes civiles. Six ou sept personnes - je ne peux rien dire pour le moment, je ne veux pas divulguer leurs noms pour le moment – font l’objet d'enquêtes préliminaires en ce moment, si elle n'est pas déjà close.

Il est intervenu avec une énergie louable. Les personnes concernées ont été placées en garde à vue. Ce sont des personnes haut placées ! Il n'y a donc aucune reproche à faire à l'administration militaire. L'enquête est pour l'essentiel terminée et a confirmé jusqu’au moindre détail ce que je vous ai dit ici. (Vives réactions des sociaux-démocrates : "Voyez ! Voyez !")

Le but de l'enquête ne peut plus être compromis, c'est pourquoi je considère qu'il est de mon devoir et de ma responsabilité d'évoquer ces faits ici dans l'intérêt du peuple allemand et dans l'intérêt de la paix européenne. ("Bravo!" et approbation des sociaux-démocrates.)

 

Car il en est ainsi - permettez-moi une petite digression - : si nous voyons que l’entreprise « Waffen- und Munitionsfabrik » met en œuvre les mêmes pratiques que celle de la lettre adressée en  France que je vous ai lue, alors on peut sûrement penser qu'ils n’auront pas peur de faire la même chose que l’entreprise Krupp. Et si la société Krupp fait ce que nous pouvons considérer ici comme avéré, alors nous pouvons être sûrs qu'elle ne se gênera pas pour faire la même chose que la « Waffen- und Munitionsfabrik ». ("Très juste" sur les bancs des  sociaux-démocrates.)

Cela est bien sûr évident. On doit s’attendre à tout d’entreprises dont la moralité et la conscience ont sombré non pas au "point zéro" – mais encore plus bas, comme cela a été prouvé ici, que ce soit dans l’entreprise « Waffen- und Munitionsfabrik », que ce soit chez Krupp. (Vif soutien des sociaux-démocrates.)

...

1913. Karl Liebknecht contre Krupp et les industries d'armement (1ère partie). Le courage du député Liebknecht.

DOCUMENTS POUR COMPRENDRE LE COMBAT DE KARL LIEBKNECHT

CONTRE LES INDUSTRIES D'ARMEMENT ET KRUPP

 

. CE QU'IL FAUT DIRE, nov. - déc. 1917

. CAHIERS JAURES, 2013

1913. Karl Liebknecht contre Krupp et les industries d'armement (1ère partie). Le courage du député Liebknecht.

Dans le journal libertaire pacifiste "Ce qu'il faut lire", on peut lire dans le numéro 6 de nov.-déc 1917 un article sur les profiteurs de guerre et un long extrait est consacré au combat de Karl Liebknecht contre l'industrie d'armement, en particulier Krupp :

 

" Le 19 avril 1913, le député allemand Karl Liebknecht soutenu par le député catholique Pfeiffer faisait à la tribune du Reichstag des révélations sensationnelles.

Documents en main, il démontra que la maison Krupp avait un agent nommé Brandt, chargé de soudoyer les fonctionnaires du ministère de la Guerre et d'obtenir d'eux, moyennant finances, des dossiers secrets de la plus haute importance, dossiers qu'on retrouvait chez M. von Dewitz, sous-directeur de l'usine d'Essen.

Liebknecht poursuivant son enquête découvrit que Krupp employait, à des appointements de ministres, un grand nombre d'officiers de tous grades et jusqu'à des officiers généraux et des amiraux, dont la mission consistait à obtenir des commandes pour les usines d'Essen.

Cette corruption de fonctionnaires n'étant pas suffisante pour assurer les développements des armements allemands et la fortune de ce marchand d'outils de meurtres, Krupp n'hésitait pas à corrompre l'opinion publique.

Aidé dans sa tâche par les autres charognards allemands Thyssen, Mauser, Düren, Waffenfabrik, etc ..., il subventionnait un certain nombre de journaux pangermanistes, dont la principale fonction était d'exciter les sentiments chauvins, et de tenir, le peuple allemand sous la perpétuelle menace de "l'ennemi héréditaire". Cet ennemi d’ailleurs suivant les saisons. C'était le Français ou le Russe, quand Krupp ou Thyssen désiraient une commande de mitrailleuses, et c'était l'Anglais quand les chantiers de Stettin avaient besoin de fabriquer les cuirassiers.

Liebknecht révéla un document encore plus grave : une lettre adressée par le directeur de la Waffenfabrik à un de ses agents parisiens.

Voulant obtenir une commande de mitrailleuses, que le Reichstag ne semblait pas dispose à approuver, la Waffenfabrik qui contrôle à la fois en Allemagne, les usines Mauser, en Belgique, la Fabrique nationale d'armes de guerre d'Herstal, à Paris, la Société Française des Roulements à bille, trouva expédient d'affoler l'opinion allemande. Et voici son truc. Elle écrivit à son démarcheur, à Paris, rue de Chateaudun, la lettre suivante :

" Nous voudrions faire passer dans un des journaux les plus lus de Paris, si possible le Figaro, un article dont voici la teneur : l'administration militaire française a décidé de hâter considérablement la construction de mitrailleuses destinées à l'armée, et de commander deux fois plus de ces engins qu'elle ne se proposait primitivement. Nous vous prions de faire votre possible pour obtenir qu'un semblable article soit accepté

Pour la Waffenfabrik

Yves Gontard

Ce communiqué ne fut pas inséré sous cette forme, mais quelque temps après et, comme par hasard Le Figaro, le Matin et l'Echo de Paris, entamaient un éloge dithyrambique de nos mitrailleuses.

Curieuse coïncidence, à la suite de ces articles et se basant sur eux, le député prussien Schmidt dont on soupçonnait les attaches avec la haute métallurgie, interpelle le Chancelier de l'Empire et demande ce que le gouvernement  comptait faire pour répondre à la menace française.

Étonnée, et quelque peu apeurée, la majorité du Reichstag vota alors et sans discussion une commande considérable de mitrailleuses.

Mesure à laquelle, l'Etat français répondit par une augmentation d'armements.

Ainsi tandis que l'Echo de Paris, le Matin et le Temps irritaient le public pour en citant des extraits des journaux pangermanistes et en particulier  la Post dont le principal actionnaire était Von Gotnard en personne, Von Gontard, aidé de sa créature le député Schmidt affolait le public allemand en usant du et du chantage au patriotisme pour augmenter son

Quant à la responsabilité du Figaro et des feuilles françaises qui, pour des raisons sonnantes, contribuèrent à ruiner les finances de l'Etat, et à mettre l'Europe sur un volcan, uniquement pour permettre aux actionnaires d'Essen, de Mauser et du Creusot, l'histoire la détermineront peut-être un jour avec précision ...

https://www.furet.com/media/pdf/feuilletage/9/7/8/2/0/1/2/8/9782012898509.pdf

1913. Karl Liebknecht contre Krupp et les industries d'armement (1ère partie). Le courage du député Liebknecht.
Le scandale des Kornwalzer, 1913

Qu’en est-il du scandale des Kornwalzer ? Il faut d’abord noter que le mot-clé de cette affaire, les Kornwalzer, est loin d’être commun dans la langue allemande. En fait, il s’agit de petits messages échangés entre un employé du fabricant d’armes et d’acier Krupp, un certain Brandt, et ses chefs, au siège de l’entreprise à Essen [41][41]Pour cette affaire cf. Frank Bösch, « Krupps “Kornwalzer”.…. Brandt faisait fonction d’envoyé spécial dans la capitale. Au cœur du scandale, se trouve un réseau d’information et de faveurs impliquant Brandt et plusieurs fonctionnaires du ministère de la Guerre. Brandt, ancien officier, réussit à garder et à développer ses contacts dans l’administration militaire en échangeant des cadeaux et en invitant ses anciens camarades à boire et à manger. Par cette voie, il obtint des informations précieuses pour son entreprise, à savoir, les appels d’offre du ministère avant leur publication et surtout les offres de la concurrence. Grâce à ses informations, Krupp réussit à faire les meilleures offres et à décrocher la plupart des commandes du ministère.

Ces activités ont été dévoilées par un ancien cadre de Krupp qui, après avoir été licencié par son employeur, décida de se venger en informant le leader de l’opposition social-démocrate au parlement : Karl Liebknecht. Liebknecht réagit d’abord prudemment. Au lieu de crier au scandale, il informa discrètement la police. Au sein de l’administration, ces informations furent en fait traitées. Puis, comme rien ne semblait bouger, Liebknecht décida alors de s’adresser au public. C’est le 18 avril 1913 qu’il dévoile au Reichstag le trafic d’informations entre l’administration militaire et le premier fabricant d’armes d’Allemagne. Le public est sous le choc. Le ministre de la Guerre, von Heeringen, est contraint de démissionner, les coupables doivent comparaître devant le tribunal de Berlin. Les journaux débattent pour savoir s’il s’agit là d’un scandale comparable à celui de Panama ou si le scandale des Kornwalzer est une affaire isolée.

La social-démocratie était sur ce point unanime, elle pensait qu’en effet le scandale des Kornwalzer était le Panama allemand [42][42]C’est Karl Liebknecht qui pour la première fois a donné la…. Après 1892, le scandale de Panama était devenu, dans tous les pays européens, le symbole de la corruption politique à l’époque, en tant que reflet de la situation dans son propre pays ou bien alors comme objet de comparaison avec l’étranger. En ce qui concerne le SPD, l’association au Panama permettait le transfert et l’internationalisation de la critique social-démocrate du capitalisme. Depuis 1890, l’opinion publique du Kaiserreich connaissait des changements. Il y avait de plus en plus de scandales politiques et le Vorwärts établissait, à intervalles de plus en plus réguliers, le diagnostic du « Panama ». Au fur et à mesure que la stigmatisation du « Panama » prenait de l’ampleur, la palette des délits, elle, s’élargissait en de nombreuses variations. À la veille de la Première Guerre mondiale, la social – démocratie luttait contre trois problèmes majeurs : le militarisme, l’impérialisme et le capitalisme – tous trois furent mis en corrélation avec Panama.

Cette stratégie apparaît également dans la campagne qu’a menée le Vorwärts contre Krupp, alors que le journal s’était fixé pour objectif de dévoiler l’affaire du « Panama allemand [43][43]Vorwärts, 5 août 1913. ». Comme lors des deux scandales précédents, la social-démocratie affirmait que la corruption était une conséquence du système politique. Comme en 1892, cette affirmation fut fortement liée à une critique offensive du capitalisme. Mais comparée à la situation de 1873 ou à celle de 1892, le militarisme jouait cette fois un rôle plus important. Le Vorwärts arguait de l’impossibilité de dissocier capitalisme et militarisme dans le contexte de ce système politique et économique. Le militarisme était, selon lui, une conséquence du capitalisme. Et la corruption était, là encore, une conséquence du capitalisme [44][44]Vorwärts, 24 avril et 7 juillet 1913..

L’affaire avec Krupp offrait une nouvelle occasion pour allier la critique social-démocrate du système aux débats sur les décisions politiques du moment. En 1913, l’opinion publique allemande débattait sur la soi-disant Heeresvorlage (budget de l’armée). Le gouvernement envisageait d’augmenter les effectifs de l’armée mais il lui fallait obtenir pour ce financement, l’accord du Reichstag. Le scandale Kornwalzer coïncidait avec l’image que se faisait la social-démocratie du capitalisme, du militarisme et de la corruption et lui livrait des arguments contre la Heeresvorlage[45][45]Stig Förster, Der doppelte Militarismus. Die Deutsche…. La social-démocratie stigmatisa Krupp, représentant du capital international de l’armement (« internationales Rüstungskapital ») en même temps que membre du groupe des corrompus des va-t-en guerre (« Korruptionsbande der Kriegshetzer »), pour avoir tiré des bénéfices privés de secrets militaires [46][46]Vorwärts, 20 et 24 avril 1913 ; Verhandlungen des Deutschen…. Ces délits, comme l’avança le Vorwärts, prouvaient que les intérêts de l’industrie de l’armement ne prenaient pas en considération ceux du peuple et n’y répondaient pas.

Le Vorwärts opposa directement les intérêts capitalistes des fabricants d’armes aux intérêts de la patrie. Le Vorwärts déduisit que l’organe auquel incombait véritablement la représentation de la volonté du peuple échouait dans sa mission :

« Le gouvernement ne poursuit pas comme selon sa propre analyse les besoins et les nécessités de l’État mais se laisse aller à la dérive sous la pression de forces externes ; il est sous l’emprise de groupuscules mettant au dessus des intérêts du bien commun leurs propres intérêts. » [47][47]Vorwärts, pour la citation : 27 avril 1913. Pour le paragraphe…

La situation en Allemagne n’était pas sans rappeler l’affaire Dreyfus en France : ici et là, les hauts officiers et les entreprises de l’armement essayaient d’exercer leur influence sur le gouvernement et la justice [48][48]Vorwärts, 22 avril 1913.. Les motifs du gouvernement au sujet de la Heeresvorlage (budget de l’armée) furent par conséquent contestés. En faisant l’amalgame entre la Heeresvorlage et les Kornwalzer, le Vorwärts laissait supposer que dans les deux cas, les mêmes acteurs en tiraient profit, c’est-à-dire les capitalistes alliés aux militaires [49][49]Ibidem.. Les chances d’un rapprochement pacifique avec la France étaient rejetées au profit des intérêts de l’industrie de l’armement. Au bout du compte le peuple allemand devrait assumer les coûts du militarisme [50][50]Vorwärts, 20 avril 1913, 28 août 1913.. Dans l’intérêt du bien commun à tous, il aurait fallu abandonner la Heeresvorlage. Seule la nationalisation de l’armement empêcherait que le bien commun soit à la merci d’intérêts capitalistes [51][51]Vorwärts, 20, 27 avril 1913, 28 août 1913. Une analyse des….

Le bien commun ainsi que la volonté du peuple furent bafoués parce que le système politique ne les laissait pas s’exprimer. Le Vorwärts regretta que les élections au Reichstag, en 1912, soient restées sans conséquence. Par ces élections, la social-démocratie était devenue le plus grand groupe parlementaire au Reichstag. Mais cette nette volonté de l’électorat n’eut pratiquement aucun impact puisque le gouvernement et le Bundesrat (conseil fédéral) empêchèrent les réformes politiques. Le peuple aurait été abusé par les forces au pouvoir et le progrès souhaité par le peuple réfréné [52][52]Vorwärts, 20 et 27 avril 1913.. Les accusations de corruption à l’égard de Krupp nourrirent de nouveaux arguments pour favoriser le changement de système politique :

« Tout est lié, le patriotisme et la suprématie d’un groupuscule de junkers et de gros capitalistes sur la Prusse et sur l’Allemagne. Les révélations de Liebknecht démasquent non seulement les pratiques commerciales, mais encore les pratiques politiques avec lesquelles le peuple allemand est abusé. » [53][53]Vorwärts, 20 avril 1913.

Après l’adoption de la « Heeresvorlage », en juin 1913, et l’ouverture de la procédure judiciaire contre Krupp en juillet, les priorités du Vorwärts avaient changé. Les délits de Krupp et les procès étaient devenus un thème central.

Pour la social-démocratie, la vénalité des accusés fut rapidement prouvée. Bien que les fonctionnaires du ministère de la Guerre qui étaient en accusation aient vendu leurs secrets professionnels pour « une bouchée de pain », ceci ne minimisait cependant pas l’accusation pour faits de corruption, car une « tarification dans la vénalité » n’existait pas [54][54]Vorwärts, 1er et 27 août 1913.. Donc, le Vorwärts insista sur le fait que la corruption était inadmissible et répréhensible, qu’elle était absolument injustifiable. Finalement, les fonctionnaires n’eurent qu’une petite peine, et bénéficièrent de clémence. Le Vorwärts salua ce jugement comme étant une bonne chose car il voyait dans ces fonctionnaires des victimes des grandes entreprises, de la grande industrie. Quant à Brandt, il fut admis qu’il avait été instrumentalisé par l’usine d’armement d’Essen qui avait de manière systématique tenté d’introduire la corruption dans les rangs de la fonction publique allemande et de l’administration militaire [55][55]Vorwärts, 6 et 27 août 1913.. Les instigateurs ne furent autres que les responsables de la direction de l’entreprise. En revanche, le ministère public, le parquet, aurait échoué. Il n’aurait prouvé aucune participation des « personnages de haut rang », aucun Panama parce qu’il n’en aurait, semble-t-il, pas cherché [56][56]Vorwärts, 5 et 6 août 1913..

Le traitement social-démocrate de l’affaire démontre, via le scandale des Kornwalzer l’évolution et le rôle de la presse sous le Kaiserreich. Les journaux touchaient un plus large public, la médiatisation croissante et l’élargissement de la presse d’alors à une presse internationale eurent pour effet que les scandales devinrent, selon Norman Domeier, des « évènements médiatiques trans-nationaux » (« transnationale Medienereignisse ») et qu’il y eut une « prise de conscience des scandales » (« Skandalbewußtsein ») [57][57]Norman Domeier, Der Eulenburg-Skandal. Eine politische…. C’est ainsi qu’en 1913, le Vorwärts attisait la crainte de réactions négatives provenant de l’étranger face au scandale des Kornwalzer pour influencer les enquêtes [58][58]Vorwärts, 18 juillet, 27 août 1913.. Depuis 1892, la situation politique du SPD avait elle aussi beaucoup évolué, ce qui exerça une grande influence sur les articles du Vorwärts à ce sujet. Le parti était réparti en plusieurs courants de pensée. Les radicaux et les partisans de l’attentisme révolutionnaire rejetaient pour la plupart toute coopération avec le système politique du Kaiserreich et mettaient leurs espérances dans la seule révolution. Alors que les radicaux voulaient activement préparer la révolution, en renforçant et en aggravant la prise de conscience des différences entre classes sociales, les partisans de l’attentisme s’en remettaient à l’idée que la révolution se produirait indépendamment de leur participation active [59][59]D. Groh, Negative Integration und revolutionärer Attentismus…,…. Les révisionnistes, quant à eux, pariaient sur l’évolution du système politique en place. Leur engagement était surtout visible au niveau local et au niveau des Länder[60][60]Stefan Berger, Social Democracy and the Working Class in….

Les conflits internes au SPD influencèrent les contenus des articles du Vorwärts. Le journal visait depuis longtemps l’unification des différentes tendances du parti [61][61]Volker Schulze, « Vorwärts (1876-1933) », in Heinz-Dietrich…. La présentation de l’affaire Kornwalzer en est un signe. La rhétorique de plus en plus radicalisée au moment des lois antisocialistes, riche en métaphores et en vocabulaire marxistes s’était établie et correspondait au langage et à l’expression des partisans radicaux et aux partisans attentistes. Dans le cadre des accusations de corruption, cette rhétorique fut associée de par son contenu à la critique du système politique et économique et aux débats sur la politique quotidienne. À la différence de 1892, il y avait alors des objectifs politiques accessibles, qui devaient être atteints et qui correspondaient aux différents courants réformistes du parti.

Les trois scandales nous montrent, d’une part, une social-démocratie avide de mettre en relief l’injustice du système économique en place. Les pratiques corrompues sont présentées comme les suites prévisibles et omniprésentes du capitalisme et de son imbrication avec l’État. La corruption n’est pas en premier lieu la conséquence d’un comportement individuel des personnes en question, mais la révélation de tout un système politique et économique dont la dissimulation des structures de pouvoir était l’une des caractéristiques. S’il s’agit là d’un argument qu’on retrouve dans les trois cas, on peut constater des variations qui montrent des changements dans l’attitude des sociaux-démocrates vis-à-vis du système politique. En 1873, le Volksstaat n’attaque pas seulement le système capitaliste, mais il critique en détail les subventions publiques pour les « fondateurs » (Gründer), donc pour les investissements, alors même que la question sociale n’avait pas été évoquée par les autorités publiques. Cependant en 1892, la discussion autour du scandale de Panama se concentre presque exclusivement sur les aspects « systémiques », alors que la stratégie lors du scandale de 1913 inclut, de nouveau, des revendications politiques très concrètes (abolition du système des trois classes en Prusse – Dreiklassenwahlrecht; résistance à la politique de l’agrandissement de l’armée – Heeresvorlage). En fait, la réaction de la SPD au scandale des Kornwalzer était visiblement inspirée par une position réformiste et pragmatique que l’on trouve confirmée par l’intégration du parti au système politique de l’époque.

Notes
  • [41]Pour cette affaire cf. Frank Bösch, « Krupps “Kornwalzer”. Formen und Wahrnehmungen von Korruption im Kaiserreich », Historische Zeitschrift, n° 281, 2005, pp. 337-379 et Frank Bösch, Öffentliche Geheimnisse…, op. cit., chap. VII, p. 3.
  • [42]C’est Karl Liebknecht qui pour la première fois a donné la comparaison, le 19 avril 1913, au Reichstag. Verhandlungen des Deutschen Reichstags, Haus der Abgeordneten, séance du 19 avril 1913, p. 4926.
  • [43]Vorwärts, 5 août 1913.
  • [44]Vorwärts, 24 avril et 7 juillet 1913.
  • [45]Stig Förster, Der doppelte Militarismus. Die Deutsche Heeresrüstungspolitik zwischen Status-Quo-Sicherung und Aggression 1890-1913, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1985, p. 272.
  • [46]Vorwärts, 20 et 24 avril 1913 ; Verhandlungen des Deutschen Reichstags, Haus der Abgeordneten, séance du 23 avril 1913, p. 5056.
  • [47]Vorwärts, pour la citation : 27 avril 1913. Pour le paragraphe cf. : 20 avril 1913, 28 août 1913.
  • [48]Vorwärts, 22 avril 1913.
  • [49]Ibidem.
  • [50]Vorwärts, 20 avril 1913, 28 août 1913.
  • [51]Vorwärts, 20, 27 avril 1913, 28 août 1913. Une analyse des débats au Reichstag sur la « Heeresvorlage » montre que la social-démocratie au lieu de prendre une position défensive souhaitait bien au contraire un changement de ce budget ainsi que coopérer avec les partis libéraux. S. Förster, Der doppelte Militarismus, op. cit., pp. 247-274, Dieter Groh, Negative Integration und revolutionärer Attentismus. Die deutsche Sozialdemokratie am Vorabend des Ersten Weltkrieges, Francfort/M, Ullstein, 1973, p. 383.
  • [52]Vorwärts, 20 et 27 avril 1913.
  • [53]Vorwärts, 20 avril 1913.
  • [54]Vorwärts, 1er et 27 août 1913.
  • [55]Vorwärts, 6 et 27 août 1913.
  • [56]Vorwärts, 5 et 6 août 1913.
  • [57]Norman Domeier, Der Eulenburg-Skandal. Eine politische Kulturgeschichte des Kaiserreichs, Francfort/M, Campus Verlag, 2010, p. 19.
  • [58]Vorwärts, 18 juillet, 27 août 1913.
  • [59]D. Groh, Negative Integration und revolutionärer Attentismus…, op. cit.
  • [60]Stefan Berger, Social Democracy and the Working Class in Nineteenth and Twentieth Century Germany, Harlow, Longman, 2000, p. 83.
  • [61]Volker Schulze, « Vorwärts (1876-1933) », in Heinz-Dietrich Fischer (dir.), Deutsche Zeitungen des 17. bis 20. Jahrhunderts, Pullach bei München, Verlag Dokumentation, 1972, pp. 329-347.

A lire en allemand sur l'affaire :

 

FRANK BOSCH Krupps „Kornwalzer“. Formen und Wahrnehmungen von Korruption im Kaiserreich http://dx.doi.org/10.14765/zzf.dok.1.652 Reprint von: Frank Bösch, Krupps „Kornwalzer“. Formen und Wahrnehmungen von Korruption im Kaiserreich, in: Historische Zeitschrift Band 281, 2005, S. 337-379 ; https://zeitgeschichte-digital.de/doks/frontdoor/deliver/index/docId/652/file/b%c3%b6sch_krupps_kornwalzer_2005_de.pdf

 

ANNELIES LASCHITzA,  Karl Liebknecht Advokat und Parlamentarier mit Charisma P. 54 à 68 : https://www.rosalux.de/fileadmin/ls_sachsen/dokumente/Publikationen/2018_Luxemburg-Forschungsbericht_15.pdf

 

 

Karl Liebknecht 1913

Karl Liebknecht 1913

Rede am 18. April 1913 (sozialistische Klassiker)

Der Feind im eigenen Land

Meine Herren, ein paar einleitende Bemerkungen! Diejenigen, die sich vielleicht für die schönen Verse interessieren, die gestern oder vorgestern einer der Abgeordneten in diesem Hause verlesen hat und die angeblich zur Kennzeichnung der sozialdemokratischen Jugendpflege dienen sollen, möchte ich aufmerksam machen auf den stenographischen Bericht des Abgeordnetenhauses vom 11. April 1913, wo die Märchen, die man uns erzählt hat, bereits als Märchen gekennzeichnet worden sind. im Übrigen ist es wohl nicht erforderlich, auf durchaus haltlose Unterstellungen, die sich auf Reichsverbandsflugblätter aufbauen, einzugehen.

(Zuruf rechts: „Keineswegs!")

Meine Herren, in der Duellfrage hat der Herr Abgeordnete Erzberger einen Gegensatz zwischen meinem Freunde Ledebour und mir konstruieren wollen. Ein solcher Gegensatz besteht nicht. Wir haben uns gegen den auf eine Verschärfung des Strafgesetzes hinauslaufenden Antrag der Zentrumsfraktion um deswillen erklärt, einmal, weil in diesem Antrag der Kautschukbegriff der „schweren Beleidigung" vorkommt, sodann, weil er eine fixierte Strafe fordert und wir prinzipielle Gegner fixierter Strafen sind, und schließlich, weil durch seine Formulierung implizite die strafrechtliche Exemtion, die Privilegierung des Duells gebilligt, aufrechterhalten wird.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Wir wünschen eine gemeinrechtliche Regelung der Duellfrage in dem Sinne, dass das Duell einfach wie jede andere Schlägerei, oder die Duelltötung wie jede andere gemeine Tötung behandelt wird. Wir haben das durch unseren Antrag zum Ausdruck zu bringen gesucht. Inwieweit unser Antrag, der schlechthin die Streichung eines Abschnitts des Strafgesetzbuchs fordert, etwa weiterer Ergänzungen bedarf, damit keine Lücken entstehen, das wird eine Sorge der Kommissionsverhandlungen sein, an denen wir uns natürlich beteiligen werden.

 

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Meine Herren, dieses vorausgeschickt, komme ich zu meinem eigentlichen Thema! In einer Zeit, in der in der „Kreuz-Zeitung" ein Regierungsrat schreiben konnte: „Herr, gib uns wieder Krieg!", in der die „Konservative Korrespondenz" schreiben konnte: „Ein Krieg käme uns gerade recht!", in der Herr von der Goltz sagen konnte: „Wenn es doch endlich einmal losginge!", in einer Zeit, die den gefährlichen Gedanken des Präventivkrieges durch die fortgesetzten Rüstungen geradezu provoziert, in einer Zeit, in der Herr General von der Goltz in Potsdam bei einer Yorck-Feier öffentlich erklärt hat: „Wir brauchen keine Tugendbolde!" – meine Herren, in einer solchen Zeit ist es außerordentlich interessant, ein Gebiet zu beleuchten, das bisher noch kaum jemals recht beleuchtet worden ist, und damit bloßzulegen eine der Wurzeln der Kriegsgefahren, die den europäischen Völkern und speziell auch dem deutschen Volk drohen. Ich will mich beschäftigen mit den Praktiken und Schleichwegen unserer Militärlieferanten.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Wir haben allerdings mit den Militärlieferanten schon öfter zu tun gehabt. Es ist bekannt, dass das Deutsche Reich von einer der größten Militärlieferungsfirmen in Bezug auf die Panzerplatten systematisch geprellt wurde; es ist bekannt, dass ein heftiger Kampf, der dereinst zwischen zwei großen rheinischen Firmen tobte, schließlich beigelegt worden ist, indem die beiden sich in die Beute teilten. Der „Vorwärts" war am vergangenen Montag in der Lage, zur Illustration dieses gemeinsamen Wirkens der Kriegsinteressen zum Nutzen des deutschen Volks – sie betrachten dabei natürlich sich allein als das deutsche Volk – einige Aktenstücke zu veröffentlichen, die ergeben, dass es in Deutschland einen Marineverständigungskonzern gibt

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

zwischen den verschiedenen Marinelieferanten, die sich gegenseitig in einer scharfen Kontrolle halten und sich gegenseitig gewissermaßen den Profit garantieren. Es sind Formulare – die Meldezettel, die in dem Geschäftsverkehr dieser sauberen Gesellschaft in Anwendung sind – im „Vorwärts" abgedruckt worden. Der dokumentarische Beweis dafür, dass man hier einen Vampir am Leibe des deutschen Volkes sitzen hat, ist im „Vorwärts" erbracht.

Meine Herren, das ist die eine Seite der Sache. Nun zum Patriotismus. Die Vaterlandslosigkeit des Kapitals ist für die Sozialdemokratie eine altbekannte Tatsache.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Wir haben niemals daran gezweifelt, dass das Kapital vaterlandslos ist, und zwar um so vaterlandsloser, je patriotischer es sich gebärdet.

(Zurufe von den Sozialdemokraten.)

Beweise dafür bedarf es nicht. Es hängt im allgemeinen ja mit der internationalen Personalunion des Kapitals zusammen. Es hängt auch mit der absoluten Skrupellosigkeit des Profitbedürfnisses des Kapitals zusammen, das die Profite nimmt, wo es sie bekommen kann.

Ich habe über diese Vaterlandslosigkeit der Rüstungsindustrie ja vielleicht nicht zu viel Neues zu sagen, denn das schlimmste an dieser Vaterlandslosigkeit, diesem vollkommenen Apatriotismus, ist ja doch die Tatsache, dass diese Rüstungslieferanten ganz systematisch ihre Lieferungen nach dem Auslande geben, überall hin, gleichviel, wo nur am besten bezahlt wird, gleichviel, ob späterhin die Waffen, die dorthin geliefert werden, gegen die deutsche Armee benutzt werden.

Meine Herren, einen besonders interessanten Beleg für diese Vaterlandslosigkeit dieses „patriotischen" Kapitals hatte mein Freund Südekum neulich hier vorgetragen. Aus der Schrift des Herrn Martin hat er über die Verhältnisse auf den Dillinger Werken Tatsachen beigebracht, die bisher, soviel ich weiß, nirgends widerlegt worden sind. Das Dillinger Werk ist im Besitze der Stummschen Erben, das heißt also wohl in erster Linie des Herrn Generalleutnants von Schubert, eines Herrn aus dem preußischen Abgeordnetenhaus. Dieses Werk ist zu einem großen Teil mit französischem Kapital gefüttert, wie jetzt feststeht, und es ist auch insofern sehr stark französiert, als die französische Sprache in den Generalversammlungen dieses Werks sehr viel angewendet wird.

(Zurufe von den Sozialdemokraten.)

Das ist ungemein lehrreich! Man denke: „Der Erbfeind!" Man denke der „großen Gefahr", dass ein Krieg zwischen Deutschland und Frankreich ausbricht – und nun sitzen französische Kapitalisten in dieser deutschen Gesellschaft, werden in alle Geheimnisse der deutschen Rüstungen eingeweiht und sorgen im Verein mit allen Kapitalisten deutscher Nationalität dafür, dass dem deutschen Volke und dem Deutschen Reich recht viel Geld für die Rüstungen abgenommen wird. Meine Herren, das ist ein Beweis von einer rührenden internationalen Solidarität des Kapitals.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Über alle Schranken der Nationalität hinaus geht diese Solidarität des Kapitals.

Aber nun etwas Weiteres. Vielleicht lässt sich der Herr Kriegsminister einmal die Akten gegen einen gewissen Herrn Schopp geben. Ich kann ihm das Aktenzeichen angeben: Landgericht III, Berlin, B 5, J. 675/10. In diesen Akten wird er allerhand interessantes Material über eine der größten deutschen Waffenfabriken finden, nämlich die Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Es befindet sich unter anderem in diesen Akten in Abschrift ein Brief, der an einen Agenten dieser Gesellschaft nach Paris gerichtet ist

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

nach Paris! – mit dem Geheimzeichen 8236. Dieser Brief lautet folgendermaßen:

Wir drahteten Ihnen soeben: ,Bitten unseren heutigen Brief in Paris abwarten.' Grund dieser Depesche war, dass wir die Aufnahme eines Artikels in einer der gelesensten französischen Zeitungen, möglichst im ,Figaro', durchsetzen möchten, welcher folgendermaßen lautet: ,Die französische Heeresverwaltung hat sich entschlossen, die Neubewaffnung der Armee mit Maschinengewehren erheblich zu beschleunigen und die doppelte Anzahl, als zuerst beabsichtigt, zu bestellen.'"

So soll der Artikel im „Figaro" lauten, in einer der gelesensten französischen Zeitungen – dieser Artikel, inspiriert von den Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Der Brief schließt damit: „Wir bitten Sie, alles aufzubieten, um die Aufnahme eines derartigen Artikels zu erreichen."

Unterzeichnet ist der Brief: „Deutsche Munitions- und Waffenfabrik, von Gontard, Kosegarten."

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Dieser Brief beweist, dass unsere deutschen Rüstungsinteressenten, dass unsere großen deutschen Waffenfabriken, mindestens diese eine – sie ist ja vielleicht, ein weißer Rabe kann ich nicht sagen, ein schwarzer Schimmel in diesem Falle –

(Heiterkeit.)

dass mindestens diese eine Fabrik sich nicht scheut, in französische Zeitungen falsche Nachrichten zu lancieren, die dahin deuten sollen, dass französische Heeresvermehrungen geplant waren. Zu welchem Zweck? Um das Vaterland zu retten? Meine Herren, zu welchem Zweck? Um damit in Deutschland Stimmung machen zu können, damit sie Aufträge bekommt und gut Geld verdienen kann,

(„Sehr wahr!" bei den Sozialdemokraten.)

damit das Geld im Kasten klingen kann.

(Rufe von den Sozialdemokraten: „So wird's gemacht!")

Meine Herren, das ist doch ungemein bedeutsam!

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Ich glaube, ein solcher Beleg für den Patriotismus des deutschen Rüstungskapitals ist bisher noch nicht dagewesen.

Aber wir dürfen doch wohl hoffen, dass die Waffen- und Munitionsfabrik ein schwarzer Schimmel ist? Meine Herren, Hoffen und Harren macht manchen zum Narren. Ich bin leider genötigt, solche Hoffnungen bei Ihnen zu zerstören, indem ich Ihnen ein schlüssiges Beweismaterial dafür vorlege, dass die größte deutsche Waffenfabrik mit Manipulationen arbeitet,

(Zwischenrufe rechts.)

die sich auch nicht einmal mit einer derartigen Art Moral vereinbaren lassen, die sonst vielleicht, wie ich eben aus Zwischenrufen entnehmen zu müssen glaubte, bei gewissen Parteien dieses Hauses noch Beifall finden könnte. Meine Herren, ich bin begierig, ob Sie dem Beifall spenden werden, was ich Ihnen jetzt sagen werde.

Der Vorstand der Gussstahlfabrik Friedrich Krupp, Essen an der Ruhr, unterhielt – darf ich jetzt sagen – in Berlin bis vor wenigen Wochen einen Agenten namens Brandt, einen früheren Feuerwerker, der die Aufgabe hatte, sich an die Kanzleibeamten der Behörden der Armee und der Marine heranzumachen und sie zu bestechen, um auf diese Weise Kenntnis von geheimen Schriftstücken zu erhalten, deren Inhalt die Firma interessiert.

(Lebhafte Rufe: „Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Was sie interessiert, sind besonders Absichten der Behörden in Bewaffnungsfragen, Angaben über Konstruktionen der Behörden sowie der Konkurrenz,

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Ergebnisse von Versuchen, namentlich aber die Preise, welche andere Werke fordern oder die ihnen bewilligt werden. Herrn Brandt sind zu diesem Zwecke große Mittel zur Verfügung gestellt.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Die berühmte Firma nutzt ihre Geldmacht systematisch dazu aus, um höhere und niedere preußische Beamte zum Verrat militärischer Geheimnisse zu verleiten.

(Stürmische Rufe bei den Sozialdemokraten: „Hört! Hört!")

Dieser Zustand besteht seit Jahren. In den Geheimschränken eines Herrn von Dewitz in Essen, eines hohen Beamten der Firma Krupp, liegen – oder lagen! – diese Geheimberichte säuberlich aufgestapelt.

Das, was ich Ihnen eben hier gesagt habe, beruht nicht auf einer bloßen Mitteilung, die mir von irgendeiner Seite gemacht worden ist. Ich darf Ihnen sagen, dass ich selbstverständlich von dem, was mir mitgeteilt wurde, dem Herrn Kriegsminister Kenntnis gegeben habe.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Ich bin besonders darauf aufmerksam gemacht worden, dass eine Bekanntgabe dieser Dinge zu einem frühen Zeitpunkt leicht dazu führen könnte, dass die Firma bei ihrer ungeheuren Geldmacht in der Lage sein würde, alle Beweisstücke und auch unbequeme Personen irgendwohin aus der Welt zu schaffen.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Der Herr Kriegsminister hat in dieser Angelegenheit seine volle Schuldigkeit getan. Der Herr Kriegsminister hat eingegriffen, und zwar nicht nur gegen Militärpersonen, sondern auch gegen Zivilpersonen. Gegen sechs oder sieben Personen – ich kann es im Moment nicht sagen, ich will die Namen im Moment nicht preisgeben – schwebt die Voruntersuchung, wenn sie nicht bereits geschlossen ist.

Es ist mit anerkennenswerter Energie eingegriffen worden. Die Betreffenden sind in Untersuchungshaft genommen worden. Hochgestellte Leute! Es ist also kein Vorwurf gegen die Militärverwaltung zu erheben. Die Untersuchung ist im Wesentlichen abgeschlossen und hat bis auf das Tüpfelchen über dem i dasjenige bestätigt, was ich Ihnen hier vorgetragen habe.

(Lebhafte Rufe bei den Sozialdemokraten: „Hört! Hört!")

Der Untersuchungszweck kann nicht mehr gefährdet werden, infolgedessen halte ich es für meine Pflicht und Schuldigkeit, im Interesse des deutschen Volks und im Interesse des europäischen Friedens diese Dinge hier vorzubringen.

(„Bravo!" und Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Denn so liegt doch die Sache – gestatten Sie mir eine kleine Abschweifung –: Wenn wir bei der Waffen- und Munitionsfabrik sehen, dass sie dergleichen Praktiken wie mit dem Brief nach Frankreich, den ich vorgelesen habe, unternimmt, dann wird man ihr doch sicherlich auch zutrauen, dass sie sich nicht scheut, dasjenige zu tun, was die Firma Krupp tut. Und wenn die Firma Krupp dasjenige tut, was wir hier als nachgewiesen bezeichnen können, dann können wir doch sicher sein, dass sie sich nicht genieren wird, auch dasselbe zu tun, was die Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken machen.

(„Sehr wahr!" bei den Sozialdemokraten.)

Das liegt doch deutlich auf der Hand. Von Unternehmungen, deren Moral und Gewissenhaftigkeit auf diesen – „Nullpunkt" kann man nicht sagen – Minuspunkt gesunken ist, wie das hier, sei es bei der Waffen- und Munitionsfabrik, sei es bei Krupp, erwiesenermaßen der Fall ist, muss man sich auf alles gefasst machen.

(Lebhafte Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Jetzt will ich einmal auf Dillingen zurückgreifen. Das ist die Ergänzung. Dillingen heißt: Herr von Schubert. Herr von Schubert ist gleich Stumm. Stumm ist gleich „Post".

(Heiterkeit.)

Das ist wichtig zu wissen.

(Heiterkeit und Zurufe.)

Die Zeitung „Post"! Die Zeitung „Post" ist doch bekannt. Die „Postesel" kennt doch jedermann.

(Heiterkeit.)

Nun, meine Herren, also: Dillingen gleich „Post", das ist wichtig. War es nicht „Die Post", die 1911 jenen Artikel bei der Marokkoaffäre brachte, um die deutsche Regierung zu einer „aktiveren Politik" aufzuputschen?

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

War es nicht „Die Post", die den Artikel schrieb: „Guillaume le timide, le valeureux poltron"?! Das war „Die Post", das bitte ich festzuhalten! Und es war „Die Post", von anderen Dingen vorläufig zu schweigen, die zuerst das Mundstück der, wie soll ich mich ausdrücken, Generalstabsclique war, zu deren Füßen der Herr Kriegsminister heute liegt.

(Große Heiterkeit.)

Meine Herren, war es nicht auch „Die Post", die, als der Friede auf dem Balkan „drohte" – darf man für die Rüstungsinteressenten sagen –, plötzlich entdeckte, es war Ende Februar in einem sehr prononcierten Artikel, dass, nachdem jetzt im Osten der Friede nahe bevorstehe, im Westen ein neues und gefährlicheres Gefahrenzentrum sich entwickle.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Und ist es nicht „Die Post", die aus den Vorgängen von Nancy1 besonders starkes Kapital geschlagen hat, indem sie mit ihrem patriotischen Degen auf ihren patriotischen Schild geschlagen hat, wie es die alten Germanen taten!

Parteigenossen, in der Tat – –

(Andauernde stürmische Heiterkeit und Zurufe.)

Ich habe „Parteigenossen“ gesagt. Ich entnehme aus Ihrem Lachen, wie Sie anerkennen, dass, Sozialdemokraten zu nennen, den Ehrennamen „Parteigenossen“ zu gebrauchen in demselben Atemzuge mit derartigen Leuten auch Ihnen als ein Ding der Unmöglichkeit erscheint. Aber ich will nach diesem lapsus lingue fortfahren: 2die „Post" hat diese Hetzartikel über das „neue und gefährliche Gefahrenzentrum", über die Vorgänge in Nancy, gebracht und hat, wie ich eben schilderte, so heftig mit ihrem patriotischen Schild gerasselt, wie auf irgendeiner Theaterbühne nur gerasselt werden kann. Sie schlug aber – eine solche Täuschung! – in Wahrheit nur auf den Geldbeutel, und das hat so ähnlich geklungen, als ob sich Patriotismus produziere.

Wer will uns den Zusammenhang zwischen diesem Geschrei in dieser Presse über die Vorgänge in Nancy und den Profitinteressen des Rüstungskapitals etwa bestreiten wollen, diesem Geschrei über Vorgänge, wie sie sich auch früher gelegentlich einmal ereignet haben, Vorgänge, die selbstverständlich überall, auch in Frankreich, bedauert worden sind! Diese Vorgänge werden von einer gewissen Presse systematisch ausgenutzt, um den Gegensatz zwischen Deutschland und Frankreich immer weiter zu schärfen, um dadurch den guten Wind künstlich zu schaffen, der auszugehen droht für die Riesenheeresvorlagen und die ungeheuerlichen Gewinne, die die Rüstungsindustriellen machen wollen – die Rüstungsinteressenten – bei Gelegenheit der jetzigen Wehrvorlage.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Meine Herren, das sind Dinge, die klar auf der Hand liegen. Der Fall Nancy und Besançon, und was dazu gehört, ist dieser Presse gerade recht gekommen, als wieder eine friedliche Entwicklung drohte, drohte – nämlich dem Geldbeutel der Herren Rüstungsinteressenten.

Was ich gesagt habe, meine Herren, betrifft „Die Post". Wir kennen aber auch den engen Zusammenhang zwischen anderen Abteilungen des Rüstungskapitals und anderen Zeitungen in Deutschland, die von jeher als die größten Rufer im Streit für eine kriegerische Auseinandersetzung und gegen eine friedliche Lösung der europäischen Schwierigkeiten eingetreten sind. Ich brauche nur die „Rheinisch-Westfälische Zeitung" zu nennen, ein Organ, das an der Stirne den Stempel des Profitwillens der Rüstungsinteressenten trägt. Und was das bedeutet, das habe ich Ihnen an einigen Beispielen klargemacht. Meine Herren, man kann ja Schlussfolgerungen ziehen. Jedermann weiß ja, wie zum Beispiel Kolonialpolitik gemacht wird. Eine der bekanntesten Methoden ist, kolonialpolitisch aufzuputschen durch Geheimagenten und allerlei Spitzel in dem Lande, das man dann kolonialpolitisch erobern möchte. Ich will nicht so weit gehen. Ich denke nicht daran, etwa den Verdacht zu formulieren, dass bei gewissen unliebsamen Vorgängen in Frankreich direkt auch Agenten deutschen Kapitals mitgewirkt haben, ich gehe nicht so weit; ich sage Ihnen nur das eine: Man darf keinen Zweifel daran lassen, die Skrupellosigkeit der Ausnutzung dieser Vorgänge gibt uns das Recht dazu. Wir trauen diesen Oberpatrioten, diesen Oberpatriotarden, darf man wohl sagen, alles zu, auch dieses.

Meine Herren, erwägen Sie nur das eine: Das sind dieselben Kreise, die die Zwietracht der Völker zu Gold münzen.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Ob sie in Deutschland oder in Frankreich sind, sie haben die gleichen Interessen. Die Steigerung der Rüstungen in Frankreich wirkt nicht so auf die deutschen Konkurrenten, wie die Steigerung einer anderen Konkurrenzindustrie sonst zu wirken pflegt; diese „Konkurrenten" arbeiten Hand in Hand. Unsere Krupp, Stumm und Genossen, Waffen- und Munitionsfabriken können nichts Besseres wünschen, als dass in Frankreich tüchtig gerüstet wird, weil auch sie dann tüchtig Arbeit bekommen und viel Geld verdienen. Das sind dieselben Leute, für die Zwietracht zwischen den Völkern säen und schüren, gleichviel aus welchem Grunde, Geld verdienen heißt. Das sind dieselben Leute, deren Profit völlig unbeeinflusst ist von dem Anlass eines Zwistes zwischen den Völkern und seinem Erfolge, bei denen die Höhe des Profits schlechthin proportional ist dem Grade der Zwietracht, des Hasses zwischen den verschiedenen Völkern.

Meine Herren, das ist das Wesentliche, um die Psychologie dieser Art des Kapitals zu verstehen, und das ist notwendig, um zu verstehen, wie dieses Kapital hetzerisch arbeiten kann in Frankreich und in Deutschland, gleichviel, ob es in Frankreich oder in Deutschland angewandt wird. Stets werden ihre gemeinsamen Interessen dabei gefördert, unter allen Umständen wird Profit gemacht.

Ich bin sicher, dass die französischen Firmen, etwa Schneider-Creusot, nicht anständiger sind als die deutschen Firmen, und es ist durchaus wahrscheinlich, dass die französische Hetzpresse, die der unsrigen in der Tat keineswegs an Gefährlichkeit überlegen ist, von diesen Rüstungsinteressenten ebenso abhängig ist wie unsere schlimmste Hetzpresse in Deutschland.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Meine Herren, all diese Tatsachen, diese Erwägungen werden festzuhalten sein für die weiteren wichtigen Verhandlungen, die wir in diesem Hause zu führen haben.

Meine Herren, die Reichsregierung steht bisher mit diesen Unternehmungen in Beziehung. Sie war allerdings wohl bisher nicht über diese Dinge unterrichtet, sie war sicherlich – darf ich wohl sagen – nicht unterrichtet. Aber der Herr Kriegsminister hat uns gesagt, dass die Zeitungen im Kriegsministerium genau gelesen werden. Trifft das zu, so hätte der Brief der Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken dem Kriegsminister, wenn er seine Schuldigkeit getan hat, nicht entgehen können; denn er ist bereits im „Vorwärts" veröffentlicht und unbegreiflicherweise damals übersehen worden. Ich erwarte darüber Aufklärung.

Meine Herren, die Militärverwaltung hat nicht nur bisher diesen Privatindustriellen die fetten Aufträge gegeben, die die Riesenprofite für diese Millioneninstitute ermöglichen, sondern sie ist, wie ich im vergangenen Jahre feststellen konnte, sogar so weit gegangen, die staatlichen Anstalten, die staatlichen Waffenfabriken, in ihrer Tätigkeit einzuschränken, damit gewisse Aufträge der Privatindustrie gegeben werden konnten, weil deren Unterhaltung im Interesse der Kriegsverwaltung für erforderlich angesehen wird. Das ist eine echte staatliche Subvention, um die der Reichstag nicht gefragt ist.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Ich habe das damals vorgebracht, habe aber daraus einen direkten Vorwurf gegen den Herrn Kriegsminister nicht hergeleitet, weil die Zwangslage, solange diese Industrie zu einem großen Teile privat ist, in der Tat in einem gewissen Umfange besteht. Ich will diese Frage hier nicht weiter verfolgen; aber das eine liegt auf der Hand: Mit diesem System muss ein Ende gemacht werden!

(Lebhafte Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Es ist eine zwingende Notwendigkeit, dass die Hände des Deutschen Reichs – wenn ich mich einmal bildlich ausdrücken darf – rein bleiben. Es ist erforderlich, dass die Regierung mit Firmen, denen derartige Praktiken nachgewiesen sind, keinerlei Beziehungen mehr hält.

(Erneute Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Der Herr Kriegsminister hat vor zwei Tagen, wenn ich nicht irre, in der Budgetkommission, als ich ihn wegen ein paar armen Schachern der Unredlichkeit unter den Militärlieferanten interpellierte, die er natürlich preisgegeben hat – in dieser Richtung kann ich ihm nicht den geringsten Vorwurf machen –, erklärt, dass es seit langem Praxis der Militärverwaltung sei und strikte durchgeführt werde, dass die Militärverwaltung jede Verbindung mit einer Firma ablehne, der auch nur ein einziges Mal derartige Praktiken nachgewiesen worden seien. Meine Herren, daraus ergibt sich, dass die Firma Krupp und die Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken zum mindesten – wer weiß, wer sonst vielleicht noch? – keinerlei Aufträge aus der künftigen Wehrvorlage haben dürfen. Das ist die Pflicht des Deutschen Reichstags, wenn er auf Reinlichkeit hält, dafür zu sorgen, und das ist die Pflicht der deutschen Militärverwaltung, wenn sie auf Reinlichkeit hält.

(Lebhafte Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Meine Herren, aber nicht nur aus Gründen der pekuniären Anständigkeit und Reinlichkeit drängen wir auf eine grundstürzende Änderung des Systems. Die Verstaatlichung der gesamten Rüstungsindustrie muss auch um deswillen in aller Eile durchgeführt werden, koste es, was es wolle, weil es nur damit möglich ist, eine Interessentenklasse auszumerzen, deren Existenz eine ständige Kriegsgefahr für die ganze Welt bedeutet, und damit eine Wurzel des Rüstungswahnsinns und eine Wurzel des Völkerzwistes zu vernichten.

(Lebhafter Beifall bei den Sozialdemokraten.)

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11 février 2022 5 11 /02 /février /2022 18:13
23 avril 1933, L'Intransigeant - Les nazis brûlent les livres marxistes à Berlin. Le Manifeste, le Capital, des ouvrages de Rosa Luxemburg, de Lénine ...
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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009